Comment nos amis les chats nous ont-ils adoptés ? Une équipe de paléogénéticiens, qui a étudié le génome de 230 félidés sur une période de 10.000 ans, a retrouvé la trace des chemins empruntés par l'animal.


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    Le chat domestique, alias Felis silvestris catus, descend du chat sauvage du Moyen-Orient (Felis silvestris lybica), et non du chat sauvage européen (Felis silvestris silvestris), comme cela fut un temps supposé ; de récentes études du génomegénome l'ont montré.

    Ses ancêtres viennent donc essentiellement des régions du Croissant fertile, où il vivait et où l'agriculture est née il y a environ 10.000 ans. Cependant, outre cette confirmation, une question restait en suspens pour les scientifiques : comment ces petits fauves ont-ils réussi à conquérir le monde entier ? Ils sont aujourd'hui quelque 13 millions en France, soit presque deux fois plus que les chiens !

    La présence du chat aux côtés de l'Homme s'explique par des raisons « d'intérêts convergents, expliquent dans le journal du CNRS Eva-Maria Geigl et Thierry Grange, deux paléogénéticiens de l'Institut Jacques-Monod. Il a été attiré dans les villages par l'afflux de rongeurs que les stocks de grains d'orge et de bléblé ne manquaient pas de provoquer ». À cela, s'ajoute aussi le fait qu'il chassait des animaux venimeuxvenimeux comme les vipères.

    Eva-Maria Geigl et Thierry Grange viennent de signer dans la revue Nature Ecology and Evolution un article inédit sur le parcours de nos compagnons à travers le temps et le globe. Surprise : les migrations de F. silvestris lybica se sont faites en deux vaguesvagues...

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    En Chine, le chat aurait été domestiqué il y a plus de 5.000 ans

    Le chat sauvage du Moyen-Orient (<em>Felis silvestris lybica</em>), que l’on rencontre encore de nos jours dans le nord de l’Afrique et jusqu’en Anatolie, est l’ancêtre de nos chats domestiques. © EcoView, Fotolia
    Le chat sauvage du Moyen-Orient (Felis silvestris lybica), que l’on rencontre encore de nos jours dans le nord de l’Afrique et jusqu’en Anatolie, est l’ancêtre de nos chats domestiques. © EcoView, Fotolia

    Une vague au Néolithique puis une autre au cours de l'Antiquité classique

    Pour leurs recherches, les auteurs ont analysé 230 spécimens répartis sur près de dix millénaires. « On a des spécimens de chats européens vieux de 9.000 ans, des chats des Balkans remontant à 6.000 ans, des individus d'Anatolie compris entre 6.000 ans avant le présent et la fin de l'Empire ottoman, etc. » Sans oublier, bien sûr, l'Égypte ancienne. Toutefois, seul l'ADNADN (l'ADN mitochondrialADN mitochondrial« un excellent indicateur de suivi des populations ») de six chats momifiés de cette région a pu parler...

    C'est lors de la néolithisation de l'Europe, entre il y a 5.000 et 6.000 ans, qu'est survenue la première vague de domestication, indiquent les chercheurs. « On voit se généraliser à tout le continent la signature génétiquegénétique de la variante anatolienne de Lybica ». De quelle façon ? Les chercheurs supposent que ces animaux ont à la fois suivi les populations qui migraient depuis le Proche-Orient et que nombre de personnes en ont emporté avec eux.

    La deuxième grande diffusiondiffusion s'est produite au cours de l'Antiquité classique. À cette période, « on voit naître un formidable engouement pour le chat égyptien, la variante locale de Lybica », racontent les auteurs. Les félidésfélidés ont en réalité profité d'un effet de mode pour s'emparer de nouveaux territoires... C'est ainsi qu'ils se sont répandus en Grèce puis dans tout l'Empire romain, et même jusqu'aux contrées les plus septentrionales, dans la Baltique. Cette déferlante, qui n'hésitait pas à emprunter les voies maritimes, se serait tarie à l'aubeaube de l'Empire ottoman. L'empreinte génétiqueempreinte génétique du chat égyptien chez nos félins domestiques diminue alors peu à peu au profit du chat anatolien.

    « Le chat domestique reste génétiquement assez proche du chat sauvage », déclarent les deux spécialistes en paléogénétique. C'est pour cette raison qu'il reste difficile de déterminer la date exacte de sa domesticationdomestication« D'ailleurs, ajoutent-ils, est-ce qu'on peut vraiment parler de domestication du chat, encore aujourd'hui ? » En effet, comme ils le soulignent, il n'est pas rare que des individus domestiques se « désapprivoisent » et se mêlent à la population des chats sauvages européens ! C'est ainsi que des traces de Lybica ont été retrouvées chez cette dernière.

    Le saviez-vous ?

    « Le gène qui code pour les taches, ou marbrures, n’existe que chez le chat domestique, le pelage du chat sauvage étant, lui, exclusivement tigré », expliquent Eva-Maria Geigl et Thierry Grange, deux paléogénéticiens de l’Institut Jacques-Monod. C’est entre 500 et 1300 de notre ère que les taches firent leur apparition. Les deux chercheurs indiquent qu’elles étaient de plus en plus fréquentes en Europe et sous l'Empire ottoman après 1300. « C’est très tardif par rapport à d’autres espèces. Mais, si c’est une preuve irréfutable de sélection exercée par l’Homme, cela ne marque en rien le début du compagnonnage du chat et de l’être humain, qui est bien plus ancien. »