Le courant de l'Atlantique Nord, qui confère un climat relativement doux à l’Europe, aurait 15 % de chances de s’arrêter dans les 100 prochaines années, d’après une nouvelle simulation. Cet arrêt ne serait toutefois que temporaire.


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    Le courant de l'Atlantique Nord (Gulf Stream) transporte de l'eau chaude du golfe du Mexique vers l'Europe, apportant un climat relativement doux à une grande partie du nord-ouest du continent. Or, on sait depuis longtemps que ce courant est fortement sensible à la température de l'eau de surface et la salinitésalinité. Par l'effet conjoint de la fontefonte du Groenland et d'une augmentation des précipitations, le Gulf Stream pourrait ainsi s'affaiblir, voire s'inverser dans les prochaines années. Selon une nouvelle estimation parue le 30 décembre 2019 dans la revue Scientific Reports, la probabilité d'un arrêt temporaire du Gulf Stream dans les 100 prochaines années serait « très élevée », est d'environ 15 %.

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    Le Gulf Stream à son plus faible niveau depuis 1.600 ans

    De très nombreuses études se sont déjà penchées sur le phénomène. En 2017, un article de Nature Communications avançait une probabilité de 45 % d'un refroidissement global en Europe de l'Ouest au cours du XXIe siècle avec, pour conséquence, une baisse températures de l'Atlantique Nord de 2 à 3 °C. En 2018, deux études parues dans Nature ont montré que la circulation océanique méridienne dans l'Atlantique (AMOC) était à son plus faible niveau depuis 1.600 ans, avec une baisse de 15 % au cours des 50 dernières années, probablement à cause du changement climatique causé par les activités humaines. De plus, le Gulf Stream serait en train de se décaler vers le Nord, avec pour conséquence des températures plus chaudes au large des côtes nord-américaines et plus froides au sud du Groenland.

    Le Gulf Stream remonte du golfe du Mexique pour apporter des courants chauds à l’Europe. © Jochem Marotzke, <em>Nature</em>, 2012
    Le Gulf Stream remonte du golfe du Mexique pour apporter des courants chauds à l’Europe. © Jochem Marotzke, Nature, 2012

    Petits changements, gros effets

    Pour leur nouvelle étude, les chercheurs des universités d'Utrecht et de Gronigen, aux Pays-Bas, ont découpé le globe en milliers de « boîtes » à l'intérieur desquelles un système climatique est simulé. Comme le courant de l'Atlantique Nord présente un comportement non linéaire, cette méthode permet d'étudier comment un petit changement apparemment anodin peut induire un effet global significatif (le fameux « effet papillon »).

    « Le problème, c'est que les transitions que nous cherchions sont des événements rares, il faut donc un très grand nombre de simulations pour estimer la probabilité qu'elles se produisent », explique Fred Wubs, mathématicienmathématicien à l'université de Gronigen et coauteur de l'article. Les chercheurs ont donc utilisé un algorithme mis aux point par des Français de l'université de Lyon pour identifier les simulations les plus prometteuses et réduire ainsi le nombre d'occurrences.

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    Résultat : si les chances d'une disparition totale du Gulf Stream au cours des 1.000 prochaines années est « négligeable », la probabilité d'une interruption temporaire est à l'inverse beaucoup plus élevée, avec 15 % de chances de disparition dans le prochain siècle. Cette prévision est d'autant plus probable que le Gulf Stream a déjà connu d'importantes variations au cours de l'histoire. Il y a 13.000 ans par exemple, l'AMOC s'était affaiblie, aboutissant à une chute des températures de 6 °C au Groenland. Un autre ralentissement du Gulf Stream est en partie à l'origine du Petit Âge glaciaire (PAG) qu'à connu l'Europe entre entre 1450 et 1850.

    Les conséquences de tout cela sont très incertaines. Le refroidissement du Groenland serait ainsi a priori plutôt positif, puisqu'il ralentirait la fonte des glaces. Certains modèles prédisent aussi un renforcement des vents d'ouest et des tempêtes en Europe de l'Ouest, ainsi que des étés plus chauds et secs.


    Et si le Gulf Stream s'arrêtait ?

    Article de RDT Info publié le 26/07/2005

    Pour l'homme de la rue, freiner voire tout simplement arrêter le Gulf Stream relève de la science-fiction. Ce vaste courant océanique de surface de l'Atlantique en provenance de la zone intertropicale et qui baigne les côtes européennes (ce qui nous assure des hivershivers doux et des étés tempérés) ne peut tout simplement pas "tomber en panne". Pourtant, une diminution de son intensité, voire même son arrêt complet ne sont pas impossibles. L'histoire climatique de la planète le prouve.

    Le Gulf Stream a déjà connu de sérieuses perturbations dans son “écoulement”

    Des chercheurs canadiens, américains et britanniques, dont les travaux ont en partie été soutenus par le 5e programme-cadre de recherche de l'Union européenne, estiment que le réchauffement globalréchauffement global de notre planète entraîne depuis 10 ans une modification de la salinité des océans, ce qui pourrait perturber la circulation des courants marins (circulation thermohalinecirculation thermohaline).

    Une question de salinité

    C'est l'évaporation plus importante des eaux de surface dans la région intertropicale, générant un surplus important de vapeur d'eau dans l'atmosphèreatmosphère et des précipitations d'eau douceeau douce plus intenses aux plus hautes latitudeslatitudes, qui serait responsable de cette modification de la salinité dans l'Atlantique nord.

    Des eaux moins chargées en sel s'enfoncent plus difficilement vers les profondeurs marines. Or c'est précisément ce qui se produit avec le Gulf Stream au nord de l'Islande. C'est là que le fameux courant plonge vers les fonds océaniques pour retourner vers les TropiquesTropiques puis, plus loin encore, vers l'océan AntarctiqueAntarctique. Ce courant océanique profond est en quelque sorte le courant "retour" du Gulf Stream de surface.

    L'apport d'eau douce supplémentaire, suite à des précipitations plus intenses, empêcherait le Gulf Stream de plonger en ArctiqueArctique vers les fonds océaniques et donc enrayerait la vaste machine climatique mondiale. Ce qui à terme interfère, voire bloque en surface le Gulf Stream.

    Conséquences : avec un Gulf Stream connaissant des ratés, l'Europe, privée de ses effets, plonge à son tour dans une nouvelle période froide. En clair, les hivers à Lisbonne risquent ainsi de devenir aussi rigoureux que ceux de New York. Utopie ? L'histoire climatique de notre planète montre que de tels phénomènes dus à un apport considérable d'eau douce dans les eaux de l'Atlantique nord (suite au déchargement massif des glaces de l'inlandsisinlandsis américain) ont déjà enrayé la mécanique du Gulf Stream.