Introduites dans les années 1990, les rascasses volantes se développent à grande vitesse dans l’océan Atlantique. Ce sont des prédateurs voraces, capables de décimer 80 % des populations endémiques. Les rascasses volantes figurent actuellement au sommet des menaces pour la conservation de la biodiversité du bassin. Bilan sur la situation.

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    Les rascasses volantes (Pterois volitans) déciment la faune de l'océan Atlantique. Introduites accidentellement dans les années 1990, elles s'y développent extraordinairement bien, puisqu'elles n'y rencontrent aucune contrainte naturelle. À l'aide d'un submersible capable de prospecter à de grandes profondeurs, une équipe de recherche de l'Oregon State University a découvert qu'au large de la Floride, ces superbes rascasses étaient présentes jusqu'à 100 m de profondeur et étaient plus grosses que la moyenne.

    « Nous nous attendions à trouver des populations de rascasses volantes à cette profondeur, mais leur nombre et leur taille étaient surprenants », commente Stéphanie Green, impliquée dans l'expédition. Les résultats publiés dans Plos One font état de rascasses volantes atteignant 40 cm de long, ce qui est anormalement grand pour le genre Pterois. Trouver des populations entières où les individus sont de si grandes tailles peut inquiéter. D'une manière générale, plus un poisson est grand, plus il pond. Dans le cas des rascasses volantes, une grande femelle est capable de pondre dix fois plus qu'un animal de petite taille.

    Le submersible <em>Antipodes</em> a été utilisé au large de Fort Lauderdale, en Floride, pour étudier l'invasion des rascasses volantes. © <em>Oregon State University</em>

    Le submersible Antipodes a été utilisé au large de Fort Lauderdale, en Floride, pour étudier l'invasion des rascasses volantes. © Oregon State University

    Une étude menée en 2008 par les chercheurs Mark Albins et Mark Hixon déterminait qu'en cinq semaines, les rascasses volantes étaient capables de décimer localement 80 % de la population de poissons natifs de l'océan Atlantique. Les Pterois sont de redoutables prédateurs, dont l'écologie et la biologie sont méconnues. L'analyse du contenu stomacal de certains individus a révélé qu'ils se nourrissaient autant de crustacés que de poissons d'espècesespèces fourragères, incluant le vivaneau ou même le mérou.

    La plus grave invasion d’une espèce marine dans l’histoire

    Les rascasses volantes désignent trois espèces de Pterois : P. volitans, P. miles et P. antennata. Seules les deux premières sont invasives. P. volitans se trouve essentiellement dans la ceinture tropicale de l'océan Pacifique et dans l'est de l'océan Indien, tandis que P. miles se rencontre en mer Rouge ainsi que dans l'océan Indien. Ces deux espèces sont en train d'envahir la mer des Caraïbes et l'Atlantique Nord, et représentent l'une des plus rapides invasions d'une espèce marine dans l'histoire.

    Découverte pour la première fois au sud de la Floride en 1992, elle est désormais observée quotidiennement en Caroline du Nord et du Sud, aux Bahamas, à Cuba, aux îles CaïmansCaïmans, en République dominicaine, au Belize... Depuis 2001, on les trouve même au large de New York. P. volitans représente à elle seule 93 % de l'invasion, mais les deux espèces sont des prédateurs voraces. En mer des Caraïbes, elles se répandent à différentes profondeurs, sur des terrains divers et sont complètement ignorées par les prédateurs locaux ou les parasitesparasites.

    Les individus du genre Pterois disposent d'épines venimeusesvenimeuses sur leur nageoire dorsale. Ces défenses naturelles font que presque aucune espèce marine n'ose se mesurer à eux. Pourtant, dans leurs océans natifs, ces espèces sont contenues et ne représentent pas une menace pour le reste de l'écosystème. Nombre de chercheurs essaient de déterminer ce qui peut limiter leur étendue, mais aucune réponse n'émerge à ce jour.

    La Méditerranée menacée par les rascasses volantes elle aussi

    L'invasion de ces espèces dans l'Atlantique est la menace principale de l'écosystèmeécosystème marin. La voracité des rascasses et leur extension rapide devancent les problèmes liés à la pollution, à la surpêche et à l'augmentation de l'acidité des océans. Le problème ne concerne d'ailleurs pas uniquement l'Atlantique. Une étude publiée le mois dernier dans la revue Mediterranean Marine Science rapportait que P. miles avait été observée à plusieurs reprises dans l'est de la Méditerranée, en particulier au large des côtes libanaises.

    Il se pourrait que ces rascasses volantes aient emprunté le canal de Suez pour arriver en Méditerranée, comme l'ont fait les girelles paons voilà une vingtaine d'années. Si les rascasses volantes se développent aussi bien en Méditerranée qu'en Atlantique, l'écosystème marin en sera grandement dégradé.