Apprendre à lire nécessiterait une bonne capacité à reconnaître et à mémoriser la régularité entre les lettres d’un mot et ne serait donc pas uniquement lié à la parole. Comment le sait-on ? Parce que des babouins ont su percevoir les combinaisons justes et les anomalies parmi des successions de lettres dans des mots anglais, sans avoir recours à du par cœur. Ils ont lu !

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    Comment faisons-nous pour apprendre qu'un mot est correctement orthographié ? Par quels mécanismes sommes-nous capable de reconnaître, en quelques centaines de millisecondes seulement, qu'ANIMAL est un mot tandis qu'AZIMAL n'en est pas un ? On a longtemps pensé que cette capacité dérivait du langage parlé car l'enfant apprend l'orthographe à l'école sur la base du langage oral qu'il maîtrise déjà. Par exemple, B et A font le son /BA/, D et A font /DA/.... Nos connaissances orthographiques seraient ainsi intimement liées à la parole.

    Cependant, une équipe de chercheurs du laboratoire de psychologie cognitive (LPC, CNRS / Université d'Aix-Marseille) à Marseille vient de remettre en question cette interprétation grâce à une étude menée chez des babouins.

    Leur expérience a consisté à présenter sur un écran tactileécran tactile des mots de quatre lettres (un mot à la fois) à des singes. Ils devaient appuyer sur une forme ovale si le mot était correctement orthographié ou sur une croix dans le cas contraire. Ils recevaient une récompense - un grain de céréale - après chaque bonne réponse.


    Vidéo présentant les travaux réalisés par le laboratoire de psychologie cognitive (CNRS / Université d'Aix-Marseille ) de Marseille (en anglais). © Stéphane Dufau, Youtube

    Ce n’est pas du par cœur !

    En quelques jours seulement (et quelques milliers d'essais), les babouins ont appris à distinguer des mots anglais (BANK) de pseudo-mots (JANK) pourtant très similaires. Mieux encore, après avoir mémorisé l'orthographe de plusieurs dizaines de mots, les babouins se sont mis à répondre correctement dès la première présentation de mots qu'ils n'avaient jamais vus auparavant. Ils n'ont donc pas appris par cœur la forme globale des mots, bien qu'ils en aient certainement la capacité.

    Selon les chercheurs, les singes sont capables de détecter et mémoriser des régularités dans l'organisation des mots : ils apprennent les combinaisons de lettres qui apparaissent fréquemment dans les mots anglais et détectent les anomaliesanomalies, c'est-à-dire les lettres qui ne sont pas à la bonne place.

    Rapportés à notre espèce, ces résultats suggèrent que la lecture se base - au moins en partie - sur notre capacité à percevoir et mémoriser les régularités entre les éléments (les lettres) qui composent un objet (le mot écrit). Cette capacité, qui n'est ni spécifiquement humaine ni spécifiquement linguistique, préexiste certainement à l'avènement du langage parlé dans la lignée humaine. Tous ces résultats sont publiés dans la revue Science du 13 avril 2012.