Les découvertes de restes de vertébrés dans des morceaux d'ambre sont rares mais précieuses. La dernière en date montre l'extrémité de la queue, avec huit vertèbres et des traces de sang, d'un dinosaure non-avien. L'animal n'appartient pas à la lignée des oiseaux, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des plumes. De quoi ajouter quelques pièces au puzzle de la longue histoire de la plume.

au sommaire


    Un heureux hasard a conduit le paléontologuepaléontologue chinois Lida Xing sur un marché birman où il a déniché des pièces d'ambre contenant visiblement des restes d'organismes vivants. Leur étude en a révélé la nature : l'extrémité d'une queue, constituée de huit vertèbres, et portant encore ce qui ressemble à des plumes.

    Ce n'est pas la première fois que l'on découvre des restes de vertébrés dans l'ambre, cette opportunité ayant déjà inspiré les auteurs du film Jurassic Park sorti en 1993. Ce n'est pas non plus la première fois que l'on y trouve des restes de plumes ayant appartenu à des dinosaures. Et depuis plusieurs décennies, les dinosaures à plumes ont envahi la littérature scientifique de la paléontologie.

    Le morceau d'ambre qui a retenu l'extrémité de la queue d'un jeune dinosaure de petite taille, il y a environ 99 millions d'années. Le plumage est bien visible. Son analyse microscopique montre que ces plumes qui ne sont pas celles des oiseaux leur ressemblent un peu. © <em>Royal Saskatchewan Museum</em>, R.C. McKellar

    Le morceau d'ambre qui a retenu l'extrémité de la queue d'un jeune dinosaure de petite taille, il y a environ 99 millions d'années. Le plumage est bien visible. Son analyse microscopique montre que ces plumes qui ne sont pas celles des oiseaux leur ressemblent un peu. © Royal Saskatchewan Museum, R.C. McKellar

    Les vertèbres piégées dans l'ambre sont celles d'un dinosaure juvénile

    La nouvelle est intéressante à deux titres : ce morceau de queue semble appartenir à un dinosaure théropode non-avien qui n'appartient donc pas à la lignée des oiseaux, et la conservation est si bonne que des fines analyses au scanner CT, donc par tomodensitométrie, ont révélé d'intimes détails. Les chercheurs (qui publient leurs résultats dans la revue Current Biology) ont ainsi repéré des accumulations de ferfer, interprétées comme des dépôts d'hémoglobinehémoglobine. Des traces de pigments indiquent que cette queue était de couleurcouleur marron sur le côté supérieur et plutôt blanc en dessous.

    La forme des huit vertèbres plaide, selon les auteurs, pour un coelosaure - une famille de petits dinosaures agiles -, et même pour un juvénile. La datation indique 99 millions d'années, soit le milieu du Crétacé. L'étude de cette plume montre des ressemblances et des différences avec celles des oiseaux actuels. Au chapitre des analogies figure la structure ramifiée, avec des barbes et des barbulesbarbules.

    Une représentation possible d'un coelaosaure, petit dinosaure du Crétacé qui n'appartient pas à la lignée ayant conduit aux oiseaux. Mais il avait déjà un joli plumage. © Chung-tat Cheung et Yi Liu

    Une représentation possible d'un coelaosaure, petit dinosaure du Crétacé qui n'appartient pas à la lignée ayant conduit aux oiseaux. Mais il avait déjà un joli plumage. © Chung-tat Cheung et Yi Liu

    Mais cette plume-là ne possède pas de rachisrachis, le « longeronlongeron » chez nos oiseaux d'aujourd'hui. Conclusion d'un évolutionniste : les barbes et les barbules sont apparues avant le rachis dans la longue histoire des plumes.

    La découverte montre aussi tout le potentiel des restes fossilisés dans l'ambre, qui peuvent préserver les tissus mous et même permettre d'étudier des structures microscopiques.


    Des plumes datant de 80 millions d'années retrouvées dans l’ambre

    Article de Jean-Luc GoudetJean-Luc Goudet publié le 16/9/2011

    Des restes très bien conservés de plumes datées de 80 millions d'années ont été découverts au Canada. Certaines d'entre elles ont appartenu à des dinosaures, dit l'équipe qui vient d'en faire la description. D'autres ressemblent à celles des oiseaux plongeurs.

    Ce n'est pas dans la nature mais dans la collection du musée Royal Tyrrell et de celle, privée, de la famille Leuck que Ryan McKellar et son équipe de l'université d'Alberta (Canada) ont découvert un trésor : des morceaux de plumes piégés dans l’ambre. Tous les spécimens proviennent de la région du lac Grassy, au sud de la province d'Alerta. Parmi les 4.000 pièces d'ambre que les paléontologistes ont passées au crible, se trouvaient onze restes de plumes, « de couleur marron à noire », expliquent-ils puisque l'ambre conserve les pigments. En revanche, aucun reste fossilefossile n'a pu être associé à ces restes de plumage. Les animaux qui les portaient les ont perdus d'une manière ou d'une autre, peut-être parce qu'ils se sont approchés trop près d'un arbrearbre où coulait la résine.

    La datation des sols d'où ces morceaux d'ambre ont été extraits indique un âge de 78 à 79 millions d'années. Cette datation situe l'action à la fin du Crétacé. À cette époque, il fait plutôt chaud dans la région et les oiseaux sont déjà apparus. D'ailleurs, dans les spécimens étudiés dans l'ambre (à la loupe en profitant de la transparencetransparence de ces pièces très petites) figurent des plumes sophistiquées, avec barbes (les fines arêtes fixées sur le rachis) et barbules (qui accrochent les barbes entre elles). Elles ressemblent beaucoup à celles des oiseaux modernes. L'équipe est même sûre d'avoir repéré des plumes adaptées pour rendre le plumage étanche à l'eau. Elles appartenaient donc peut-être à des oiseaux plongeurs ou nageurs. Existait-il à la fin du Crétacé des équivalents de nos canards ou de nos martins-pêcheurs ?

    Des restes de plumes, vieux de près de 80 millions d'années. Les barbules sont toujours là. © Ryan McKellar <em>et al.</em>

    Des restes de plumes, vieux de près de 80 millions d'années. Les barbules sont toujours là. © Ryan McKellar et al.

    L’histoire de la plume reste à écrire

    Ces 4.000 pièces d'ambre recélaient d'autres structures, des filaments très fins (16 micronsmicrons) que les auteurs interprètent comme des protoplumes, c'est-à-dire des plumes à la structure simple, censées être plus anciennes. Selon les auteurs, elles ne viennent pas d'oiseaux mais de dinosaures.

    En soi, l'information est loin d'être une nouveauté car on a commencé à découvrir des dinosaures à plumes depuis les années 1990 et les traces se sont multipliées ces dernières années. On admet aujourd'hui que cette ornementation est apparue très tôt et qu'elle n'est d'ailleurs pas l'apanage des ancêtres des oiseaux. On soupçonne la présence de plumes chez certains ornithischiensornithischiens (qui n'ont justement rien à voir avec les oiseaux), un groupe qui s'est séparé des saurischienssaurischiens (ancêtres des oiseaux) il y a 250 millions d'années.

    Deux <em>Sinosauropteryx </em>dans une forêt du Crétacé. Leur plumage est coloré. Une étude au microscope électronique a fourni des indications sur les couleurs des plumes des dinosaures : noir, blanc et brun-roux. © Chuang Zhao et Lida Xing

    Deux Sinosauropteryx dans une forêt du Crétacé. Leur plumage est coloré. Une étude au microscope électronique a fourni des indications sur les couleurs des plumes des dinosaures : noir, blanc et brun-roux. © Chuang Zhao et Lida Xing

    Une fois de plus, l'ambre a conservé quelques précieuses traces du passé. Quantités d'insectesinsectes et autres arthropodesarthropodes, même aquatiques, ont pu ainsi parvenir jusque sous le microscopemicroscope de paléontologistes. Des griffes ou des écailles de reptilesreptiles ont même été débusquées par un passionné, Éric Genaert, qui a réalisé de magnifiques images, et notamment étudié le colportage d'une fourmi fossilisée dans l'ambre...

    L'ambre conserve les structures mieux que la fossilisationfossilisation mais ces découvertes sont rarissimes. Elles n'en ont que plus d'importance.