L’écholocation est un bel exemple de convergence évolutive, puisqu’elle est à la fois apparue chez les baleines à dents et les chauves-souris. Étonnamment, il apparaît maintenant que 200 gènes trouvés chez les odontocètes et les microchiroptères ont évolué en tout indépendance… de manière similaire dans les deux groupes. Ainsi, la convergence moléculaire est loin d’être un phénomène rare.

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    Durant l'évolution, des espèces phylogénétiquement éloignées, mais qui vivent souvent dans un environnement similaire, ont acquis des caractères analogues (ailes des oiseaux et des insectes, hydrodynamisme du corps des poissons et des dauphins, etc.). Il s'agit de cas typiques de convergence évolutive, dont les exemples ne manquent pas lorsque l'on se focalise sur l'apparence physiquephysique des organismes.

    Mais comment ce processus se traduit-il au niveau moléculaire ? Pour de nombreux spécialistes, les mécanismes génétiques impliqués dans l'apparition et la subsistance des caractères analogues seraient rarement comparables entre les taxons concernés, car les mutations survenant au cours du temps affectent les gènesgènes aléatoirement. Ainsi, la convergence moléculaire serait rare, mais pas inexistante. L'un des plus beaux exemples a été présenté en 2010 par l'équipe de Jianzhi Zhang de l'université du Michigan (États-Unis).

    Leurs travaux ont porté sur l'évolution de l'écholocation chez les chauves-souris microchiroptères et les odontocètes, autrement dit chez les baleines à dentsbaleines à dents (cachalotscachalots, dauphins, etc.). Le fait est avéré, les deux lignées ont acquis leur système de repérage par ondes acoustiquesondes acoustiques indépendamment l'une de l'autre. Pourtant, dans les deux cas, son fonctionnement repose entre autres sur l'existence de la prestine (une protéineprotéine augmentant la sensibilité auditive), qui n'est pas présente chez leurs ancêtres respectifs. Depuis, il est apparu que la convergence moléculaire n'était pas un phénomène rare... bien au contraire, si l'on en croit une nouvelle étude fraîchement publiée dans la revue Nature.

    Cette chauve-souris (<em>Eptesicus fuscus fuscus</em>) de la famille des vespertilionidés fait partie des chiroptères qui utilisent l’écholocation pour trouver leurs proies. © Matt Reinbold, Flickr, cc by sa 2.0

    Cette chauve-souris (Eptesicus fuscus fuscus) de la famille des vespertilionidés fait partie des chiroptères qui utilisent l’écholocation pour trouver leurs proies. © Matt Reinbold, Flickr, cc by sa 2.0

    Des génomes évoluant à l’identique au cours du temps

    Des chercheurs dirigés par Stephen Rossiter (université Queen Mary de Londres, Royaume-Uni) ont comparé les génomesgénomes de 22 espèces de mammifèresmammifères dotés ou non de la capacité d'écholocationécholocation. Quatre génomes de chauves-souris ont même été spécialement séquencés pour l'occasion, sachant que deux d'entre eux appartiennent à des espèces dépourvues du système de repérage. Pour être précis, les attentions se sont portées sur 2.326 séquences de nucléotidesnucléotides présentes en un seul exemplaire chez les espèces considérées, parmi lesquelles figure le grand dauphin (Tursiops truncatusTursiops truncatus).

    Des pourcentages de similitude ont été calculés entre les gènes des différentes entités taxonomiques, tandis qu'un traitement statistique a estimé la probabilité qu'ils soient bien issus d'un phénomène de convergence. Selon Joe Parker, l'auteur principal de l'article, l'équipe s'attendait à identifier une douzaine de gènes ayant évolué de manière similaire chez les dauphins et les microchiroptères. Le résultat a donc surpris, puisqu'ils sont 200 ! Leurs fonctions restent majoritairement inconnues. Cependant, parmi les gènes connus, certains sont impliqués dans l'écholocation, la surdité ou la vision.

    Conclusion principale de l'étude : la convergence moléculaire, qui est engendrée par la sélection naturellesélection naturelle, est plus fréquente qu'on ne le croit. Elle pourrait même poser problème en phylogénie, où des comparaisons génétiquesgénétiques sont réalisées pour classer les organismes. En effet, le recours à des gènes convergents dans les calculs pourrait rapprocher certains taxons, et leur attribuer des liens de parenté faussés. Ce résultat rappelle que la classification du vivant est loin d'être un science exacte.