Certains dinosaures vivant au Crétacé, de -145,5 à -65,5 millions d'années, auraient été « à sang chaud » plutôt qu' « à sang froid », comme il est généralement admis. Pour le montrer, des chercheurs du laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère1 et du laboratoire de Paléomagnétisme2 ont utilisé un « thermomètre » naturel : la composition isotopique de l'oxygène3 contenu dans les restes de dinosaures appartenant à quatre grands groupes.

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    Dent de dinosaure Spinosaurus avec la trace de l'échantillonnage. Reconstitution de dinosaure sauropode, Phu Wiang, Thaïlande. © R. Amiot, laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère/CNRS Photothèque/Buffeteaut, Eric

    Dent de dinosaure Spinosaurus avec la trace de l'échantillonnage. Reconstitution de dinosaure sauropode, Phu Wiang, Thaïlande. © R. Amiot, laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère/CNRS Photothèque/Buffeteaut, Eric

    Les dinosaures, qui dominaient l'essentiel des écosystèmes terrestres entre -230 et -65 millions d'années (Mésozoïque), sont traditionnellement vus comme des reptiles de taille démesurée et « à sang froid » ou ectothermes, c'est-à-dire dont la chaleurchaleur corporelle provient du milieu extérieur. Ils auraient ainsi largement bénéficié des climats supposés chauds et homogènes qui régnaient alors sur une bonne partie des continents. Mais la question du métabolismemétabolisme de ces « terribles reptiles4 » divise encore les scientifiques. Par exemple, les restes de certains dinosaures ont été découverts près des pôles de l'époque (Australie, Antarctique, Alaska et Sibérie), dans des gisements dépourvus de restes d'animaux « à sang froid » comme les crocodilescrocodiles, les tortues, les lézards et les serpents. D'autres pistes suggèrent également que certains dinosauresdinosaures auraient été, comme les mammifèresmammifères et les oiseaux actuels, « à sang chaud » ou endothermes, c'est-à-dire dont la chaleur corporelle est produite par le métabolisme.

    Un thermomètre naturel pour prendre la température des dinosaures

    Pour déterminer si certains dinosaures étaient « à sang chaud », des chercheurs du laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère et du laboratoire de PaléomagnétismePaléomagnétisme ont utilisé un « thermomètrethermomètre » naturel : la composition isotopique de l'oxygène, mesurée dans des restes de dinosaures. On retrouve l'oxygène ingéré par un animal sous forme d'eau ou d'airair dans des tissus minéralisés comme l'os, la dent ou encore l'écaille. La proportion des différents isotopesisotopes de l'oxygène dépend de la température de l'animal lors de la fabrication de ces tissus. Ainsi un endotherme, qui maintient une température corporelletempérature corporelle constante et généralement plus élevée qu'un ectotherme, aura une composition isotopique de l'oxygène différente, même si les deux animaux vivent au même endroit et buvaient la même eau.


    Cristal d'Ag3PO4 obtenu à partir d'un protocole chimique appliqué à une dent de dinosaure et permettant l'analyse isotopique de l'oxygène (cliché microscope électronique à balayage, grossissement : 400 fois). © C. Lécuyer, laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère

    Les dinosaures avaient « le sang chaud »

    Les chercheurs ont appliqué cette méthode à des restes de dinosaures ayant vécu au Crétacé, de -145,5 à -65,5 millions d'années, et appartenant à quatre grands groupes (théropodesthéropodes, sauropodessauropodes, ornithopodes et cératopsienscératopsiens). Ces restes provenaient de gisements d'Amérique du Nord, d'Europe, d'Afrique et d'Asie. La composition de l'oxygène en isotopes 16O et 18O des dents de dinosaures a été comparée à celle de restes d'animaux ectothermes, comme les crocodiles et les tortuestortues, trouvés dans les mêmes gisements. Les différences constatées sont identiques à celles que l'on peut observer aujourd'hui entre des mammifères et les mêmes ectothermes. Le métabolisme des animaux des quatre groupes étudiés devait donc être similaire à celui des mammifères actuels. Autrement dit, ces dinosaures auraient été « à sang chaud ».

    Des animaux à « sang chaud » victimes du réchauffement climatique ?

    Un refroidissement climatique ne serait pas la cause de la disparition des dinosaures. © Courtesy of Karen Carr

    Un refroidissement climatique ne serait pas la cause de la disparition des dinosaures. © Courtesy of Karen Carr

    Comme les dinosaures étudiés appartiennent à des groupes très divers, et que les restes analysés proviennent de différents continents, les scientifiques suggèrent que l'endothermie était même assez répandue chez les dinosaures au Crétacé. En conséquence, ils estiment que la structuration des communautés animales et les relations trophiques au MésozoïqueMésozoïque devaient être beaucoup plus complexes que ce qui était envisagé jusque-là.

    Enfin, au vu de ces résultats, les chercheurs pensent qu'il est peu probable qu'un refroidissement climatique ait pu être une des causes principales de la disparition des dinosaures il y a 65 millions d'années, comme on l'a souvent proposé. En effet leur endothermie devait les rendre moins sensibles aux fluctuations du climat que les reptiles ectothermes, qui eux ont survécu.

    Notes :

    1. Laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère(CNRS, Université Claude BernardClaude Bernard Lyon 1).
    2. Laboratoire de Paléomagnétisme (CNRS, Institut de PhysiquePhysique du Globe de Paris).
    3. Il existe trois isotopes naturels stables de l'oxygène (16O, 17O, 18O), dont le noyau comporte 8 protonsprotons et 8, 9 ou 10 neutronsneutrons.
    4. Dinosaure : du grec deinos (terrible) et sauros (lézard).

    Références

    Amiot R., Lécuyer C., Buffetaut E., Escarguel G., Fluteau F. and Martineau F. 2006. Oxygen isotopes from biogenic apatites suggest widespread endothermy in Cretaceous dinosaurs. Earth Planet. Sci. Lett., 246 : 41-54.

    Contacts

    • Chercheurs

    - Christophe Lécuyer, laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère, Professeur de l'IUF : [email protected]
    - Eric Buffetaut, laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère : [email protected]
    - Gilles Escarguel, laboratoire Paléoenvironnements et paléobiosphère : [email protected]

    • INSU

    - Guillaume Duveau : [email protected]

    - Muriel Ilous : [email protected]