L'incidence des insectes pollinisateurs, principalement les abeilles, dans la pollinisation est difficile à mesurer car d'autres agents comme le vent ou l'auto-pollinisation passive contribuent aussi à la pollinisation de la plupart des plantes. Lorsque l'on parvient à quantifier l'action de ces vecteurs, on réalise combien le rôle des abeilles est important. Les chercheurs de l'INRA ont mis récemment au point une méthodologie pour mesurer l'incidence de la pollinisation réalisée par les insectes sur le rendement et la qualité des productions en termes agronomiques et économiques. Cette méthode, standardisée et reconnue par les scientifiques et les producteurs, sera utilisée dans cinq pays en 2005, dans le cadre du projet européen ALARM, pour évaluer l'impact du déclin des pollinisateurs sur les cultures.

Importance économique de la pollinisation par les abeilles


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    Sachet de tulle sur une ombelle d'oignon porte-graine en fleurs © INRA - N. Morison

    Sachet de tulle sur une ombelle d'oignon porte-graine en fleurs © INRA - N. Morison

    La contribution totale des abeilles au PIB américain a été estimée en 2000 à 15 milliards de dollars, sur la base d'un coefficient de dépendance aux abeilles multiplié par la valeur économique de chaque production. Mais ces coefficients de dépendance restent pour la plupart subjectifs ou très imprécis car ils reposent sur des travaux réalisés sous cage ou sur des échantillons de fleurs et non en conditions de production sur des plantes entières.

    Mesure de la contribution des abeilles à la pollinisation

    Les chercheurs de l'INRA d'Avignon ont mis au point une méthodologie qui consiste à mesurer, en terme de production, les contributions relative et absolue de l'activité pollinisatrice des insectes en même temps que celles des autres des modes de pollinisation que sont l'auto-pollinisation passive et les flux polliniques atmosphériques. L'évaluation de la contribution de chaque mode de pollinisation à la production d'une plante entière permet ensuite de calculer cette contribution en termes agronomiques (rendement et qualité) et aussi économique.
    On part d'abord du constat que la pollinisation naturelle ou libre résulte de l'action combinée des 3 modes de pollinisation que l'on considère en première approximation comme indépendants.

    La mesure de la contribution de l'auto-pollinisation passive est obtenue en isolant toutes les fleurs d'une plante au stade de bouton dans des sachets de plastiqueplastique hydrophilehydrophile qui affecte peu l'environnement physiquephysique de la fleur tout en étant parfaitement étanche au pollen et aux insectes qui visitent les fleurs.

    Pour mesurer la contribution du vent, toutes les fleurs d'une plante sont isolées de la visite des insectes dès le stade bouton à l'aide de sachets de tulle en polyamidepolyamide, qui laisse passer 75 % du flux de pollen dans l'airair et qui n'en n'affecte pas la composition.

    La contribution des insectes est alors obtenue par la production des plantes en pollinisation libre une fois déduites les contributions du vent et de l'autopollinisation passive.

    Cette méthodologie a déjà été testée chez l'oignon porteporte-graine et elle a montré que la pollinisation par les abeilles contribue pour 70% à la production de semences. Et au delà du simple rendement, la qualité germinative des graines issues des fleurs visitées par les abeilles est supérieure de plus de 10% à celle des graines produites par les fleurs pollinisées uniquement par le vent.

    ALARM, un programme européen pour sauvegarder les pollinisateurs.

    Le programme intégré européen ALARM (Assessing LArge-scale environmental Risks for biodiversity with tested Methods) a pour objectif sur cinq ans (2004-2008) d'évaluer les risques encourus par la biodiversitébiodiversité terrestre et aquatique et les conséquences potentielles de son déclin à l'échelle de l'Europe, afin de minimiser les impacts négatifs de l'homme. Avec 54 partenaires dans 26 pays (en Europe et Argentine, Chili, Israël, Russie et Suisse) c'est un des plus gros programmes européens jamais conduit sur la biodiversité.

    Il n'existe actuellement pas de méthode permettant d'intégrer de manière globale les différentes pressionspressions exercées par l'homme sur l'environnement. ALARM est structuré autour de 4 modules, complétés par un module transversal socio-économique, qui étudient les changements climatiqueschangements climatiques, les produits chimiques, les espèces invasivesespèces invasives, et les pollinisateurs.

    Les chercheurs de l'INRA d'Avignon sont partenaires du module Pollinisateurs. Ils sont chargés d'évaluer l'impact agronomique et économique de l'évolution des populations de pollinisateurs sur l'agricultureagriculture de l'Union Européenne.

    Évaluation de l'abondance et de la diversité des pollinisateurs.

    Sur le terrain, ces mesures s'effectuent sur des parcelles de culture homogènes afin de pouvoir mettre en relation l'incidenceincidence de l'activité pollinisatrice des insectes avec leur abondance et leur diversité. Ces mesures sont réalisées par trois méthodes : des comptages instantanés, des captures manuelles d'insectes et des piégeages.
    Les comptages instantanés sont réalisés sur 150 fleurs en 4 points précis de la parcelle à l'aide de deux compteurs à main : l'un compte les fleurs examinées et l'autre les insectes présents dans les fleurs. Tous les insectes pollinisateurs présents au moment de l'inspection sont comptabilisés et caractérisés le plus précisément possible dans au moins 4 catégories : abeille domestique, bourdon, autres abeilles et mouche syrphe. Ces comptages sont faits matin et après-midi et au moins 4 fois pendant la période de floraison, à intervalles de 3 à 8 jours.

    La capture manuelle est réalisée au cours d'un parcours standardisé de 150 m mis en place avant le début de la floraison. Les abeilles et syrphes visitant les fleurs sont capturées au filet après le comptage instantané, pendant 30 minutes par jour d'observation. Les insectes sont stockés, épinglés et étiquetés (avec date, lieu, portion du parcours dans laquelle ils ont été capturés) selon les méthodes entomologiques usuelles.

    Enfin six pièges à coupelles colorées sont disposés dans les sites expérimentaux au milieu du parcours standardisé juste au-dessus de la végétation. Ces pièges sont exposés pendant 24 heures et au moins quatre fois pendant la saisonsaison. Les insectes capturés sont étiquetés (avec date, localité, position et couleurcouleur des pièges) et conservés dans l'éthanol. Après quoi les pollinisateurs sont triés, séchés et préparés comme ceux des parcours standardisés, pour être ensuite identifiées au niveau taxonomique le plus élevé.

    Dans le cadre d'ALARM, les mesures seront effectuées selon ce protocoleprotocole dans 10 parcelles d'étude situées dans différents contextes paysagers allant d'un milieu naturel dominant à un milieu de culture intensive dominant. Cinq partenaires participeront à cette étude en 2005 sur melonmelon (France), fraisefraise (Allemagne), sarrasin (Pologne), colza de printemps (Suède), et féverole (Royaume-Uni). Les résultats seront centralisés et analysés par l'équipe INRA d'Avignon.