Pour survivre aux rudes conditions de l’Antarctique, les manchots empereurs sont collés les uns aux autres, selon un schéma dit de la tortue. D’après une étude menée par une équipe du CNRS, ces animaux se déplaceraient de façon analogue aux voitures au sein d'un embouteillage.

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    Quand la température frôle -30 °C et que le blizzard souffle, les manchots empereurs se serrent les uns contre les autres en une formation appelée « tortue ». © CNRS, DEPE, Ipev

    Quand la température frôle -30 °C et que le blizzard souffle, les manchots empereurs se serrent les uns contre les autres en une formation appelée « tortue ». © CNRS, DEPE, Ipev

    Chaque année, les manchots empereurs mâles réalisent une petite prouesse. Juste après la ponte, et alors que les femelles sont parties pêcher à des centaines de kilomètres, ils restent couver le précieux œuf sur la banquise durant plus de 60 jours. Pour résister aux rigueurs de l'hiver austral -- jusqu'à -30 °C et des vents pouvant souffler à 200 km/h --, une seule solution : se serrer les uns contre les autres au sein d'une formation compacte, appelée la « tortue ». Les chercheurs ont montré qu'à l'intérieur d'un tel regroupement, les températures peuvent avoisiner les 37 °C, non loin de celle du corps d'un manchot. Néanmoins, ce qui se passait au sein de cette tortue restait encore mystérieux...

    Grâce à des vidéos tournées près de la base scientifique française Dumont d’Urville, en Antarctique, et au travail de modélisationmodélisation effectué par une équipe de biophysiciensbiophysiciens allemands, on en sait désormais plus sur le fonctionnement intime des tortues. Elles bougent imperceptiblement, toutes les demi-minutes environ, selon une onde de propagation proche de ce qui se passe dans les embouteillages automobilesautomobiles. « Il suffit qu'un individu, situé au centre ou en périphérie de la tortue, se déplace d'un ou deux centimètres, pour que l'ensemble du groupe se mette à bouger. Pour éviter que l'airair froid ne s'engouffre, son voisin comble l'espace laissé vacant, et ainsi de suite », décrit André Ancel, chercheur CNRS au département d'écologie, physiologie et éthologieéthologie de l'institut pluridisciplinaire Hubert Curien, qui cosigne l'article paru dans le New Journal of Physics.

    L'intérêt de ces déplacements incessants est que les individus exposés au froid, sur les bords de la tortue, sont remplacés régulièrement. Mais ce ne serait pas le seul avantage. Les chercheurs tentent désormais de déterminer si ces « vagues » régulières n'ont pas aussi la fonction de faire tourner l'œuf entre les pattes du mâle, afin que sa température reste homogène (il est exposé à la fois à la chaleurchaleur de la poche incubatrice du père et au froid des pattes sur lesquelles il est posé).