Chez les bonobos, les mères jouent les entremetteuses pour que leurs fils trouvent un bon parti et leur donne plein de petits-enfants, d'après une nouvelle étude qui souligne l'influence particulièrement forte des femelles bonobos sur la fertilité de leur progéniture.


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    Les bonobos, nos cousins primates altruistes, pacifiques et lascifs, vivent dans des sociétés dominées par les femelles, par contrastecontraste avec les chimpanzés, plus agressifs et patriarcaux. Ce que l'on ignorait, jusqu'à présent, est le rôle très important joué par les mères bonobos dans la vie sexuelle de leurs fils : elles utilisent leur rang social pour s'assurer que leurs enfants mâles rencontrent plus de femelles en phase d'ovulationovulation, et empêcher que des mâles ne rivalisent avec eux.

    Le comportement des mamans bonobos est décrit dans une étude publiée dans la revue Current Biology, et qui a observé que les mâles dont la mère vit dans le même groupe ont trois fois plus de chances d'avoir des descendants que ceux dont la mère n'appartient pas au groupe.

    « C'est la première fois que nous pouvons montrer l'impact de la présence de la mère sur une valeur sélectivevaleur sélective très importante chez les mâles : leur fertilité, explique Martin Surbeck, primatologue au Max PlanckMax Planck Institute for Evolutionary Anthropology. Nous avons été surpris d'observer que les mères avaient une influence aussi forte et directe sur le nombre de petits-enfants qu'elles ont. »

    Une question de statut social

    Pour leur étude, les chercheurs ont suivi des groupes de bonobos de République démocratique du Congo, ainsi que des chimpanzés de Côte d'Ivoire, de Tanzanie et d'Ouganda - les deux espèces de primates les plus proches des humains, avec qui elles partagent 99 % de leur patrimoine génétiquegénétique. Dans les deux espèces, les mères tentent d'aider leurs fils, mais les bonobos y parviennent beaucoup mieux car dans ces communautés, les plus hauts rangs sont occupés par des femelles.

    Les mamans bonobos agissent un peu comme des passeports sociaux

    « Les mamans bonobos agissent un peu comme des passeports sociaux, dit Martin Surbeck à l'AFP. Les fils, lorsqu'ils se trouvent dans l'entourage de leur mère, occupent une place centrale dans le groupe et accèdent à des positions qui leur permettent de plus interagir avec les autres femelles, notamment pour copuler. S'il y a une femelle très attirante, on voit des mères qui s'en rapprochent, et dans leur ombre il y a les mâles. »

    Quelques informations sur les bonobos. © John Saeki - AFP
    Quelques informations sur les bonobos. © John Saeki - AFP

    À l'inverse, quand une mère perd son statut élevé, son fils descend aussi dans l'échelle sociale et a moins de chance de s'accoupler. Les filles ne semblent recevoir aucune assistance maternelle. L'hypothèse de Martin Surbeck est que les mères n'y trouvent aucun intérêt d'un point de vue évolutif, car les filles bonobos finissent par quitter la communauté, contrairement aux mâles.

    Selon ses auteurs, l'étude conforte l'hypothèse dite des grands-mères, c'est-à-dire qu'une femelle qui n'est plus en âge de se reproduire peut accroître sa longévité et continuer à transmettre ses gènesgènes, grâce à sa progéniture.


    Rêvant de devenir grand-mères, les mamans bonobos aident leurs fils

    Article de Claire Peltier, publié le 02/09/2010

    Les groupes de bonobos sont hiérarchisés et les mâles dominants bénéficient d'un avantage pour leur reproduction. Mais une nouvelle étude montre que les mâles dominés peuvent aussi s'accoupler grâce à l'aide de leur maman, qui rêve peut-être de devenir grand-mère...

    Chez les bonobos, le succès reproductif des mâles est lié à la position hiérarchique dans le groupe. Plus la position est dominante, plus le mâle a des chances de parvenir à s'accoupler et à obtenir une progéniture. Les mâles dominés n'ont, quant à eux, qu'une faible probabilité d'avoir une descendance. Ils s'associent alors à d'autres membres du groupe pour tenter de détrôner le mâle dominant et augmenter les chances de se reproduire.

    Chez les espèces philopatriquesphilopatriques femelles (où les femelles restent au sein du groupe et où les mâles quittent le groupe à leur maturité sexuelle), des données indiquent que les liens de parentés sont essentiels à cette association. Ainsi, c'est souvent la mère qui aide sa fille, même située au bas de l'échelle hiérarchique, à s'accoupler.

    Les mâles bonobos dominés bénéficient de l'aide de leur mère pour réussir à séduire des jeunes femelles. © DR
    Les mâles bonobos dominés bénéficient de l'aide de leur mère pour réussir à séduire des jeunes femelles. © DR

    Martin Surbeck, du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology, s'est intéressé au cas des bonobos, qui sont une espèce philopatrique mâle :  les mâles conservent leurs places dans le groupe et les femelles partent lorsqu'elles deviennent adultes pour rejoindre un autre groupe. Comment les mâles pourraient-ils bénéficier du même type de traitement de faveur ?

    Afin de répondre à la question, les scientifiques ont étudié pendant près de deux ans et demi une population de 30 bonobos sauvages dans le Parc national de la Salonga, en République Démocratique du Congo. Les jeunes adultes et adolescents mâles du groupe (9 individus) ont été particulièrement suivis. Les liens de parenté dans le groupe ont été établis en effectuant des analyses génétiques de chacun d'entre eux.

    Les mâles accrochés aux jupons de leur mère ont étonnamment beaucoup de succès auprès des jeunes femelles bonobos. © Wikimedia <em>Commons</em>
    Les mâles accrochés aux jupons de leur mère ont étonnamment beaucoup de succès auprès des jeunes femelles bonobos. © Wikimedia Commons

    Reproduction ou simple jeu sexuel ?

    Les résultats publiés dans le journal Proceedings of the Royal Society B indiquent sans surprise une forte corrélation entre le statut de dominance des mâles et leur privilège à s'accoupler : 40% des accouplements dénombrés impliquent le mâle dominant. La donne change lorsque les mères des mâles sont présentes dans le groupe, comme si les mamans bonobos avaient envie d'être grand-mères et faisaient en sorte d'y parvenir. La présence des mères des mâles favorise en effet l'accouplement de leur progéniture et diminue donc celui des mâles dominants, dont la part chute à 25%.

    Les raisons de ce constat ne sont pas encore très claires et plusieurs explications sont possibles. Chez les bonobos, les femelles ont l'avantage de pouvoir intervenir dans les conflits entre mâles, les mères pourraient donc apporter un soutien à leurs fils et leur permettre d'accéder à la parentalité. Ce genre de soutien n'a d'ailleurs pas été mis en évidence entre une femelle et un mâle sans lien de parenté. Autre explication : les mâles sont inséparables de leur mère lorsque celle-ci fait partie du groupe. Elle pourrait alors faciliter l'interaction entre une femelle fertile et son fils.

    Pourtant, rien n'indique dans l'étude que les accouplements réalisés par les mâles aidés de leur mère mènent réellement à l'obtention de bébés bonobos. Il ne pourrait s'agir que d'un comportement sexuel à but ludique, dont les bonobos sont réputés.