Des animaux peuvent percevoir le champ magnétique terrestre, notamment pour s'orienter lors de longs déplacements. Si ce fait est établi, les mécanismes cérébraux en jeu restent obscurs. Une nouvelle étude décrit pour la première fois les neurones traitant les informations géomagnétiques chez les pigeons. Les résultats sont là : ces oiseaux seraient dotés d’un véritable GPS biologique fonctionnant parfaitement de jour comme de nuit.

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    De jour comme de nuit, les pigeons connaissent en temps réel leur position sur la Planète grâce à 53 neurones du tronc cérébral et probablement à des cellules magnétosensibles situées dans les oreilles. © OpenThread, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    De jour comme de nuit, les pigeons connaissent en temps réel leur position sur la Planète grâce à 53 neurones du tronc cérébral et probablement à des cellules magnétosensibles situées dans les oreilles. © OpenThread, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    De nombreuses espèces bactériennes, végétales ou animales sont sensibles au champ magnétique terrestre. Certaines, par exemple les saumons ou des oiseaux migrateurs, l'utilisent même pour s'orienter avec une efficacité redoutable. Ce fait est maintenant largement reconnu et documenté. En revanche, de nombreuses zones d'ombres persistent sur les mécanismes de perception et d'interprétation des informations géomagnétiques mis en jeu.

    L'existence de récepteurs magnétosensibles a déjà été démontrée dans le bec, les yeuxyeux et les oreilles des oiseaux. Une étude récente vient cependant d'invalider la théorie du bec. Les cellules riches en magnétite (un matériaumatériau ferromagnétiqueferromagnétique agissant comme une boussole) trouvées en 2007 seraient de simples macrophagesmacrophages du système immunitairesystème immunitaire. Mais des expériences menées sur des plantes ont bien montré que des cryptochromes, des cellules observées dans la rétinerétine des oiseaux, étaient sensibles au champ magnétique terrestre, uniquement en présence de lumière bleuelumière bleue. Les oreilles abriteraient quant à elles des cellules riches en matériau ferromagnétique, comme le bec auparavant. 

    Le substratsubstrat neuronal traitant les informations perçues était totalement inconnu jusqu'à ce que David Dickman et Le-Qing Wu, du Baylor College of Medicine (BCM) à Houston, s'y intéressent et publient leurs résultats dans la revue Science. Des neuronesneurones réagissant aux différents paramètres du champ magnétique ont été localisés avec précision. Plus aucun doute n'est possible, les oiseaux disposent bien d'un véritable GPSGPS intégré, d'une efficacité redoutable. Mais au fait, ont-ils besoin de lumière ?


    Illustration schématique du champ magnétique terrestre. Les pôles magnétiques sont représentés en rouge (Nm pour le nord et Sm pour le sud). La ligne noire sur le Globe représente l'équateur magnétique (Magnetic equator). Les traits noirs avec flèches (à gauche) montrent des lignes de force du champ. L'intensité de celui-ci varie uniformément de 65 µT aux pôles à 20 µT à l'équateur. Toutes ces informations seraient utilisées par les pigeons pour se géolocaliser sur la Planète. © Wu et Dockman 2012, Science

    Des pigeons soumis à un champ magnétique artificiel

    Sept pigeons ont été placés successivement au milieu d'une salle baignant dans une obscurité totale ; donc sans aucun repère visuel ni lumière bleue. Par ailleurs, leurs têtes ont été immobilisées afin de limiter les informations vestibulaires fournies par les oreilles, i.e. pour ne pas faire réagir des neurones intervenant notamment dans l'équilibre. Le champ magnétique terrestre a ensuite été annulé grâce à un jeu de bobines électromagnétiques.

    Un champ artificiel a ensuite été recréé au moyen d'un second jeu de bobines. Sa direction, son élévation et son intensité pouvaient être modifiées en toute indépendance. La direction, ou azimutazimut, permet aux animaux de situer la position du nord et du sud. L'élévation fournit des informations sur la latitudelatitude. Elle dépend de l'angle que forment les lignes de champ avec la surface de la TerreTerre. Il vaut 90° aux pôles magnétiques et 0° au niveau de l'équateuréquateur magnétique. Des électrodesélectrodes ont ensuite été utilisées pour enregistrer l'activité de neurones spécifiques du tronc cérébraltronc cérébral en réponse aux variations expérimentales des différents paramètres physiquesphysiques du champ artificiel. 

    Pour déterminer les zones cibles à suivre dans le cerveaucerveau, des pigeons ont été exposés à des variations de champs magnétiques quelconques. Des marqueurs de gènesgènes précoces immédiats ont été utilisés pour colorer les cellules cérébrales répondant rapidement à ces variations. Elles ont ensuite été localisées grâce à des observations histologiques.

    Les GPS biologiques existent bel et bien

    Près de 53 neurones du tronc cérébral ont réagi aux variations expérimentales du champ magnétique. Sans exception, les trois paramètres testés provoquent des réponses. Celles-ci sont d'ailleurs maximales lorsque l'intensité du champ artificiel vaut celui de la Terre. Quoi qu'il en soit, ces réponses indiquent que la présence de lumière n'est pas requise. Les cellules situées dans les oreilles fourniraient donc bien des informations géomagnétiques.

    Ainsi, le substrat neuronal réagissant au champ magnétique terrestre vient d'être identifié pour la première fois chez un vertébrévertébré. Cette zone, en étant capable d'interpréter tous les paramètres physiques du champ, constituerait donc bien le cœur du GPS biologique. Les informations de géolocalisation par rapport à la surface de la Terre seraient fournies en temps réel.