Les mâles dominants des groupes de babouins jaunes sont stressés, selon une étude publiée dans Science. Davantage stressés que les mâles hiérarchiquement juste en dessous d'eux, mais autant que ceux qui sont en bas de l'échelle. L'accès aux femelles et à la nourriture serait à l'origine de ces différences.

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    Chez les babouins jaunes, Papio cynocephalus, être le mâle dominant est stressant. Ici, deux mâles en train de se battre. © Jeanne Altmann

    Chez les babouins jaunes, Papio cynocephalus, être le mâle dominant est stressant. Ici, deux mâles en train de se battre. © Jeanne Altmann

    Beaucoup d'animaux sont organisés en société. On distingue d'ailleurs plusieurs grades d'organisation sociale, allant de grégairegrégaire à eusocial évolué. Les fourmis, par exemple, sont eusocialeseusociales évoluées. De nombreux mammifères sont des animaux eusociaux primitifs, comme le lionlion ou certains primates. Leurs sociétés sont hiérarchisées, avec notamment, des mâles dominants ou mâles alpha.

    Être le mâle alpha procure certains avantages : priorité pour la nourriture, priorité pour l'accouplement. Évidemment, la position est enviable et enviée. Ils sont en permanence sur le qui-vive pour prévenir d'éventuels putschs provenant des mâles bêtabêta.

    C'est pour cela que les scientifiques ont toujours pensé que les mâles alpha étaient plus stressés, surtout en période d'instabilité sociale, quand la plèbe commence à se rebeller. Cette augmentation de stress se traduit entre autres par la sécrétionsécrétion accrue de glucocorticoïdes pour le stressstress psychologique et de testostéronetestostérone pour le stress physiquephysique (activité combattive).

    Les mâles alpha stressés en permanence

    L'étude américano-kenyane de Laurence Gesquiere (université Princeton) et ses collègues, récemment publiée dans Science, a voulu vérifier cela. Et afin d'obtenir des résultats robustes, ils ont observé les mêmes groupes de babouins pendant neuf ans. Ces babouins jaunes (Papio cynocephalus) viennent du parc d'Amboseli, au Kenya. Les fècesfèces de 125 mâles ont ainsi été analysées et leurs concentrations en hormoneshormones mesurées.

    Si les résultats viennent confirmer les hypothèses des scientifiques et les études précédentes sur certains points, ils réservent néanmoins quelques surprises. Oui, les mâles dominants ont tendance à produire plus de glucocorticoïdes et de testostérone (graphiques ci-dessous) que les autres (l'augmentation va de pair avec l'ascension sociale) mais pas uniquement en période d'instabilité sociale.

    Cela indique que la position de mâle alpha est coûteuse sur le plan énergétique même pendant les périodes stables, ce qui va à l'encontre de ce que les scientifiques pensaient jusqu'alors, à savoir que les mâles dominants vivent plus sereinement en dehors des périodes de rébellions des autres mâles.

    Indicateur de la quantité de testostérone présente dans les fèces des mâles, selon leur classement hiérarchique. © Guesquière <em>et al.</em>, 2011

    Indicateur de la quantité de testostérone présente dans les fèces des mâles, selon leur classement hiérarchique. © Guesquière et al., 2011

    Le stress joue sur la longévité

    En fait, ces observations pourraient être à l'origine de la structure particulière de ces sociétés de babouins au sein desquelles les mâles alpha ne restent que très peu de temps en place. Ils ont beaucoup de mal à se garder un accès exclusif aux femelles reproductrices. Tout cela pourrait être dû aux importantes productions de testostérone et glucocorticoïdes. La production de ces deux hormones, en plus d'être très coûteuse d'un point de vue énergétique, a en effet un impact sur la longévité et la reproduction des individus. En 2006, une étude sur les chimpanzés avait ainsi montré que les taux de testostérone et de glucocorticoïdes étaient directement corrélés au nombre d'espèces de parasites présents dans l'organisme des chimpanzés.

    Indicateur de la quantité de glucocorticoïdes présente dans les fèces des mâles babouins. On voit que le mâle alpha (1) a une quantité de résidus similaire à celle de mâles en bas de l'échelle (9 à 14). Les nombres soulignés indiquent le nombre de mâles étudiés. Les nombres au-dessus des points représentent le nombre de mois d'étude. © Guesquière <em>et al.</em>, 2011

    Indicateur de la quantité de glucocorticoïdes présente dans les fèces des mâles babouins. On voit que le mâle alpha (1) a une quantité de résidus similaire à celle de mâles en bas de l'échelle (9 à 14). Les nombres soulignés indiquent le nombre de mâles étudiés. Les nombres au-dessus des points représentent le nombre de mois d'étude. © Guesquière et al., 2011

    Les scientifiques ont mis en relief un autre résultat intéressant. Le taux d'hormones de stress psychologique dans les fèces des mâles alpha est sensiblement le même que pour les mâles qui se trouvent en bas de la hiérarchie (graphique ci-dessous). Mais les raisons sont différentes. Si les mâles dominants doivent se battre pour maintenir leur position ou l'exclusivité de l'accès aux femelles, les mâles en bas de la pyramide doivent lutter pour l'accès à la nourriture...

    Adoptez la bêta-attitude

    Finalement la meilleure position est celle des mâles bêta qui sont hiérarchiquement juste en dessous des mâles alpha ; pour ces individus, les scientifiques ont mesuré des concentrations en glucocorticoïdes plus faibles, suggérant que ces mâles sont moins stressés. Selon les scientifiques, les mâles bêta n'ont pas à se battre autant pour maintenir leur territoire ou pour accéder aux femelles reproductrices quoique cette théorie soit mise à mal par les mesures de testostérone.

    Quoi qu'il en soit, chez les babouins il ne fait bon ni être tout en haut ni tout en bas de l'échelle...