Près de 300.000 kilomètres carrés de forêts ont disparu l’an dernier. Aujourd’hui, une carte nous permet de savoir celles qui repousseront et celles définitivement perdues, et quels pays sont responsables de mauvaises pratiques.


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    Un record de 297.000 kilomètres carrés ! C'est la superficie des forêts détruites en 2017, d'après Global Forest Watch. Un phénomène bien connu grâce aux observations des satellites et dont on peut se rendre compte notamment avec Global Forest Watch, un site et une applicationapplication mobilemobile qui agrègent plus d'une centaine de données globales et locales sur la conservation et l'utilisation des terres. Mais jusqu'ici, il était bien difficile de différencier la « bonne » déforestation, celle liée à l'exploitation industrielle normale (bois, papier) ou à des incendies d'origine naturelle, de celle due à un déboisement sauvage et intensif pour d'autres buts (agriculture, pâturage). Dès lors, comment savoir, pour un importateur, si la forêt dont provient son bois est exploitée de façon durable ou non ?

    C'est pour répondre à cette demande qu'une équipe de chercheurs américains a créé la première carte mondiale des causes de la déforestation, publiée dans la revue Science, le 14 septembre 2018. Les scientifiques ont entraîné un algorithme à partir de 5.000 images vues satellites de Google Earth pour déterminer les causes de la perte de couverture forestière entre 2001 et 2015. L'algorithme a comparé la perte de couvert constatée avec les statistiques gouvernementales de chaque pays sur l'utilisation des forêts pour classer chaque perte en cinq catégories :

    • conversion permanente et définitive de la forêt pour un autre usage (agriculture, plantation de palmiers à huile, activité minière...) ;
    • conversion agricole temporaire dans le cadre de rotation des sols ;
    • exploitation forestière normale et légale, où les arbresarbres coupés sont destinés à être replantés ;
    • incendies d'origine naturelle où la forêt brûlée a vocation à repousser ;
    • urbanisation (déforestation pouvant être considérée comme définitive mais classée à part).
    Exemples d’échantillons utilisés pour entraîner l’algorithme à classifier les types de déforestation. © Philip G. Curtis <em>et al.</em>, <em>Science</em>, Sep 2018.
    Exemples d’échantillons utilisés pour entraîner l’algorithme à classifier les types de déforestation. © Philip G. Curtis et al.Science, Sep 2018.

    73 % de la forêt coupée a vocation à repousser

    Résultat de cette analyse détaillée : environ 27 % de la déforestation constatée ces 15 dernières années appartiennent à la première catégorie et cette destruction peut être considérée comme définitive ; les quelque 73 % restants ayant vocation à repousser. Dans ces 73 %, 24 % sont attribuables à la rotation de cultures, 26 % à l'exploitation forestière, 23 % aux feux de forêt et 1 % à l'urbanisation.

    Sur la carte, on voit clairement que l'essentiel de la « mauvaise » déforestation se déroule au Brésil en Amazonie, pour la reconversion en champs de sojasoja ou pâturages, et en Asie du Sud-Est (Indonésie et Malaisie), où la forêt est remplacée par des plantations de palmiers à huile. À Bornéo, il s'agit plutôt de coupes illégales massives. Dans les régions tempérées d'Europe et d'Amérique du Nord, l'exploitation forestière est la première cause de déforestation, tandis qu'en Afrique subsaharienne, on constate des changements fréquents de formes d'agriculture. La perte de forêt due à l'urbanisation, quoique encore marginale au niveau global, s'observe pour les deux tiers aux États-Unis.

    L’essentiel de la déforestation « non durable » (en rouge) est constaté au Brésil et en Asie du Sud-Est. L’exploitation forestière (en vert) est prédominante en Europe et en Amérique du Nord. © Philip G. Curtis <em>et al.</em>, <em>Science</em>, Sep 2018.
    L’essentiel de la déforestation « non durable » (en rouge) est constaté au Brésil et en Asie du Sud-Est. L’exploitation forestière (en vert) est prédominante en Europe et en Amérique du Nord. © Philip G. Curtis et al.Science, Sep 2018.

    « Notre carte est un outil essentiel pour mieux comprendre les enjeux liés à la déforestation et mettre en œuvre des politiques adaptées », atteste Matthew Hansen, chercheur à l'université du Maryland et coauteur de l'étude. Elle pourra aussi servir aux multinationales comme Ikea ou Nestlé pour attester d'un approvisionnement durable en bois ou en huile de palme, et aussi pour mieux prévoir les futures émissionsémissions de CO2 (la déforestation étant une des principales causes de ces émissions).