Alors qu’on croyait les éléphants d’Asie plutôt solitaires, une étude au Sri Lanka montre qu’au même titre que les chimpanzés ou les dauphins, ces grands mammifères ont une vie sociale dynamique et complexe basée sur des amitiés de longue durée.

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    Même en captivité, comme ici au zoo du Bronx, ces éléphants d'Asie entretiennent entre eux des rapports sociaux complexes. © Salvo Candela, Flickr, CC by-nc-sa 2.0

    Même en captivité, comme ici au zoo du Bronx, ces éléphants d'Asie entretiennent entre eux des rapports sociaux complexes. © Salvo Candela, Flickr, CC by-nc-sa 2.0

    • Découvrez notre dossier consacré à l'éléphant 

    On imaginait les éléphants d'Asie (Elephas maximus) plutôt asociaux, n'ayant au mieux que trois amis, contrairement aux grands groupes formés par les éléphants d’Afrique. Une nouvelle étude montre pourtant qu'il n'en est rien.

    Star parmi les animaux, imitateur talentueux, l'éléphant d'Asie n'en est pas pour autant très étudié à l'état sauvage. La faute à la forêt dense où il vit, qui rend très difficiles les observations, en particulier sur le long terme. Or pour comprendre la vie de groupe et les relations sociales chez les éléphants, il faut du temps.

    Pendant deux ans, Shermin de Silva, écologiste comportementaliste au sein de l'Elephant Forest and Environment Conservation Trust (EFECT) à Colombo, a suivi avec son équipe les éléphants du parc national d'Udawalawe. Les biologistes ont identifié 286 individus et se sont concentrés sur 51 d'entre eux chez qui ils ont décortiqué les relations sociales.

    Un environnement particulier

    C'est que le parc national d'Udawalawe est une zone unique : il est constitué de 308 kilomètres carrés bordant le lac réservoir formé suite à la constructionconstruction du barrage d'Uda Walawe en 1972. Dans cette zone aujourd'hui protégée, la forêt a été défrichée, laissant la place à une sorte de savane comme il en existe en Afrique. Les observations des relations entre animaux y sont donc possibles, beaucoup plus aisément que dans la forêt.

    Un bon bain entre copains pour ces éléphants sri-lankais !  © Laurenz Bobke, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    Un bon bain entre copains pour ces éléphants sri-lankais !  © Laurenz Bobke, Flickr, CC by-nc-nd 2.0

    L'enquête, longue et minutieuse, a fini par révéler des mœurs intéressantes. La structure sociale globale des pachydermes était déjà connue : les éléphants vivent en groupes rassemblant les femelles et les jeunes autour d'une femelle plus âgée. Les males adultes, eux, sont solitaires. Ce qui est nouveau et étonnant, c'est la complexité des relations entre individus. Les chercheurs qualifient d' « amis » les éléphants qui partagent l'activité d'un autre ou restent dans les 500 mètres autour de celui-ci lorsqu'il marche, mange ou se repose.

    Association de malfaiteurs

    Au lieu des trois amis supposés, il apparaît que les éléphants étudiés peuvent en avoir plus de dix, et même jusqu'à cinquante ! L'équipe a aussi remarqué que les animaux les plus sociables étaient les plus volages, changeant fréquemment de camarades, alors que ceux qui ont un groupe plus restreint sont fidèles à un noyau dur. Enfin, au lieu de perdre contact avec d'anciens amis, ces pachydermes conservent des liens forts même après des absences de plus d'un an.

    Cette organisation de la vie sociale a un avantage pratique : lors des périodes où les ressources sont rares, en cas de sécheresse par exemple, les liens se resserrent et des amis éloignés se rapprochent. Certains s’associent même pour s'assurer les meilleures places autour des points d'eau en expulsant les éléphants inconnus qui s'y trouvent.

    Pour les chercheurs, ce tissu de relations complexes, véritable réseau social, demande des capacités cognitives importantes. Les discussions à longue distance par infrasons (des sons très graves qui se propagent loin) tout comme la communication chimique, par odeurs, doivent jouer un rôle important dans le maintien des amitiés. Et bien sûr, la célèbre mémoire de ces géants tranquilles est un outil essentiel pour se rappeler des services rendus ou des ennuis causés par leurs compères...