Bien connu des lecteurs de Futura, l'astrophysicien Aurélien Barrau, en compagnie de l'actrice Juliette Binoche, est à l'origine d'un appel signé par 200 scientifiques et artistes, largement relayé par les médias. Son sujet n'est rien de moins que la survie de l'humanité à l'échelle de quelques décennies seulement, une urgence dont doivent se saisir les politiques avec l'aide de leurs concitoyens.


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    Impossible d'y échapper, l'appel de 200 personnalités pour sauver la planète destiné aux décideurs politiques, à l'initiative de l'astrophysicienastrophysicien français Aurélien Barrau et de l'actrice française oscarisée Juliette Binoche, est devenu viral, repris dans de nombreux médias francophones. Et c'était bien le but recherché.

    Il intervient moins d'un an après un autre appel déjà publié dans le quotidien Le Monde qui relayait plus précisément un article rendu public par le journal BioScience et auquel Futura avait également fait écho en novembre 2017 (voir aussi les commentaires d'Alain Gioda sur son blogblog). Plus de 15.000 scientifiques de plus de 180 pays répétaient, en la mettant au jour, une première mise en garde de leurs collègues en 1992, dans la lignée du fameux rapport de Donella et Dennis Meadows publié en 1972 et intitulé The Limits to Growth (en français, Halte à la croissance), voir à ce sujet les explications détaillées sur le site de Jean-Marc Jancovici.

    Ces chercheurs du MIT tiraient déjà la sonnettesonnette d'alarme en se fondant sur un modèle mathématique relativement simple, avec tout de même 150 équationséquations, décrivant les principales boucles de rétroactionboucles de rétroaction entre démographie, ressources, industrie, pollution, agriculture, usage des sols, etc. dans le but d'analyser les conséquences des modes de développement de l'humanité fondés sur la croissance dans un monde fini.


    Dans cette vidéo, Gaël Giraud, chef économiste et directeur exécutif de la Direction innovation, recherche et savoirs de l'Agence française de développement, explique rapidement le futur qui nous attend, selon le rapport Meadows. Si nous ne faisons rien, explique-t-il, le réchauffement climatique va provoquer des catastrophes humanitaires sans nom avec des centaines de millions de réfugiés climatiques (sans doute plus) et des tensions catalysant guerres, totalitarismes et fanatismes déjà vus au XXe siècle. Les thèses qu’il développe sont largement compatibles et complémentaires de celles défendues par Jean-Marc Jancovici, le climatologue James Hansen, figure éminente du GIEC, les militants écologistes anglo-saxons Stewart Brand, Mark Lynas et Michael Shellenberger, en particulier sur l'énergie nucléaire et les OGM en rapport avec le climat. © AFD2016

    Une apocalypse annoncée mais encore évitable

    L'appel de septembre 2018, intitulé Le plus grand défi de l'histoire de l'humanité, bien que très consensuel dans sa généralité et sa sobriété, fait clairement écho, lui aussi, à celui de 2017 dans les grandes lignes, sans s'avancer et se prononcer sur tous les détails de son contenu (l'appel de 2017 précise par exemple : « Il est également grand temps de réexaminer et de modifier nos comportements individuels, y compris en limitant notre propre reproduction (de préférence, tout au plus au niveau du remplacement) et en diminuant drastiquement notre consommation par habitant de combustiblescombustibles fossiles, de viande et d'autres ressources », questions que n'aborde pas l'appel 2018 dans Le Monde ).

    Parmi les 200 signataires, on trouve plusieurs chercheurs français bien connus des lecteurs de Futura comme l'astrophysicienne Françoise Combes (Collège de France) et sa collègue Cécile Renault, membre de la collaboration Planck, ou encore l'astrophysicien Roland Lehoucq, le mathématicienmathématicien russe naturalisé français Mikhaïl Gromov (Académie des sciences) et les physiciensphysiciens théoriciens Pierre Fayet (Académie des sciences) et Carlo Rovelli parmi les pionniers éminents respectivement de la supersymétriesupersymétrie et de la gravitation quantique à bouclesgravitation quantique à boucles, et bien sûr le climatologueclimatologue Jean Jouzel (Académie des sciences), car l'appel concerne les défis redoutables lancés à l'humanité par le réchauffement climatique qu'elle a elle-même causé.

    L'appel de septembre 2018 se signale également par un aréopage tout aussi impressionnant d'artistes principalement du septième art, mais pas que. Surtout, ils ne sont pas confinés à la sphère francophone puisque, par exemple, à côté d'Alain Delon ou d'Isabelle Adjani, on trouve l'acteur Willem Dafoe ou le réalisateur Wim Wenders pour ne citer qu'eux.

    Quelques extraits :

    « Face au plus grand défi de l'histoire de l'humanité, le pouvoir politique doit agir fermement et immédiatement. Il est temps d'être sérieux...

    Nous vivons un cataclysme planétaire. Réchauffement climatique, diminution drastique des espaces de vie, effondrementeffondrement de la biodiversité, pollution profonde des sols, de l'eau et de l'airair, déforestation rapide : tous les indicateurs sont alarmants. Au rythme actuel, dans quelques décennies, il ne restera presque plus rien...

    Mais il n'est pas trop tard pour éviter le pire...

    Nous considérons qu'un gouvernement qui ne ferait pas du sauvetage de ce qui peut encore l'être son objectif premier et revendiqué ne saurait être pris au sérieux.

    Nous proposons le choix du politique - loin des lobbys - et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront. »

    On le voit, l'appel porté par Juliette Binoche et Aurélien BarrauAurélien Barrau exhorte les politiques à prendre fermement et rapidement leurs responsabilités en témoignant d'une urgence de la situation ressentie par un large panel de personnalités médiatiques tout comme, incontestablement, bien d'autres de leurs concitoyens. Ce n'est pas une pétition car elle a pour fonction d'être relayée largement par les médias sous forme papier et leur contrepartie numériquenumérique. C'est beaucoup plus efficace pour attirer l'attention des politiques accaparés par des dossiers et leur permettre de prendre la température de l'esprit du temps. Bien sûr, certains dénigrent cette initiative, au lieu de se réjouir que des personnalités médiatiques se sentent concernées par les changements drastiques à opérer dans nos modes de vie pour que l'humanité survive, limite les catastrophes à venir, humanitaires et frappant (déjà) la biosphèrebiosphère. Leurs arguments étant que ces « peoples » ne sont pas les premiers à donner l'exemple et sont sans doute les plus critiquables. Aurélien Barrau leur a répondu sur son compte Twitter et sa page FacebookFacebook.


    Une interview d'Aurélien Barrau sur la tribune du journal Le Monde © aurelien barrau

    La science, les faits, la raison et les lobbys

    Il n'est pas possible de ne pas rebondir rapidement sur un point de l'appel : « Nous proposons le choix du politique - loin des lobbys - et des mesures potentiellement impopulaires qui en résulteront ». Même si ce texte ne les présente pas frontalement, la réflexion qu'il suscite renvoie légitimement aux questions du nucléaire, des énergies renouvelablesénergies renouvelables et des OGMOGM, pour ne parler que de ces sujets. Elles se posent nécessairement à la lumièrelumière des faits connus de la communauté scientifique et devant la nécessité de limiter drastiquement notre consommation en énergie fossileénergie fossile avant 2050, afin d'assurer un minimum de vie décente et des sociétés stables pour les bientôt neuf milliards d'humains.

    En clair, il y a de bonnes raisons de penser qu'il n'est pas possible d'éviter des catastrophes, au moins de l'ampleur de celles du XXe siècle, sans développer le nucléaire (tout autant que les renouvelables) et en se privant de la carte des OGM. Quand bien même ceux-ci ne sauveront pas l'humanité tout seuls, et même en tenant compte de changements profonds dans notre niveau de vie et de notre économie.

    Ces thèses sont exposées dans les conférences de Jean-Marc Jancovici mais aussi celles d'écologistes engagés qui étaient au départ anti-nucléaire et anti-OGM avant de voir la réalité en face et que l'on ne peut donc pas soupçonner d'être des marionnettes complices de certains lobbys. Les noms de Mark Lynas, Michael Shellenberger et Stewart Brand s'imposent tout de suite. Et leur propos a d'autant plus de poids qu'il recoupe non seulement le contenu d'une lettre ouverte, publiée avec des collègues il y a quelques années, par le célèbre climatologue James Hansen (qui fut l'un des premiers à nous avertir du problème du réchauffement climatique), mais aussi d'une autre, provenant de plus de 100 prix Nobel, et concernant les OGM.

    Les décisions et les actions à prendre pour sauver l'humanité et la biodiversité ne peuvent pas reposer sur des idéologies et des fantasmes. Les faits ne se plient pas à des votes ni à des décisions de justice.