Une baleine à bosse observe et reproduit… C’est un animal cultivé. Ce cétacé, en effet, est capable d’apprendre grâce à son réseau social. La preuve, les baleines à bosse du golfe du Maine ont développé une nouvelle technique de pêche qui s’apprend de génération en génération, via le partage social.

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    D'après vous, les animaux ont-ils une culture ? Parmi les personnes interrogées par le médiateur scientifiquemédiateur scientifique Damien JayatDamien Jayat, 45 % avaient répondu non et 10 % étaient sans avis. Pourtant, nombre d'animaux font preuve d'une riche culture, comme les singes et les cétacés. Les baleines à bosse sont même, semble-t-il, plus cultivées qu'on le croit. La notion de culture inclut la capacité d'une espèce animale à développer un comportement grâce à son réseau social. Ce qui veut dire qu'un animal acquiert un nouveau savoir au contact d'autres individus du groupe. Si pour beaucoup, la culture animale n'existe pas, c'est principalement parce que ce comportement d'apprentissage social est quasi impossible à observer chez les animaux sauvages.

    Or, l'apprentissage social chez les animaux sauvages est de plus en plus attesté. Récemment, une équipe britannique s'est focalisée sur la capacité de transmission du savoir chez les baleines à bosse. Menée par la chercheuse Jennifer Allen, leur étude montre que ces cétacés se transmettent de génération en génération une nouvelle technique de pêche. Mais plus important, les chercheurs révèlent que ce n'est pas la mère qui apprend au petit à développer cette technique : le baleineau s'en imprègne en interagissant avec tous les individus du groupe.

    Pour se nourrir, les baleines à bosse entourent un banc de poissons, plongent et larguent de l'air par leur évent. Les bulles d'air confinent les poissons et permettent aux baleines d’en avaler des milliers en une seule goulée. Or, d’autres techniques de chasse sont développées et transmises… © Jennifer Allen, <em>Whale Center of New England</em>

    Pour se nourrir, les baleines à bosse entourent un banc de poissons, plongent et larguent de l'air par leur évent. Les bulles d'air confinent les poissons et permettent aux baleines d’en avaler des milliers en une seule goulée. Or, d’autres techniques de chasse sont développées et transmises… © Jennifer Allen, Whale Center of New England

    Partout dans le monde, les baleines à bosse ont la même méthode de chasse. Elles plongent et soufflent par leur évent sous un banc de poissons. Cela produit quantité de bulles autour du banc, et permet aux baleines d'avaler une grande quantité de poissons, effrayés par ce rideaurideau qui leur semble infranchissable. Mais en 1980, dans le golfe du Maine, une baleine à bosse s'est comportée différemment. Elle s'est mise à frapper la surface de l'océan avec sa queue, avant de plonger et de produire les bulles. Si les scientifiques ne savent pas en quoi cette variante améliore la pêche, il est certain qu'elle s'est répandue dans toute la région. En 1980, ce comportement, appelé lobtailing, n'a été remarqué qu'une fois sur les 150 observations de baleines à bosse en train de chasser. Mais en 2007, 37 % de ces cétacés utilisaient la technique.

    Un réseau social efficace chez les baleines

    Pour comprendre comment le lobtailing s'est propagé aussi vite, l'équipe de Jennifer Allen a traité 27 années de résultats d'observation du comportement des baleines à bosse du golfe du Maine. Les chercheurs ont appliqué aux données une méthode dite d'analyse de la diffusiondiffusion en réseau. La technique est basée sur l'hypothèse que plus les individus passent du temps ensemble, plus ils sont susceptibles de se transmettre un savoir. Les conclusions de l'analyse, publiées dans Science, révèlent que 87 % des baleines ont appris cette méthode de leurs congénères.

    Il s'agit là de la première preuve que ces cétacés sont capables d'apprendre un nouveau comportement via les relations sociales. Leur transmission du savoir ne se produit pas seulement par les moyens habituels d'apprentissage que sont l'hérédité ou la prise d'initiative autonome. Il était déjà connu que ces cétacés se transmettaient leur chant dans un cadre culturel. Pour David Wiley, océanographe à la NOAA (National Oceanic and Atmospheric AdministrationNational Oceanic and Atmospheric Administration), « l'apprentissage culturel (ou apprentissage social) du lobtailing s'ajoute à une massemasse croissante d'informations démontrant la complexité du comportement des baleines à bosse ».