Les mammifères se sont-ils brusquement diversifiés en profitant de la disparition des dinosaures ? Oui ! a-t-on dit pendant très longtemps. Non ! affirmaient certains au début de 2007. Si ! surenchérit aujourd’hui une équipe américaine…

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    John Wible a fait parler Maelestes gobiensis, une musaraigne du Crétacé. On voit ici son crâne (à gauche) comparé à celui de la taupe à queue velue, une espèce actuelle (à droite). Crédit : John Wible/CMNH

    John Wible a fait parler Maelestes gobiensis, une musaraigne du Crétacé. On voit ici son crâne (à gauche) comparé à celui de la taupe à queue velue, une espèce actuelle (à droite). Crédit : John Wible/CMNH

    John Wible, du Carnegie Museum of Natural History (Etats-Unis) vient de jeter un nouveau pavé dans la mare - déjà bien agitée - de l'histoire des mammifères en publiant les résultats d'une longue étude dans Nature. Lui et ses collègues se sont appuyés sur l'étude de Maelestes gobiensis, un petit animal vieux de 71 à 75 millions d'années, ressemblant à une musaraigne et exhumé en 1997. Les paléontologuespaléontologues américains ont patiemment comparé 400 caractères morphologiques de ce fossile avec 68 autres espèces de mammifères datant elles aussi du Crétacé (la dernière période de l'ère Mésozoïque ou ère secondaireère secondaire).

    Selon eux, l'apparition des mammifères placentaires serait intervenue dans l'hémisphère nord il y a seulement 65 millions, c'est-à-dire juste au moment de la disparition, entre autres nombreuses espèces, des hégémoniques dinosauresdinosaures qui dominaient la plupart des écosystèmesécosystèmes depuis plus de 150 millions d'années. Voilà confirmée l'idée ancienne que les mammifères sont restés en quelque sorte dans l'ombre des dinosaures et ne se sont diversifiés qu'une fois le paysage libéré de leurs encombrants concurrents.

    Pourtant, la génétiquegénétique raconte une histoire bien différente. Au mois de mars dernier, dans la même revue Nature, Olaf Bininda-Emonds et son équipe de l'université technique de Munich présentait une étude poussée basée sur des indices génétiques et moléculaires. Les paléontologues allemands avaient pu en tirer un imposant arbre phylogénétiquearbre phylogénétique classant 99 % des espèces de mammifères connues. Selon ces données, la diversification des mammifères a démarré bien avant la catastrophe de la fin du Mésozoïque. Les monotrèmesmonotrèmes (comme les actuels ornithorynquesornithorynques) seraient apparus il y a 168 millions d'années et les marsupiaux (comme les mammifères d'Australie, dont le kangouroukangourou) il y a 148 millions d'années. Quant aux placentaires, tous les grands ordres répondaient déjà présents il y à 75 millions d'années après une période de diversification située entre 100 et 80 millions d'années. Du point de vue de la géographie, les indices de la génétique situent l'apparition des placentaires dans l'hémisphère sudhémisphère sud.

    Big bang mammalien

    Les conclusions diffèrent donc largement entre les études sur les fossiles et celles sur la génétique. On remarque au passage que ces mammifères placentaires (qui représentent les neuf dixièmes des espèces actuelles) sont au cœur de la polémique sur la diversification. Mais pourquoi celle-ci est-elle autant sujette à discussion ? Cette imprécision est sans nul doute due à l'évolution des mammifères qui ont connu plusieurs épisodes de diversification.

    Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader (dans le livre Classification phylogénétique du vivant, éditions Belin) soulignent que les placentaires se sont diversifiés très rapidement, ce qui rend difficile l'interprétation des séquences d'ADNADN. Par ailleurs, sur les quelque 5 000 genres et les 425 familles connus actuellement, la plupart ont disparu. Plus précisément, 79 % des genres et 71 % des familles de mammifères n'existent plus qu'à l'état de fossiles. D'elles, on ne connaîtra jamais l'ADN ni la composition de leurs protéinesprotéines.
    L'histoire explosive des mammifères, placentaires en particulier, est donc très difficile à reconstituer. La polémique va à coup sûr se poursuivre et les paléontologues ont encore beaucoup de travail devant eux...