À l’occasion des 20 ans de Futura, Jean Jouzel, le climatologue vice-président du Giec, s’associe à la rédaction pour vous proposer, tout au long de cette journée spéciale, des sujets qui interpellent. Il se pose notamment avec nous, la question des extrêmes. Car dans ce monde qui globalement se réchauffe, les événements climatiques extrêmes, autrefois plutôt rares, deviennent de plus en plus fréquents. De plus en plus intenses aussi. Avec de graves conséquences pour la Planète et pour nos sociétés.


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    Notre Planète se réchauffe et les activités humaines en sont responsables. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) le confirmait en août dernier. C'est « sans équivoque ». Une étude publiée très récemment montre même que quelque 99,9 % des plus de 88.000 articles scientifiques liés à l'étude du climat s'accordent à le dire.

    Ainsi, entre 2010 et 2019, la température moyenne à la surface de notre Terre était supérieure de 1,07 °C à celle enregistrée sur la période 1850-1900. Pour notre pays, MétéoMétéo France évoque même le chiffre de plus 1,5 °C ! Mais avec le réchauffement, ce ne sont pas seulement les moyennes de températures qui grimpent. Les scientifiques observent aussi une tendance nette du côté de ceux qu'ils appellent les extrêmes climatiques. La France, par exemple, connaît déjà une augmentation de la fréquence des vagues de chaleur et une accentuation des sécheresses. Dans le Sud-Est, notamment, on enregistre une intensification et une augmentation de la fréquence des pluies extrêmes.

    « Le changement climatique induit par l'Homme affecte déjà de nombreux phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes dans toutes les régions du monde, confirme le Giec. Les preuves des changements observés dans les extrêmes tels que les vagues de chaleurchaleur, les fortes précipitations, les sécheresses et les cyclones tropicaux, et, en particulier, leur attribution à l'influence humaine, se sont renforcées. »

    Ce schéma montre que les scientifiques ont la quasi-certitude que les extrêmes de températures ont augmenté un peu partout dans le monde sous l’effet du réchauffement climatique anthropique. Leurs preuves sont principalement tirées des changements de paramètres basés sur les températures maximales quotidiennes. Des études régionales utilisant d’autres indices comme la durée, la fréquence ou l’intensité des canicules sont utilisées en complément. © Giec
    Ce schéma montre que les scientifiques ont la quasi-certitude que les extrêmes de températures ont augmenté un peu partout dans le monde sous l’effet du réchauffement climatique anthropique. Leurs preuves sont principalement tirées des changements de paramètres basés sur les températures maximales quotidiennes. Des études régionales utilisant d’autres indices comme la durée, la fréquence ou l’intensité des canicules sont utilisées en complément. © Giec

    La multiplication et l’intensification des extrêmes de chaleur

    Cette année 2021 qui s'achève semble avoir voulu donner le ton. Des vagues de chaleur comme celle qui a fait monter la température à 49,6 °C au Canada. Des feux de forêt impressionnants, qui ont ravagé plusieurs centaines de milliers d'hectares du côté de la Californie par exemple. Des inondations spectaculaires en Allemagne notamment.

    Concernant les extrêmes de chaleur, plus précisément, les chercheurs avancent aujourd'hui que plusieurs de ceux qui ont été enregistrés au cours de la décennie écoulée n'auraient tout simplement pas pu se produire sans le réchauffement climatiqueréchauffement climatique. Et si les températures moyennes continuent d'augmenter, l'intensité et la fréquence de tels événements continueront elles aussi d'augmenter.

    En 2020, la Sibérie avait ainsi subi une incroyable vague de chaleur. Avec des températures supérieures aux normales de plus de 5 °C. Voire de plus de 10 °C sur le mois de juin. Et un record de 38 °C enregistré à Verkhoyansk, dans le nord de la Sibérie orientale. Les chercheurs avaient conclu que le réchauffement climatique rendrait désormais ce type d'extrêmes climatiques au moins 600 fois plus probables dans la région.

    Cet été, des chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich (Suisse) soulignaient même que la rapidité avec laquelle le réchauffement climatique se produit - les scientifiques parlent aujourd'hui d'un réchauffement de 0,2 °C par décennie - allait ajouter au phénomène. Si nos émissions de gaz à effet de serre se poursuivent, nous devons nous attendre à un nombre de vagues de chaleur multiplié au moins par deux - au plus par sept... - dans les trois décennies à venir.

    Plus récemment encore, une équipe internationale de chercheurs établissait que les enfants nés en 2020 connaîtraient ni plus ni moins que 7 fois plus d'épisodes de chaleur extrême que les personnes nées en 1960. Mais aussi 2,6 fois plus de sécheresses et 3 fois plus d'inondationsinondations.

    D’autres extrêmes climatiques

    C'est peut-être un peu plus surprenant, mais les vagues de froid, elles aussi, pourraient se renforcer. Le résultat, en partie, d'un réchauffement encore plus rapide de l'ArctiqueArctique qui étirerait le vortex polairevortex polaire et diminuerait ainsi ses capacités à isoler l'airair froid sur la région. Il s'agit cependant là d'une hypothèse qui est loin d'être confirmée.

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    Pourquoi le réchauffement climatique va aggraver les vagues de froid

    Très récemment, des chercheurs ont aussi montré que celle qu'ils appellent la circulation méridienne de retournement atlantique - l'Amoc, pour les initiés -, l'un des principaux systèmes de circulation océanique sur notre Terre, ralentit en raison du changement climatique. Or l'Amoc est notamment responsable des conditions hivernales sur les États-Unis. Si ce ralentissement se poursuivait, le pays pourrait connaître certains hivershivers extrêmes.

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    Les inondations en Belgique et en Allemagne sont liées au réchauffement climatique

    Côté précipitations, après les pluies torrentielles qui se sont abattues sur l'Allemagne l'été dernier, des chercheurs se sont de nouveau posé la question. Leur conclusion est la suivante : dans un climat préindustriel, ce type d'extrême climatique se produisait tous les 400 ans, mais avec le réchauffement le risque de le voir survenir est aujourd'hui de 1,2 à 9 fois plus élevé.

    Des extrêmes climatiques aux graves conséquences sur la Planète

    L'une des premières conséquences de la multiplication et de l'intensification de ces extrêmes climatiques, ce sont les feux de forêt. Ils deviennent de plus en plus fréquents. De plus en plus violents. De plus en plus étendus. En 2020, une revue d’études scientifiques le confirmait. Le réchauffement climatique accroît le risque dans les régions où il est à l'origine d'extrêmes de chaleur et de situations de sécheresse prolongée. Le tout avec des effets sur la santé des habitants. Y compris sur le long terme, car l'exposition aux particules finesparticules fines émises dans les fumées pourrait être à l'origine d'une hausse du nombre de cancerscancers et de maladies cardiovasculairesmaladies cardiovasculaires. Mais des conséquences aussi pour les écosystèmesécosystèmes.

    Il y a quelques jours, des chercheurs partageaient par exemple leurs craintes concernant la capacité de résiliencerésilience des épinettes noires - une espèceespèce clé du paysage boréal depuis des millénaires - face aux feux de forêt de plus en plus fréquents dans l'Arctique. Avec pour possible conséquence, un changement écologique qui s'étendrait à la région entière, provoquant une lourde perte de biodiversitébiodiversité et accélérant potentiellement le dégel du pergélisolpergélisol.

    Plus de mégafeux de forêt favorisent aussi le ruissellement des pluies. Plus encore si ces pluies se font plus intenses avec le changement climatique. © Goldengel, Adobe Stock
    Plus de mégafeux de forêt favorisent aussi le ruissellement des pluies. Plus encore si ces pluies se font plus intenses avec le changement climatique. © Goldengel, Adobe Stock

    Nos sociétés impactées

    Si les écosystèmes ne sont pas préparés à cette situation, nos infrastructures n'ont pas non plus été conçues pour résister à ce type d'événements extrêmes. Les vagues de chaleur, par exemple, pèsent sur les réseaux électriques. À cause d'une demande croissante - pour faire fonctionner les climatiseurs -, mais aussi parce que la chaleur limite l'efficacité des lignes et même les possibilités de production des centrales. Ainsi, lorsque les niveaux d'eau baissent avec la chaleur, les centrales hydroélectriques ne peuvent plus fonctionner. Les centrales nucléairescentrales nucléaires peinent à se refroidir.

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    Vers une augmentation des phénomènes climatiques extrêmes ?

    Les froids extrêmes, eux aussi, ont un impact sur les réseaux électriques. Le Texas a ainsi connu des pannes généralisées en début d'année 2021. Avec des dommages socio-économiques estimés par l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique (NOAANOAA) à plus de 17 milliards d'euros - soit quelque 20 milliards de dollars.

    Les experts soulignent que le même genre de difficultés se présentera dans le secteur des transports. La chaleur abîme les routes. Elle dilate les voies ferrées. En 2019, déjà, la vague de chaleur que nous avons connue en Europe a entraîné des annulations de trains. Et les vols peuvent aussi subir ce genre de perturbations.

    De lourdes conséquences pour la santé humaine

    Les chaleurs extrêmes menacent aussi évidemment la sécurité alimentaire de milliards de personnes. Ces dernières années, les vagues de chaleur et les sécheresses ont ainsi déjà été responsables de 20 à 50 % de pertes de rendements agricoles dans le monde. Aussi parce que les risques d'infestationinfestation par des agents pathogènespathogènes augmentent. Les vagues de chaleur font déjà plus de morts dans le monde - suite à des coups de chaleur, des accidentsaccidents cardiaques, etc. - que tout autre type d'événement météorologique extrême.

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    Combien de tonnes de carbone faut-il pour tuer une personne ?

    Un facteur de décès majeur se cache aussi dans l'humidité associée à la température. Selon les scientifiques, une température humide de 35 °C constitue ainsi une sorte de limite à la survie humaine. Dans ces conditions, la sueur ne peut plus s'évaporer de la peau et le corps n'arrive plus à se refroidir. La mort peut survenir en quelques heures seulement. L'Inde pourrait être le premier pays à faire l'expérience de telles conditions. Les chercheurs envisagent que des températures humides de 34 °C pourraient être enregistrées dans le pays dès 2030. Et le seuil des 35 °C pourrait donc être dépassé en ville. Les scientifiques estiment qu'entre 160 et 200 millions de personnes connaîtraient alors un risque de vivre ce genre de situation extrême au cours d'une année. Un chiffre qui monterait à 480 millions en 2050.

    Et pendant que les scientifiques continuent d'alerter, les dirigeants du monde sont réunis pour la 26e Conférence des Parties signataires de la convention-cadre des Nations unies pour les changements climatiques. Celle que l'on surnomme la COP26 s'est ouverte à Glasgow il y a trois jours. En l'absence des certains des principaux émetteurs de gaz à effet de serregaz à effet de serre de la planète, la Russie et la Chine. Cela n'augure malheureusement rien de bon...

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