Alors que certains rêvent de cloner les mammouths laineux dans un avenir proche pour ressusciter cette espèce disparue, on vient de trouver une momie quasi complète d'un bébé mammouth au Canada. C'est une découverte extrêmement rare.


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    Il y a plus d'un siècle, la découverte de gisements aurifères autour de la rivière Klondike dans le Grand Nord canadien, plus précisément dans la région du Yukon, située à l'est de la frontière avec l'Alaska, avait déclenché une ruée d'environ 100.000 personne espérant faire fortune rapidement. L'exploitation s'effondra au bout de quelques années mais elle n'a jamais cessé depuis lors, attirant quelques chercheurs d'or espérant encore déterrer le jackpot.

    C'est ce qui est arrivé d'une certaine façon le 21 juin 2022 à un jeune mineur travaillant sur le site de Eureka Creek, au sud de la Cité de Dawson, la ville champignon née de la ruée vers l’or, et qui a été la capitale du Yukon jusqu'en 1952.


    Quelques images et commentaires sur la découverte de Nun cho ga. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © MediaPortal

    Précisons tout de suite qu'il ne s'agissait pas d'une pépite d'or de taille record mais que la découverte effectuée est d'une tout autre importance pour cette espèce de fouilleurs des trésors de la Terre que sont les paléontologuespaléontologues. En effet, le pergélisol a livré un organisme vivant, mais décédé et momifié, qui n'est rien de moins que celui d'un bébé mammouth laineux et surtout du deuxième du genre trouvé complet dans le monde et le premier en Amérique du Nord.

    Un bébé mammouth mort il y a 40.000 ans ?

    Rapidement prévenus, des géologuesgéologues sont venus sur place pour identifier le contexte géologique de la découverte, accompagnés du paléontologiste en chef du gouvernement de la province canadienne du Yukon, Grant Zazula. Comme l'animal a été trouvé sur le territoire de la tribu indienne Tr'ondëk Hwëch'in et lors du jour honorant les Premières Nations, c'est-à-dire les peuples autochtones du Canada, il a été baptisé Nun cho ga, ce qui signifie « gros bébé animal » dans la langue du peuple Hän Hwëchʼin (dont le nom signifie « peuple vivant le long de la rivière »).

    Les couches géologiques qui ont préservé Nun cho ga indiquent que le bébé mammouth laineux a vécu il y a entre 35.000 et 40.000 ans. Les premiers examens menés par Grant Zazula laissent penser qu'il s'agissait d'une femelle. Nun cho ga mesure environ 140 cm, ce qui est un peu plus long que l'autre bébé mammouth laineux quasi complet trouvé en Sibérie, en mai 2007 et dénommé Liouba (voir le précédent article ci-dessous). Zazula pense que Nun cho ga avait probablement entre 30 et 35 jours lorsqu'elle est décédée en cherchant à se nourrir d'herbe alors qu'elle traversait une zone boueuse où elle s'est rapidement enfoncée pour y mourir. Une partie de son intestin laisse en effet entrevoir des végétaux, ce qui nous indique probablement sa dernière activité avant son décès.

    La découverte de Nun cho ga va-t-elle nous aider à faire renaitre les mammouthsmammouths laineux ? On le saura peut-être à l'horizon 2030...


    Peut-on faire renaître les mammouths ? © PBS Eons

    Ce qui est certain, c'est que le Klondike livre depuis des années, dans les terrains des prospecteurs d'or, des carcasses d'animaux plus ou moins bien conservées et datant de l'âge de glace. On peut penser que la découverte de Nun cho ga aurait fait plaisir à Yves Coppens.


    La ruée vers les fossiles du Yukon avec des explications de Grant Zazula. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © biointeractive

     

    Momie de Liouba, un bébé mammouth mort il y a plus de 40.000 ans, très bien conservé par le froid du pergélisol arctique de la Sibérie. Afin de limiter les dégâts d'une autopsie, la femelle qui faisait partie des mammouths laineux a été examinée avec un scanner. © Francis Latreille
    Momie de Liouba, un bébé mammouth mort il y a plus de 40.000 ans, très bien conservé par le froid du pergélisol arctique de la Sibérie. Afin de limiter les dégâts d'une autopsie, la femelle qui faisait partie des mammouths laineux a été examinée avec un scanner. © Francis Latreille

    Très bien conservés, deux bébés mammouths laineux livrent leurs secrets

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 01/08/2014

    Liouba et Khroma sont deux bébés mammouths trouvés dans le pergélisol arctiquearctique à la fin des années 2000. Une équipe internationale de paléontologues a percé quelques-uns de leurs secrets au moyen des rayons Xrayons X. Le bilan de plusieurs années d'études, accompagné par 30 images inédites prises au scanneurscanneur, vient d'être publié.

    La 5e conférence internationale sur les mammouths et leur famille qui s'est tenue en septembre 2010 au Puy-en-Velay a été l'occasion de la venue en France d'un invité tout particulier âgé de plus de 40.000 ans. Un bébé mammouth trouvé en octobre 2008 près de la rivière Khroma, à l'extrême nord de Yakoutie, au nord de la Sibérie. On a d'abord cru qu'il s'agissait d'un jeune mâle décédé deux mois après sa naissance, mais l'étude de son anatomieanatomie par tomodensitométrie à l'aide d'un scanneur à rayons X, notamment dans le service radiologieradiologie du Centre hospitalier Émile RouxÉmile Roux, a montré qu'il s'agissait en réalité d'une femelle.

    Khroma, comme on l'appelle désormais, n'a pas été la seule à livrer quelques-uns des secrets des mammouths laineux au moyen des rayons X. Un autre bébé trouvé par des éleveurs de rennesrennes en mai 2007, dans la péninsule de Yamal, sur les bords de la rivière Yuribei en Sibérie nord-ouest a été examiné de la même façon par une équipe états-unienne. Il s'agissait d'une femelle nommée Liouba, décédée très jeune, environ un mois après sa naissance. Une méthode d'études de la croissance des dents a permis de déterminer que les deux mammouths sont nés au printemps. Ils appartenaient à deux populations séparées par des milliers de kilomètres, mais qui ont toutes les deux vécus voici 40.000 ans.


    Les images de Liouba prises à l’aide d’un scanneur montrent le remarquable état de conservation de ce bébé mammouth dont la mort est survenue entre 30 et 35 jours après sa naissance. Dans le cas de Khroma, on estime qu’elle était âgée de 52 à 57 jours lorsqu’elle est décédée. © UM News Service, YouTube

    Les bébés mammouths les mieux conservés jamais trouvés

    Liouba et Khroma se sont avérées être les spécimens de bébé mammouth les plus complets et les mieux conservés jamais trouvés. Un bilan de leur étude à l'aide des scanneurs a été publié récemment, conjointement par des équipes russes, française et états-unienne dans Journal of Paleontology.

    Khroma a toutefois été trouvé en moins bon état que Liouba. Elle est restée conservée dans le pergélisol en position verticale, de sorte que lorsqu'elle fut retrouvée, des prédateurs comme les renards arctiques avaient déjà fait disparaître des parties de sa trompe et de son crânecrâne, ainsi que la bosse de graisse qui devait probablement recouvrir l'arrière de son cou. Le scanneur a permis de découvrir que la taille du cerveaucerveau de Khroma était légèrement inférieure à celle d'un bébé éléphant du même âge, ce qui suggère l'hypothèse que le temps de gestationgestation chez les mammouths était plus court que chez les éléphants.

    L'état de conservation des tissus mous est tel que les chercheurs n'hésitent pas à parler de momies pour les deux corps. On peut donc étudier les muscles, le tissu conjonctif, les organes et la peau des mammouths laineux. On est même en mesure de reconstituer le scénario probable de leurs morts.

    Du lait de mammouth âgé de plus de 40.000 ans !

    Dans le cas de Liouba, il n'a même pas été nécessaire d'utiliser les données fournies par le scanneur industriel de l'usine Ford du Michigan où elle a été examinée. Des sédimentssédiments fins bloquaient sa trompe, sa gorge et ses bronchesbronches. Elle serait donc morte par suffocation en ayant inhalé de la boue. Cela laisse penser qu'elle devait être en train de traverser un lac en marchant sur sa surface gelée quand la glace a cédé sous son poids. À l'appui de cette hypothèse, on a découvert dans ces sédiments un minéralminéral, appelé la vivianite, qui se forme dans les milieux froids et pauvres en oxygène tel, justement, que le fond des lacs.

    Dans le cas de Khroma, des sédiments plus grossiers furent retrouvés là aussi dans sa trompe et sa gorge, mais malheureusement pas dans ses poumonspoumons, non conservés. Sa colonne vertébralecolonne vertébrale fracturée indique une chute. On peut donc penser qu'elle était au bord d'une rivière et qu'un effondrementeffondrement de la berge l'a précipitée dans l'eau. Remarquablement, son estomacestomac contenait des restes très bien conservés de lait non digérés et ayant l'apparence d'un yaourtyaourt. Sa mère devait l'allaiter moins d'une heure avant sa mort, selon les chercheurs.

    En tout état de cause, Liouba et Khroma constituent maintenant une sorte de pierre de RosetteRosette qui va aider les paléontologues à déchiffrer les restes d'autres mammouths laineux que l'on peut retrouver dans le pergélisol arctique de la Sibérie. Comme l'une est plus âgée d'environ un mois que l'autre, elles nous donnent toutes deux un aperçu des transformations de cette espèce au cours de leur croissance.