En étudiant les restes fossilisés de nanoplancton datant de la fameuse crise KT, un groupe de chercheurs a découvert que l’extinction massive ayant à cette époque frappé cette catégorie d'organismes corrobore parfaitement l’hypothèse de l’impact d’une météorite.

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    Des tests calcaires de nanoplancton de la frontière crétacé paléogène étudiés par les chercheurs. Credit Timothy Bralower, Pennsylvania State University

    Des tests calcaires de nanoplancton de la frontière crétacé paléogène étudiés par les chercheurs. Credit Timothy Bralower, Pennsylvania State University

    Pour expliquer la disparition des dinosaures ainsi que celle de nombreuses espèces marines il y a 65 millions d'années, l'hypothèse de l'impact d'une météoritemétéorite d'environ 10 kilomètres de diamètre a été avancée par Walter Alvarez et ses collègues. Une hypothèse concurrente est celle des gigantesques épanchements basaltiquesbasaltiques qui formé les plateaux du Deccan en Inde à la même époque mais sur une duréedurée bien plus longue. C'est l'hypothèse soutenue par Vincent Courtillot.

    On a effectivement trouvé un cratère au Yucatan au début des années 1990, vers Chicxulub, ayant la bonne taille et dont l'âge semble lui aussi en bon accord avec l'hypothèse d'Alvarez, bien que cela soit contesté par certains chercheurs comme Gerta Keller. Une conjonctionconjonction de ces deux causes, impact d'astéroïdeastéroïde et épanchements du Deccan, semble l'explication la plus probable mais il est difficile de déterminer laquelle a été prédominante sur l'autre. D'autant plus que certains ont proposé l'existence d'un autre cratère, celui de Shiva, très proche des côtes de l'Inde et qui, si son existence était avérée, serait également contemporain de la crise KT (entre le Crétacé et le Tertiaire).

    Une nouvelle pièce au dossier en faveur du cratère de Chicxulub vient d'être apportée dans Nature Geoscience par des chercheurs de l'Université Penn State, aux Etats-Unis.

    Ils ont consulté les résultats des analyses de 823 carottes obtenues lors de 17 forages océaniques dans les hémisphères nordhémisphères nord et sud, dont l'un dans le Pacifique sud et un autre dans l'Atlantique sud permettent des datations particulièrement précises et fiables. On sait que les forages océaniques profonds sont des mines d'or pour connaître l'histoire et la géodynamique de la planète. Cela vient à nouveau de se confirmer.

    Les chercheurs ont pour la première fois rassemblé les données de ces forages concernant les populations de nanoplancton vivant dans les océans à la frontière Crétacé-Tertiaire, c'est-à-dire précisément à l'époque où eut lieu l'une des plus grandes extinctions ayant frappé la biosphèrebiosphère. Ils ont ainsi montré que 93% des espèces de nanoplancton possédant un test calcairecalcaire (une petite coquillecoquille, comme les diatoméesdiatomées) et vivant à la frontière Crétacé-PaléogènePaléogène ont alors disparu.

    Le plus intéressant est que les extinctions ont différé selon les latitudeslatitudes. Elles furent plus importantes dans l'hémisphère nord que dans l'hémisphère sudhémisphère sud. C'est exactement ce à quoi on s'attend dans le cas de l'hypothèse de la chute de l'astéroïde au Yucatan et l'observation est également bien corrélée avec l'importance plus grande de l'extinction des plantes en Amérique du Nord. Rappelons que du fait de la dérive des continents, l'Inde se situait il y a 65 millions d'années bien plus au sud qu'aujourd'hui, plus précisément à l'emplacement actuel de l'île de La Réunion.

    La diversité du nanoplancton est restée faible pendant 40.000 ans dans l'hémisphère nord et il lui a fallu près de 270.000 ans pour se reconstituer. La diversité est restée plus importante dans l'hémisphère sud. On sait aussi que le nanoplancton est à la base de la chaîne alimentairechaîne alimentaire des océans et on doit donc en déduire que sa diminution a fortement affecté l'ensemble de la faunefaune de l'époque. Cela confirme donc bien le scénario de la chute d'un petit corps céleste comme explication principale de la crise KT.

    Cependant, le nanoplancton photosynthétique aurait dû être moins touché qu'il n'apparaît. Après une forte baisse de luminositéluminosité qui aurait duré 6 mois tout au plus, ces organismes auraient dû recommencer à se développer en massemasse, même dans l'hémisphère nord. Ils ne l'ont pas fait, ce qui peut sembler étrange.

    Les chercheurs proposent une hypothèse. Dans le voisinage de l'impact de Chicxulub, la quantité de métauxmétaux injectés dans les océans a dû être assez grande, or même des taux de quelques parties par milliard en cuivrecuivre, nickelnickel, cadmiumcadmium et ferfer aurait eu des effets dévastateurs sur le nanoplancton. On doit s'attendre aussi à d'importants apports de chrome, d'aluminiumaluminium et surtout de mercuremercure et de plombplomb. Même le fer, le zinczinc et le manganèsemanganèse, qui sont normalement des micronutriments, deviennent toxiques pour le nanoplancton lorsqu'ils sont en trop grandes concentrations dans l'eau. En effet, ces métaux peuvent altérer la reproduction et la formation des tests calcaires du nanoplancton.

    Si l'hypothèse de la météorite sort donc renforcée de cette étude, on ne comprend toujours pas bien pourquoi certaines espèces ont disparu tandis que d'autres ont survécu à la crise KT. Pourquoi par exemple les dinosaures n'ont-ils laissé comme descendance que les oiseaux alors que les tortuestortues et les crocodilescrocodiles n'ont pas été exterminés ?