La marmotte à ventre jaune représenterait un des rares cas démontrant des effets positifs de l’évolution du climat sur un plan phénotypique et démographique. Un modèle qui devrait permettre aux scientifiques de mieux prédire l’évolution des espèces animales en réponse aux modifications du climat.

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    Le réchauffement climatique a beau être défavorable à bien des égards pour les animaux, comme les tristement célèbres ours blancs qui peinent à trouver un bout de banquise, pour certains, au contraire, la vie est belle. C'est en haut des montagnes des Rocheuses du Colorado, à environ 3.000 mètres d'altitude, que le miracle se produit. De gros rongeurs, les marmottes à ventre jaune, ou Marmota flaviventris, ont été suivis pendant plus de trois décennies (1976-2008) par des chercheurs anglais et américains, qui ont publié leurs résultats dans le journal Nature.

    Les chercheurs sont catégoriques : les marmottes s'empâtent. C'est en capturant chaque individu plusieurs fois par an en été, qu'ils ont pu arriver à cette conclusion. La massemasse moyenne des rongeurs a augmenté de 10%, passant de 3.094 grammes en début d'étude à 3.433 grammes à la fin de l'observation. En plus de cette prise de poids conséquente, un autre phénomène s'est ajouté. La population de marmotte augmente, elle aussi, d'année en année. Au cours des 10 dernières années, la population a même triplé, en gagnant 0,56 individus par an entre 1976 et 2001, contre 14,2 individus par an entre 2001 et 2008.

    Les causes d'une telle évolution ne sont pas encore bien comprises. En ce qui concerne le poids, il ne semblerait pas que la génétiquegénétique soit le facteur responsable, puisque les marmottes les plus grosses n'ont pas tendance à avoir une progéniture plus nombreuse. Il s'agirait donc plutôt d'un phénomène global : tous les individus ont tendance à grossir, et le réchauffement climatique en serait responsable pour plusieurs raisons.

    Les montagnes Rocheuses dans le Colorado abritent des colonies de marmottes à ventre jaune. Crédits DR.

    Les montagnes Rocheuses dans le Colorado abritent des colonies de marmottes à ventre jaune. Crédits DR.

    Plus de temps pour manger et se reproduire

    D'abord, l'été est plus long, donc la période hivernale plus courte. L'hibernation est restreinte, la perte de poids qui l'accompagne également. De plus, les marmottons naissent plus tôt, ce qui leur confère davantage de temps pour profiter de la belle saison et stocker la graisse avant la nouvelle saison froide.

    En ce qui concerne l'augmentation de la population, elle serait directement reliée à la prise de poids. En effet, à l'aide d'un modèle, les chercheurs ont estimé que les chances de survie des marmottes âgées pendant l'hiverhiver augmentaient de paire avec la masse corporelle des marmottes. Mais cette explication ne semble pas suffisante pour expliquer une évolution de la population aussi rapide.

    Ils ont alors suggéré que les marmottes auraient franchi un seuil. Pour le comprendre, les chercheurs veulent maintenant s'intéresser aux conditions climatiques plus en détail : la couverture neigeuse, les températures, l'humidité... Il se pourrait aussi qu'elles aient modifié leur nourriture, et qu'elles mangent maintenant des herbes plus grasses, ou en plus grandes quantités.

    Les hypothèses ne manquent pas non plus pour imaginer un potentiel retournement de situation : les prédateurs pourront aussi se multiplier, et la nourriture se raréfier.

    C'est la première étude du genre qui permet de mieux comprendre les relations complexes entre une espèceespèce animale et l'évolution de son environnement. Habituellement les études s'effectuent sur des duréesdurées beaucoup plus courtes, qui ne donnent pas autant d'indications. Ces résultats pourraient permettre d'éclairer les scientifiques sur l'évolution des animaux en fonction du réchauffement climatique et d'améliorer leurs prédictions.