Pour doper les performances des matériaux, les chercheurs imaginent sans cesse de nouvelles stratégies. Ainsi en 2012, une équipe a inséré des gènes d’araignée dans le génome d’un bombyx du mûrier avec pour objectif de produire une soie super-résistante. Aujourd’hui, une autre équipe annonce avoir atteint le même objectif grâce à des vers nourris aux nanotubes de carbone et au graphène.

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    Pour rendre la soie plus résistante et éventuellement, faire d'une pierre deux coups en la fonctionnalisant, les chercheurs ont déjà exploré une grande variété de pistes. Pour lui adjoindre un colorant, un agent antimicrobien ou un polymère conducteur, deux options s'offrent à eux : le traitement de la soie filée avec ces additifs ou leur incorporation directe à la nourriture fournie aux vers à soie.

    C'est la seconde voie que les chercheurs de l'université de Tsinghua (Pékin, Chine) ont choisi d'explorer. Ils ont en effet nourri des vers du mûrier, les fameux bombyx spécialement élevés pour leur soie, avec des solutions aqueusessolutions aqueuses contenant 0,2 % en poids de nanotubes de carbonenanotubes de carbone ou de graphènegraphène. Car le traitement a posteriori de la soie impliquerait de dissoudre ces nanomatériaux dans des solvantssolvants chimiques toxiques.

    Ce sont les glandes salivaires de la chenille du bombyx du mûrier qui produisent la soie. © Nicola Dal Zotto, Shutterstock

    Ce sont les glandes salivaires de la chenille du bombyx du mûrier qui produisent la soie. © Nicola Dal Zotto, Shutterstock

    Des propriétés étonnantes

    La spectroscopie Raman et des images au microscope électronique ont révélé, pour cette super soie, une structure cristalline plus ordonnée que celle de la soie classique. Et ses propriétés physiquesphysiques se sont avérées à la hauteur de leurs espérances :

    • La soie renforcée de carbone s'avère deux fois plus résistante que la soie classique.
    • La soie renforcée conduit l'électricité ce qui n'est bien sûr pas le cas de la soie classique.

    Ces propriétés pourraient rendre cette soie utile à la fabrication de capteurscapteurs embarqués dans des textiles intelligents ou à la conception d'implantsimplants médicaux, notamment. Avec encore plus d'efficacité si les chercheurs parvenaient à répondre à deux questions qui restent en suspens :

    • Par quel mécanisme les vers incorporent-ils les nanotubes de carbone et le graphène à la soie ?
    • Quel est le pourcentage des nanomatériaux ingérés qui se retrouve effectivement dans la soie ? 

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    Article initial de Bruno Scala, paru le 06/01/2012

    Un ver à soie génétiquement modifié ! C'est ce que des chercheurs ont mis au point pour produire une soie d'une résistancerésistance exceptionnelle, proche de celle des toiles d'araignée. Et pour cause : ils ont inséré les gènesgènes responsables de la synthèse des fibres de soie chez l'araignée dans le génomegénome d'une larve du bombyx du mûrier.

    La soie d’araignée, dont les secrets avaient révélés il y a quelques mois par une équipe de chercheurs allemands, est une fibre extrêmement résistante. Bien davantage que le KevlarKevlar, pour des densités plus faibles que le nylonnylon ou le coton. Mais en produire en grande quantité est un défi qui n'a pas encore été relevé par les scientifiques.

    Les araignées sont en effet incapables de vivre en élevage : elles sont territoriales et passent un grande partie de leur temps à se battre voire se dévorer et la production de soie chute drastiquement. En revanche, l'élevage des vers à soie (la larve du papillon Bombyx mori) est extrêmement simple et déjà fortement développé. Leur soie est cependant de moins bonne qualité.

    La transgénèse au service de l'industrie

    Que faire ? La génétiquegénétique permet de prélever les gènes impliqués dans la synthèse des protéinesprotéines de la soie chez les araignées et de l'introduire à l'intérieur du génome des chenilles. Ainsi, on obtient des organismes génétiquement modifiés capables de fabriquer des fibres plus résistantes, de meilleure qualité.

    L'araignée Darwin (<em>Caerostris darwini</em>) produit la soie la plus résistante au monde. © GalliasM, Wikipédia, cc0 1.0

    L'araignée Darwin (Caerostris darwini) produit la soie la plus résistante au monde. © GalliasM, Wikipédia, cc0 1.0

    C'est exactement ce qu'ont réalisé des chercheurs chinois et américains des universités du Wyoming, Notre-Dame et de Zhejiang. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue Pnas. Pour cela, ils ont employé un morceau d'ADNADN facilement transposable à l'intérieur d'un génome étranger (un transposon), très utilisé pour transgénèsetransgénèse : le piggyBac. Ce fragment d'ADN, identifié par un des auteurs de la publication dans les années 1980, permet de facilement extraire un gène d'un organisme puis de l'insérer au sein d'un autre.

    Ainsi, les chercheurs ont prélevé les gènes responsables de la synthèse de la soie chez l'araignée et les ont introduits au sein du génome du ver, au niveau des glandesglandes séricigènes (qui produisent la soie). Gadget supplémentaire, ils ont également inséré un gène qui confère des yeuxyeux rouges aux chenilles génétiquement modifiées afin de pouvoir les reconnaître.

    Forme adulte du ver à soie, <em>Bombyx mori</em>. © DavidHT, Flickr, cc by 2.0

    Forme adulte du ver à soie, Bombyx mori. © DavidHT, Flickr, cc by 2.0

    Une soie hybride, fabriquée par le ver et l'araignée

    Grâce à cela, ils ont pu obtenir une soie plus robuste. Certes, elle est encore majoritairement composée de fibres de la chenille, mais elle en contient de 2 à 5 % d'origine arachnéenne. Assez pour que les propriétés mécaniques changent : elle est ainsi plus élastique et plus résistante.

    D'autres chercheurs étaient déjà parvenus à produire une soie hybride, les fibres de l'araignée et celles du ver n'étaient pas entremêlées. Les premières entouraient les secondes et lors de la récolte des coconscocons, elles n'étaient pas gardées. Dans ce travail international, toutes les fibres sont entremêlées.

    Des applicationsapplications en médecine reconstructive sont envisagées : ligament, suture, etc. Une matièrematière si résistante et élastique pourrait aussi remplacer certains plastiquesplastiques. Le prochain objectif de l'équipe de chercheurs consistera pour cela à mettre au point un ver génétiquement modifié qui produira majoritairement voire uniquement des fibres arachnéennes