Il voyage sur des milliers de kilomètres aussi bien que les oiseaux. Des chercheurs pensent que ce papillon utilise une horloge interne pour se guider à l'aide du Soleil. Le mécanisme à l'œuvre daterait de très loin : des ancêtres communs entre insectes et mammifères !

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    « Le cap et la montre » résument les aviateurs pour expliquer le secret de la navigation aérienne. Il se pourrait que le papillon Monarque utilise une formule du même genre... © Musée canadien de la nature/Allan G. Austin

    « Le cap et la montre » résument les aviateurs pour expliquer le secret de la navigation aérienne. Il se pourrait que le papillon Monarque utilise une formule du même genre... © Musée canadien de la nature/Allan G. Austin

    Chaque automne, par millions, ils migrent vers le sud et parcourent plusieurs milliers de kilomètres. En Amérique du nord, les papillons Monarque (Danaus plexippus) forment ainsi une immense vague colorée qui traverse une partie des Etats-Unis pour atteindre le centre du Mexique, trois mille kilomètres plus bas. Au printemps, la flotte de lépidoptères reprend l'airair et file vers le nord. Comment peuvent-ils s'orienter ? Une telle migration étant sans équivalent chez les insectes et les scientifiques étudiant la question n'étant pas légion, l'énigme reste difficile à résoudre.

    Depuis longtemps, l'hypothèse était celle d'un guidage grâce au SoleilSoleil. Mais comment un insecte peut-il s'orienter à l'aide d'un astreastre qui passe continûment de l'est à l'ouest du ciel ? Steven Reppert (University of Massachusetts Medical School, Worcester) étudie depuis longtemps les horloges interneshorloges internes des animaux, qui permettent de régler la physiologie sur le rythme circadienrythme circadien (jour-nuit). Son hypothèse est que le papillon modifie en permanence sa route par rapport au Soleil en fonction de l'heure qu'il est.

    La montre et le compas

    Dans deux publications (dans Plos One et PloS Biology), lui et ses collègues viennent de présenter les résultats d'une recherche originale portant sur les cryptochromescryptochromes, qui va dans le sens de cette idée. Ces protéinesprotéines sont sensibles à la lumièrelumière et on sait qu'elles interviennent dans l'horloge interne chez la mouche et la souris. Mais le cryptochrome de ce mammifère (nommé CRY2) et celui de cet insecte (CRY 1) sont différents. Surprise : le Monarque, lui, possède les deux ! Leurs rôles semblent différents. Grossièrement, CRY1 servirait à régler l'horloge et CRY2 à la faire tourner. « Voilà qui change la manière dont on se représente le fonctionnement de ces deux horloges moléculaireshorloges moléculaires, explique Steven Reppert. De plus, le Monarque pourrait nous indiquer comment fonctionnait l'horloge ancestrale, commune aux mouches et aux souris. »

    Quel rapport avec le compas solaire du papillon ? Reppert et son équipe ont suivi pendant la journée l'expression des gènesgènes de ces cryptochromes dans le ganglionganglion cérébral. Ils observent que l'activité liée au CRY2 varie tout au long de la journée justement dans la zone connue pour être impliquée dans le contrôle de la navigation. D'où l'hypothèse de Reppert : l'activité du CRY2 modifie la manière dont la direction du Soleil est interprétée par le système nerveux.

    Il manque bien sûr un élément pour que la démonstration soit complète. L'équipe ne dit rien sur le mécanisme qui relie l'activité du cryptochrome et l'orientation de l'animal. Son existence même reste hypothétique. Comme le souligne dans le magazine en ligne de Science Orley Taylor, un entomologisteentomologiste lui aussi spécialiste du Monarque, les papillons partent de différents endroits et pas toujours aux mêmes heures de la journée. Ils doivent donc tenir compte différemment de la position du Soleil.

    Mais ce travail est assurément un pas dans la compréhension de cette étrange migration unique dans le monde des insectes et qui reste une énigme de la nature...