Une étude des migrations humaines prenant en compte les variations du climat indique que les Hommes ont migré d’Afrique très tôt et en plusieurs vagues qui semblent liées à l’oscillation de l’axe de rotation de la Terre et au niveau des mers. Trois autres études, génétiques, dessinent une esquisse complexe, mais compatible, des grands voyages de notre espèce.

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    Née en Afrique, l'espèce humaine, Homo sapiens, s'est répandue sur toute la planète. Ce vaste déploiement date d'au moins 40.000 ans mais pourrait avoir commencé il y a plus de 100.000 ans. La question se pose toujours ainsi que celle du nombre de vagues. Y a-t-il eu une seule grosse migration ? Ou plusieurs ? Ou une principale et quelques autres, plus modestes ? La paléontologie et, plus récemment, la génétiquegénétique des populations apportent des réponses. Mais toutes ne convergent pas vers la même hypothèse. Aujourd'hui, une autre discipline vient apporter son grain de sel : la climatologie.

    Coup sur coup, pas moins de quatre publications, toutes publiées dans Nature, viennent éclairer sous un jour nouveau l'affaire des migrations humaines, mais sans pour autant clore définitivement le débat. La plus originale vient de l'université d'Hawaï où Axel Timmermann et Tobias Friedrich ont utilisé un modèle de migration dans lequel a été introduite une contrainte supplémentaire, le climat, avec ses fluctuations imposées par le mouvementmouvement de l'axe de rotation de la TerreTerre et avec les variations du niveau des océans, sur les 125.000 dernières années. Dans leur article, qui montre deux vidéos, leurs conclusions sont compatibles avec les archives fossilesfossiles et suggèrent plusieurs vagues migratoires, il y a environ 100.000, 80.000, 50.000 et 30.000 ans. Selon eux, les humains modernes (Homo sapiensHomo sapiens) seraient arrivés simultanément en Chine et en Europe (en passant par la péninsulepéninsule arabique). Ce n'est pas ce que disent les fossiles, qui montre une présence bien plus précoce de notre espèce en Chine. Les auteurs avancent que la présence de l'Homme de Néandertal aurait fortement ralenti le déploiement de H. sapiens en Europe.

    La densité des populations humaines, indiquée par la couleur (en individus par 100 km<sup>2</sup>) il y a 80.000 ans, d'après un modèle de migration qui tient compte du climat. Il montre le voyage d'<em>Homo sapiens</em> depuis l'Afrique, en passant par la péninsule arabique et en longeant les côtes jusqu'à l'Asie du sud-est et l'Australie. © Tobias Friedrich

    La densité des populations humaines, indiquée par la couleur (en individus par 100 km2) il y a 80.000 ans, d'après un modèle de migration qui tient compte du climat. Il montre le voyage d'Homo sapiens depuis l'Afrique, en passant par la péninsule arabique et en longeant les côtes jusqu'à l'Asie du sud-est et l'Australie. © Tobias Friedrich

    Comment se sont peuplées l'Australie et la Papouasie ?

    Les trois autres études portent sur les Aborigènes d'Australie et sur les populations de Papouasie-Nouvelle Guinée, dont la sortie d'Afrique semble précoce par rapport aux peuplements de l'Asie et de l'Europe. Au Royaume-Uni, Luca Pagani et ses collègues ont travaillé sur une vaste analyse du génome de 125 populations différentes du monde entier. Selon eux, 2 % du génomegénome de populations ayant une ascendance en Papouasie-Nouvelle Guinée indiquent que la séparationséparation d'avec les Africains est survenue avant celle qui a conduit aux autres Eurasiens. Les Hommes anatomiquement modernes, concluent-ils, étaient déjà présents hors d'Afrique avant 75.000 ans. Il y a donc eu au moins deux migrations.

    Anna-Sapfo Malaspinas (université de Bern, Suisse) et ses collègues ont séquencé les gènesgènes de 83 Aborigènes d'Australie et 25 personnes de Papouasie-Nouvelle Guinée. Conclusions : les premiers occupants de l'Australie proviennent d'une même population qui s'est différenciée il y a entre 10.000 et 32.000 ans. La séparation d'avec les Eurasiens est bien plus ancienne, et daterait de 51.000 à 72.000 ans. Cette ancienneté conduit à supposer qu'après la sortie d'Afrique, les Hommes se seraient immédiatement séparés en deux vagues distinctes, l'une vers l'Australie, l'autre vers l'Asie.

    Enfin, Swapan Mallick, de l'institut médical Howard Hughes (Boston, États-Unis), a exploité avec ses collègues les données du projet de diversité du génome de la fondation Simons, et concernant 300 personnes de 142 populations génétiquement différentes. Leurs résultats semblent contredire les trois autres études puisqu'ils conduisent à la conclusion que tous les non-Africains actuels, y compris les Aborigènes d'Australie et les premiers occupants de la Papouasie-Nouvelle Guinée, sont issus du même groupe. Toutefois, cela n'exclut pas des migrations plus anciennes mais de moindres importances.

    Poussés par la démographie, par les caprices du climat et par les variations du niveau de la mer, qui ouvraient ou fermaient des détroits, nos ancêtres auraient investi de nouvelles terres, mais progressivement, au rythme de petites et grandes migrations...