Pour la première fois, une équipe franco-japonaise montre l'impact d'un séisme sur un volcan, et non des moindres puisqu'il s'agit, respectivement, du tremblement de terre qui a secoué le Japon en mars 2011 et du mont Fuji. Les géologues ont exploité une méthode récemment mise au point qui consiste à utiliser les signaux sismiques de faible amplitude générés par les mouvements de l'océan. Elle devrait permettre d’améliorer l’estimation du risque d’éruptions volcaniques majeures à travers le monde.

au sommaire


    Le Fuji rouge de Katsushika Hokusai (peinture de 1830) a souffert du séisme de 2011. Cette couleur, en effet, est aussi celle du volcan (en bas à gauche, au-dessus de la péninsule touchant le bas de l'image) sur cette cartographie des variations de vitesses des ondes sismiques induites par le séisme. Elles témoignent des contraintes mécaniques auxquelles est soumis le sous-sol. © Florent Brenguier

    Le Fuji rouge de Katsushika Hokusai (peinture de 1830) a souffert du séisme de 2011. Cette couleur, en effet, est aussi celle du volcan (en bas à gauche, au-dessus de la péninsule touchant le bas de l'image) sur cette cartographie des variations de vitesses des ondes sismiques induites par le séisme. Elles témoignent des contraintes mécaniques auxquelles est soumis le sous-sol. © Florent Brenguier

    Jusqu'au début des années 2000, le bruit de fond sismique était systématiquement supprimé des analyses en sismologie. Or, ce bruit de fond est associé à des ondes sismiques causées par la houle océanique. Grâce à ces petites secousses, comparables à des micro-séismes permanents et continus, les sismologuessismologues ont appris à s'affranchir des tremblements de terre, très localisés sur un temps limité, pour imager l'intérieur de la Terre et son évolution dans le temps.

    L'utilisation du bruit de fond sismique est à l'origine d'une nouvelle méthode de mesure, continue dans le temps, des perturbations des propriétés mécaniques de l'écorce terrestre. « Ces ondes sismiques sont de faible amplitude mais elles parcourent toute la Terre » explique à Futura-Sciences Florent Brenguier, de l'institut des Sciences de la Terre (CNRS, université Joseph FourierJoseph Fourier, université de Savoie, IRDIRD, IFSTTAR). Nous pouvons nous en servir pour réaliser une sorte d'échographieéchographie des régions qu'elles traversent. »

    Avec l'institut de physiquephysique du globe de Paris (CNRS, université Paris Diderot, IPGP), son équipe a utilisé cette nouvelle technique et s'est associée à des chercheurs japonais disposant du réseau Hi-net, réseau de capteurscapteurs sismiques le plus dense au monde, avec plus de 800 capteurs installés sur tout leur territoire.

     La pression du sol, mesurée par les perturbations de la vitesse des ondes sismiques après le séisme, est plus forte au niveau des zones rouges. Au premier plan, sur cette vue orientée vers le nord, on reconnaît le mont Fuji, dont la couleur indique que là ont été observées les perturbations les plus fortes. Pour un sismologue, le sous-sol de cette région, située à 500 km de l'épicentre, a donc plus souffert que celui de Fukushima. © Florent Brenguier, Google Earth

    La pression du sol, mesurée par les perturbations de la vitesse des ondes sismiques après le séisme, est plus forte au niveau des zones rouges. Au premier plan, sur cette vue orientée vers le nord, on reconnaît le mont Fuji, dont la couleur indique que là ont été observées les perturbations les plus fortes. Pour un sismologue, le sous-sol de cette région, située à 500 km de l'épicentre, a donc plus souffert que celui de Fukushima. © Florent Brenguier, Google Earth

    Le séisme a perturbé davantage les zones volcaniques que les régions les plus proches

    À la suite du séisme géant de Tohoku-oki en 2011, les chercheurs ont analysé plus de 70 téraoctets de données sismiques issues de ce réseau. Ils ont alors montré pour la première fois que les zones où les perturbations de l'écorce terrestre étaient les plus importantes ne correspondaient pas à celles où les secousses ont été les plus fortes. Elles étaient, en effet, localisées sous les régions volcaniques, en particulier sous le mont Fujimont Fuji. Cette nouvelle méthode a donc permis aux chercheurs d'observer les anomaliesanomalies causées par les perturbations du séisme dans les régions volcaniques sous pressionpression. « Ce que nous mesurons, ce sont les petites variations de vitessevitesse des ondes sismiques induites par le séisme, ajoute Florent Brenguier. Elles sont faibles, de l'ordre de quelques millièmes ou dix-millièmes de la valeur moyenne, de plusieurs milliers de mètres par seconde, mais elles indiquent l'état du sol. »

    Le mont Fuji, qui montre l'anomalie la plus élevée, est probablement soumis à un état de pression important bien qu'aucune éruption n'ait encore eu lieu à la suite du séisme de Tohoku-oki. Cependant, le séisme de magnitudemagnitude 6,4, qui s'y est produit quatre jours plus tard, confirme le niveau de pression élevé de ce volcanvolcan. « Le sous-sol est dans un état critique. » Ces résultats vont dans le sens des théories selon lesquelles la dernière éruption du mont Fuji en 1707 a été très probablement déclenchée par le séisme géant de Hoei, de magnitude 8,7, survenu 49 jours plus tôt.

    Pour autant, ajoute Florent Brenguier, « on ne peut pas affirmer qu'il existe un risque majeur d'éruption. Souvenons-nous qu'aucune n'a eu lieu à la suite du séisme qui a provoqué le tsunami à Sumatra ». Le lien, nous précise-t-il, est statistique et peut se faire à l'échelle historique : « il y a davantage d'éruptions après un séisme ». Ces résultats, publiés dans Science, montrent déjà comment caractériser les régions affectées par des pressions élevées de fluides volcaniques grâce aux données sismiques issues de réseaux de capteurs sismiques denses. Ils permettent ainsi d'améliorer l'estimation du risque d'éruptions volcaniqueséruptions volcaniques majeures à travers le monde.