Des moustiques peuvent battre des ailes jusqu’à 500 fois par seconde, mais comment ? Grâce à la stretch activation, ils se sont débarrassés du besoin d’injecter et de pomper des ions calcium à chaque contraction, ce qui ne les empêche pas d’exploiter les propriétés de l’actine et de la myosine, comme les vertébrés. L’absence de protéine spécialisée vient d’être précisée chez le bourdon. 

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    Pour voler, certains insectes battent des ailes plusieurs dizaines ou centaines de fois par seconde (jusqu'à 500 fois pour certains moustiques). De telles performances suscitent des interrogations, notamment car elles sous-entendent que les muscles régissant ces mouvementsmouvements se contractent à la même fréquence. Ils opèrent alors de véritables prouesses en regard des vitesses de contraction que peuvent atteindre les cellules musculairescellules musculaires des vertébrés. Ainsi, les muscles du vol chez les insectes seraient spécialisés, et fonctionneraient donc différemment des muscles rencontrés dans le reste du monde animal.

    Chez les vertébrés, les contractions musculaires sont initiées par des influx nerveuxinflux nerveux transmis par des neurones moteurs. Ces signaux provoquent la libération d'ionsions calciumcalcium dans les cellules concernées. Ils sont alors capturés par des moléculesmolécules de troponine fixées sur des filaments d'actineactine, qui vont alors changer de conformationconformation et permettre à la myosine de se fixer. Cette protéineprotéine motrice tire ensuite l'actine vers l'arrière, et provoque ainsi une contraction. Pour la cesser, des pompes doivent évacuer les ions calcium. Or, tous ces processus prennent du temps et sont énergivores, ce qui les rend inutilisables pour les muscles alaires des insectes.

    Une parade a été trouvée pour s'affranchir du problème : supprimer le pompage et la libération cyclique du calcium. Une fois les cellules musculaires activées par le nerfnerf, elles se mettent à osciller d'elles-mêmes en entretenant leur mouvement, grâce à la stretch activation (littéralement, « activation par l'étirement »). Les mécanismes qui sous-tendent ce système restent toutefois obscurs... mais sont dévoilés petit à petit, notamment grâce aux travaux de Hiroyuki Iwamoto et Naoto Yagi du Japan Synchrotron Radiation Research Institute (Jasri, Hyogo). Selon eux, aucune protéine spécialisée n'entre en jeu. Pour voler, les insectes exploitent des molécules partagées avec les muscles des vertébrés. 

    Grâce à des clichés de diffraction aux rayons X semblables à celui-ci, des chercheurs nippons ont étudié les changements de forme des protéines de myosine à l'intérieur d'un muscle impliqué dans le vol des insectes. Petit détail : l'animal était vivant durant les expériences.
    Grâce à des clichés de diffraction aux rayons X semblables à celui-ci, des chercheurs nippons ont étudié les changements de forme des protéines de myosine à l'intérieur d'un muscle impliqué dans le vol des insectes. Petit détail : l'animal était vivant durant les expériences.
    Grâce à des clichés de diffraction aux rayons X semblables à celui-ci, des chercheurs nippons ont étudié les changements de forme des protéines de myosine à l'intérieur d'un muscle impliqué dans le vol des insectes. Petit détail : l'animal était vivant durant les expériences. © Hiroyuki Iwamoto, Naoto Yagi, 2013, Science

    Des têtes de myosine qui pivotent dans les muscles étirés

    Durant la stretch activation, les muscles antagonistesmuscles antagonistes étirés par le mouvement des ailes gagnent en force, ce qui leur permet de ramener les ailes avec efficacité lorsqu'ils entrent en action. Pour mieux comprendre ce mécanisme, les chercheurs ont collé des bourdons vivants (genre Bombus) sur des tiges en aluminiumaluminium, avant de les placer sous un faisceau de rayons Xrayons X et sous la lentille d'une caméra rapide (5.000 images par seconde, soit 40 images par cycle de battement d'une aile). Ils ont ensuite analysé les clichés de diffractiondiffraction des rayons X obtenus pour chaque image du film, afin de caractériser les mouvements moléculaires ayant cours dans les muscles dédiés au vol.

    Résultat : ils n'ont pas observé de molécule de troponine présentant une forme spécialisée ou une augmentation du nombre de têtes de myosine fixées (deux hypothèses avancées par le passé). En revanche, les têtes de myosine pivotent à l'intérieur des muscles lorsqu'elles sont étirées, ce qui leur permet de se lier plus fortement aux filaments d'actine, et autorise ainsi des contractions efficaces. L'un des secrets des muscles du vol des insectes repose donc sur les interactions entre l'actine et la myosine, celles-là mêmes qui sont à la base des contractions musculaires chez les vertébrés. Tout n'est pas encore expliqué, mais ces informations publiées dans la revue Science montrent le problème sous un nouveau jour.