La surpêche des requins a de nombreuses conséquences, mais l’une d’entre elles semble avoir été sous-estimée. La disparition des squales impacterait directement la récupération des récifs coralliens ayant subi des dégradations… en provoquant la disparition des poissons herbivores. Une fois expliqué, ce résultat apparaît parfaitement logique. L’exemple nous vient d’Australie.

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    Les cnidaires des récifs coralliens sont régulièrement victimes d'événements causant leur dégradation, voire leur mort. Qu'ils soient d'origine naturelle ou anthropique, les exemples ne manquent pas : épisode de blanchissement, passage d'un cyclone, invasion d'Acanthaster plancipollution chimique, etc. Une fois morts, les coraux laissent derrière eux un substratsubstrat libre, où des algues vont pouvoir s'installer en quelques jours. Leur présence limite alors la fixation puis le développement de nouveaux scléractiniairesscléractiniaires.

    C'est à ce stade qu'interviennent les consommateurs primaires, comme les poissons-perroquets (des scaridés). En se nourrissant des algues, ces animaux herbivoresherbivores libèrent à nouveau de la place, permettant ainsi aux jeunes coraux de se fixer, et donc de participer à la récupération du récif. Seulement voilà, cette machinerie serait sensible à une activité anthropique de plus en plus décriée depuis quelques années : la surpêche des requins. De prime abord, nous pourrions logiquement penser que s'il y a moins de squales, il devrait y avoir plus de poissons herbivores et donc encore moins d'algues. En réalité, ce n'est pas aussi simple que cela.

    Les poissons-perroquets se nourrissent des algues qui s'épanouissent sur les récifs coralliens. Ces poissons ont une taille moyenne comprise entre 30 et 40 cm. © Nick Hobgood, Fotopédia, cc by sa 2.0

    Les poissons-perroquets se nourrissent des algues qui s'épanouissent sur les récifs coralliens. Ces poissons ont une taille moyenne comprise entre 30 et 40 cm. © Nick Hobgood, Fotopédia, cc by sa 2.0

    Moins de requins de récif, donc plus de prédateurs secondaires

    L'exemple concret vient de nous être fourni par Jonathan Ruppert (université de Toronto, Canada), sous la direction de Mark Meekan de l'Institut australien des sciences marines (AIMS), dans la revue Plos One. L'article tire les conclusions de dix années d'observations réalisées autour de deux groupes d'atollsatolls inhabités, situés à environ 300 km au nord-ouest des côtes australiennes. Le premier est un site protégé (Rowley Shoals), tandis que la pêche au requin est autorisée sur le second (Scott reefs). La situation est donc idéale pour réaliser des comparaisons.

    Ainsi, il est clairement ressorti que la disparition des requins, des super-prédateurs, impactait toute la chaîne alimentaire des sites d'étude concernés, pour favoriser finalement la fixation des algues. En effet, en l'absence des squales, les populations d'autres prédateurs de plus petite taille augmentent (ils ont des niveaux trophiques inférieurs), puisqu'ils ne sont plus chassés. Par conséquent, ces poissons, principalement des lutjanidés et des lethrinidés, consomment leurs congénères herbivores en plus grande quantité. CQFD !

    Ainsi, les récifs coralliensrécifs coralliens récupèrent mieux lorsqu'ils abritent des squales, raison de plus pour les protéger. Ne l'oublions pas, environ 100 millions de personnes dépendraient directement de ces milieux riches en biodiversitébiodiversité dans le monde. Selon des études de suivi, la plupart des requins récifaux sont attachés à des récifs bien précis. Ainsi, il serait possible de les préserver avec efficacité, sachant qu'ils sont amenés à subir de plus en plus de dégradations à l'avenir, en établissant de nouvelles aires marines protégées de petite taille.