Hier a eu lieu au Danemark le lancement de la première installation au monde pour éliminer le gaz carbonique des fumées s'échappant d'une centrale électrique au charbon. Peut-être une avancée significative dans le combat contre les gaz à effet de serre.

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    Le circuit du CO2 au sein de Castor

    Le circuit du CO2 au sein de Castor

    Ça s'est passé le 15 mars, au Danemark, précisément sur le site de la centrale d'Esbjerg. L'événement est d'importance puisqu'il laisse entrevoir une solution pour contribuer à réduire sensiblement les émissionsémissions de gaz à effet de serre à l'origine du réchauffement planétaire. Inauguré hier, Castor, un pilote industriel dit de « captage du CO2 », mené sous l'égide de l'IFP (Institut français du pétroleInstitut français du pétrole) et la Commission européenne, est tout simplement la première installation permettant de capturer le dioxyde de carbone à même les fumées d'une centrale thermique pour le stocker dans le sous-sol.

    La centrale d'Esbjerg au Danemark, site du projet Castor<br />Crédits : ELSAM

    La centrale d'Esbjerg au Danemark, site du projet Castor
    Crédits : ELSAM

    Objectif : enterrer 10% du CO2 produit en Europe

    Comment limiter le volumevolume de CO2 dégagé par les installations industrielles, comme les cimenteries, les centrales électriques ou les raffineries ? Ces dernières seraient responsables de plus de 60 % des émissions mondiales des gaz a effet de serre. L'idée, depuis longtemps sur l'établi, est de récupérer le gaz là où il est produit, c'est-à-dire directement dans les usines incriminées, et de le réinjecter dans le sous-sol avant qu'il ne soit diffusé dans l'atmosphère. C'est la voie dite de « captage et stockage géologique » : « la plus prometteuse » selon l'IFP.

    Mais si sur le papier c'est simple, dans la réalité on se heurte notamment à des problèmes de coûts, que Castor semble résoudre. Ce programme, lancé en 2004, réunit trente partenaires coordonnés par l'IFP pour concevoir d'ici à 2008 les technologies en vue de capturer et de stocker pas moins de 10 % du CO2 émis en Europe, soit 30% des émissions des grosses installations industrielles.

    Sur le plan technique, Castor prend le CO2 dans des fumées émises par la centrale : il s'agit d'un captage de "postcombustion". Elles sont dirigées vers un absorbeur, dans lequel elles sont mélangées à un solvantsolvant. Ayant plus d'affinité chimique avec les moléculesmolécules de gaz carbonique qu'avec celles des autres composants comme l'azoteazote, le solvant les capture et rejette le reste. Ainsi près de 90 % du CO2 sont retenus par le solvant que l'on dit «enrichi », ensuite dirigé vers un régénérateur. Cet appareil est porté à une température de 120° C afin de casser les liaisons et de libérer le gaz, qui est alors isolé et transporté vers le lieu de stockage. Le solvant résiduel est réinjecté dans l'absorbeur avec les nouvelles fumées à traiter.

    Du point de vue des coûts, « c'est d'abord sur les technologies de captage que des progrès notables doivent être faits » rappelle-t-on à l'IFP. « Cette étape, qui représente environ 70 % du coût total de la filière, nécessite un apport énergétique significatif, générant des coûts élevés et des émissions secondaires de CO2 ». D'une part, pour le séparer des autres gaz (l'oxygène, la vapeur d'eau et l'azote), le CO2, qui est faiblement concentré dans les fumées à la pression atmosphérique, sera testé avec plusieurs solvants appartenant à la famille des amines, qui vont être optimisés. D'autre part « le pilote met en place un système de régénération du solvant avec une quantité d'énergieénergie limitée. Les coûts devraient être notablement réduits ». Ainsi, selon l'IFP, les procédés déjà connus pour la capture au sein des fumées industrielles coûtent de 50 à 60 euros par tonne de CO2. Castor pourrait diviser la note par deux ! Et piéger le gaz au rythme d'une tonne par heure.

    « La mise en oeuvre de ce pilote représente une étape importante» insistent les spécialistes de l'IFP. En effet le procédé est testé à grande échelle, et plus seulement en laboratoire. On pourra ainsi en faire une extrapolation industrielle fiable.

    Il faut dire que le temps presse. Et que la concurrence fait ragerage, par de multiples projets lancés en Europe et aux Etats-Unis sur un tel concept de « centrale propre ». Castor voit le jour presque en même temps qu'un autre projet européen appelé HypoGen, lui-même au coude à coude avec l'Américain FutureGen  pour mettre au point une centrale thermique à charboncharbon « propre » permettant non seulement, comme ici, de séparer le CO2 pour le stocker, mais aussi de récupérer l'hydrogènehydrogène en découlant pour l'exploiter comme combustiblecombustible. Avec Castor, l'Europe prend peut-être une longueur d'avance.