Face à un incendie de forêt, les chimpanzés ne s'affolent pas et s'éloignent dans la bonne direction, car ils savent prévoir le comportement des flammes. Ces animaux auraient donc atteint le stade de la conceptualisation du feu. Intellectuellement, l'étape suivante serait de l'allumer... ce que les bonobos, des cousins, savent faire en captivité, comme le montre une captivante vidéo.

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    Des chimpanzés dans la savane sénégalaise. Le feu ? Oui c'est dangereux, il faut faire attention. Mais pourquoi paniquer ? © Stephanie Bogart

    Des chimpanzés dans la savane sénégalaise. Le feu ? Oui c'est dangereux, il faut faire attention. Mais pourquoi paniquer ? © Stephanie Bogart

    Un jour de 2006, Jill Pruetz, une primatologue de la Iowa University, se trouvait au milieu de la savane, aux côtés d'un groupe de chimpanzés (Pan troglodytesPan troglodytes verus), dans la région de Fongoli, au Sénégal, quand le front d'un incendie s'avança vers eux.

    La chercheuse aurait pu s'enfuir à toutes jambes mais elle a préféré rester avec ces animaux, qu'elle connaît pour les observer depuis 2001. On peut d'ailleurs suivre les aventures du groupe sur le blog de Jill Prutez. Qu'allaient faire les singes ?

    La question n'est pas anecdotique car elle renvoie à l'histoire de nos propres ancêtres. On ne sait pas, en effet, comment la maîtrise du feufeu est apparue chez les hominidés. L'observation de nos plus proches cousins devant un incendie naturel peut peut-être donner quelques éléments de réponses, d'autant que la savane fait partie des milieux qu'ont connus nos ancêtres.

    Face au feu, les chimpanzés ont conservé tout leur calme et observé l'avancée des flammes avant de se mettre à marcher tranquillement pour s'éloigner du secteur dangereux. La primatologue a eu une seconde occasion d'observer le même comportement, les chimpanzés continuant à vaquer à leurs occupations alors que la fumée obscurcissait le ciel.
    Avec le paléontologuepaléontologue Thomas LaDuke, Jill Pruetz vient de détailler ces observations dans un court article publié dans la revue American Journal of Physical Anthropology.

    Jill Pruetz, primatologue, travaille beaucoup sur les chimpanzés de Fongoli, au Sénégal. Elle est devenue en 2008 membre de la <em><a href="http://www.public.iastate.edu/~nscentral/news/2008/feb/explorer.shtml" target="_blank">National Geographic Society</a></em>. © Jim Heemstra

    Jill Pruetz, primatologue, travaille beaucoup sur les chimpanzés de Fongoli, au Sénégal. Elle est devenue en 2008 membre de la National Geographic Society. © Jim Heemstra

    Selon les auteurs, il existerait trois étapes dans la maîtrise du feu : le conceptualiser, l'allumer et savoir l'éteindre. Les chimpanzés auraient atteint le premier. Pour eux, le feu a un certain comportement, au même titre qu'un animal, et ses mouvementsmouvements peuvent donc être prédits. Il suffit d'observer, de réfléchir et d'agir en conséquence. Le comportement est en effet complètement différent de celui des autres animaux qui, face à un incendie, passent en mode panique et ne se fient qu'à leurs réflexes.

    Un caractère commun aux hominidés et aux chimpanzés ?

    Les chimpanzés sauraient-ils allumer un feu ou sauront-ils le faire un jour (si les humains leur permettent de vivre) ? Les deux chercheurs ne s'avancent pas sur ce terrain spéculatif. Mais on peut voir et revoir l'exposé de Susan Savage-Rambaugh, une primatologue qui a étudié notamment les capacités de langages des bonobos. Ces cousins des chimpanzés (Pan paniscusPan paniscus) montrent des facultés étonnantes dans de multiples domaines.

    La vidéo donnée en lien est en anglais mais les anglophobes ne regretteront pas de la visionner. Ils pourront se rendre directement à la minute 6:05, où un singe enflamme du papier avec un briquet, mais aussi au repère 7:17, où l'on voit un bonobo s'essayer à la conduite automobileautomobile, ou encore à 8:32, pour voir un singe tailler un couteau en pierre pour ouvrir une boîte de friandises. A 9:38, une mère utilise une paire de ciseaux pour égaliser la fourrure de son petit.

    Les auteurs de l'étude estiment que cette conceptualisation du feu pourrait être un trait commun (une synapomorphiesynapomorphie comme disent les spécialistes modernes de l'évolution) entre la lignée humaine et celle des chimpanzés (au sein du cladeclade homme-chimpanzé, pour les mêmes).

    Jill Pruetz se dit surprise de n'avoir trouvé que très peu d'informations sur le comportement des animaux face au feu. Manifestement, le sujet est peu étudié mais il est tout à fait possible, estime-t-elle, que d'autres espèces partagent cette capacité. Les prouesses des corvidés, par exemple, capables de fabriquer des outils, en témoignent...