Les effondrements de populations d'animaux sauvages touchent la planète entière : c'est ce qu'estiment les 550 scientifiques pour l'IPBES, sorte de Giec de la biodiversité, qui ont rédigé leur rapport remis ce 23 mars 2018. Les espèces menacées de disparition font parfois la Une des journaux, mais il est une notion toute aussi importante : quelle est la taille minimale d'une population en dessous de laquelle une espèce est irrémédiablement vouée à disparaître ? En 2016, une vaste étude britannique sur près de 40.000 espèces répondait à la question. Plus encore, elle concluait que, sur plus de la moitié des terres émergées, la biodiversité est descendue sous cette valeur limite.

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    Article paru le 25 juillet 2016

    Les pertes de biodiversité sont aujourd'hui souvent assez bien documentées dans différents milieux. Entre agriculture et urbanisation, les disparitions d'espèces, localement ou globalement, sont indéniables. Mais est-ce grave ? Pour la première fois à cette échelle et avec cette précision, des scientifiques, emmenés par Tim Newbold, de l'UCL (University College London), ont dressé un bilan de l'évolution du nombre d'espèces d'écosystèmes terrestres.

    Les chercheurs ont travaillé sur 2,38 millions de données, concernant 39.123 espèces, recueillies sur 18.659 sites par des centaines de scientifiques collaborant au projet Predicts (Projecting Responses of Ecological Diversity In Changing Terrestrial Systems). Ce patient dénombrement a conduit à une estimation de la biodiversité jusqu'à une unité de surface de 1 km2.

    Le résultat, décrit dans la revue Science, quantifie le déclin par « biome », c'est-à-dire par type d'environnement (prairie, désertdésert, forêt tempéréeforêt tempérée...), en comparant avec le nombre d'espèces « originel », c'est-à-dire avant que les activités humaines n'aient modifié l'habitat. Les auteurs ont considéré une limite, un « seuil de sensibilité », en deçà duquel l'équilibre n'est plus possible. Cette notion avait déjà été évoquée dans des travaux antérieurs sur les « frontières planétaires ». En 2009, des chercheurs avaient défini des domaines où les activités humaines peuvent dépasser les capacités de résistancerésistance de la planète. De la biodiversité à l'utilisation de l'eau douceeau douce en passant par le climatclimat et les cycles de l'azotecycles de l'azote et du phosphorephosphore, l'étude en pointait neuf. En 2014, une autre équipe affirmait que quatre de ces frontières avaient été franchies ou allaient bientôt l'être.

    En rouge, les régions où la perte de biodiversité dépasse la limite considérée comme le seuil de sensibilité. En jaune, celles où elle l'approche. En bleu, les régions où la biodiversité se maintient bien. © UCL

    En rouge, les régions où la perte de biodiversité dépasse la limite considérée comme le seuil de sensibilité. En jaune, celles où elle l'approche. En bleu, les régions où la biodiversité se maintient bien. © UCL

    58,1 % des terres émergées sous la limite

    D'après l'étude de l'équipe de Tim Newbold, la biodiversité est passée sous ce seuil, établi à 10 %, sur 58,1 % des terresterres émergées. « Sur ces territoires vivent 71,4 % des êtres humains » soulignent les chercheurs dans le communiqué de l’UCL. Les biomes les plus affectés seraient les prairies, les savanes et les brousses. C'est essentiellement l'exploitation de ces surfaces pour les activités humaines qui en font fuir des plantes et des animaux. « Les plus grands changements se sont produits là où les humains sont les plus nombreux » constatent les chercheurs.

    Les conséquences d'une dégradation de ces écosystèmes - désertificationdésertification par exemple - ont aussi un impact fort sur les populations humaines et les chercheurs concluent en exhortant les pouvoirs publics à préserver, autant que faire se peut, des milieux naturels.