À moins qu’il ne s’agisse d’une différence entre adulte et jeune, on sait probablement comment identifier un mâle chez une espèce de ptérosaure : il possède une crête. C’est la conclusion tirée de l’étude d’un fossile très complet trouvé en Chine et associé à ce qui semble bel et bien être un œuf.

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    Un grand spécimen de Darwinopterus en train de chasser un dinosaure à plume miniature. © Mark Witton, University of Portsmouth

    Un grand spécimen de Darwinopterus en train de chasser un dinosaure à plume miniature. © Mark Witton, University of Portsmouth

    L'étude des espèces disparues est difficile, notamment quand des espèces proches n'existent plus de nos jours. C'est pourquoi bon nombre d'interrogations sur la biologie et l'éthologie des ptérosaures, ces reptiles volants qui n'étaient pas des dinosaures, restent sans réponses. L'une d'entre elles concernaient la différence entre un ptérosaure femelle et un ptérosaure mâle. On pouvait supposer que la présence d'une crête, parfois de grande taille, chez certains membres d'une espèce, indiquait effectivement qu'il s'agissait d'un mâle et non d'une femelle qui en serait dépourvue.

    Ce genre de dimorphisme sexuel n'est pas rare dans la nature: voir le cerf et ses bois. Toutefois, le mâle n'est pas toujours le plus gros et on ne peut donc pas tirer de conclusions hâtives de l'étude d'un fossilefossile sans prendre le risque de se tromper.

    Il semble pourtant que la découverte en Chine d'un fossile particulièrement bien conservé d'une espèce de ptérosaure vivant il y a 160 millions d'années soit de nature à lever les doutes. Au moins en ce qui concerne Darwinopterus, qui vivait pendant la période du JurassiqueJurassique, il apparaît comme très probable que le signe distinctif pour un mâle était effectivement la présence d'une crête que n'avaient pas les femelles.

    Les restes fossiles de<em> Mrs T</em> avec une représentation d'artiste en bas à gauche d'une femelle dépourvue de crête et d'un mâle. L'œuf est bien visible sur l'image en haut à droite. © De gauche à droite en descendant <em>Science</em>/AAAS, Mark Witton/<em>University of Portsmouth,</em> Junchang Lu

    Les restes fossiles de Mrs T avec une représentation d'artiste en bas à gauche d'une femelle dépourvue de crête et d'un mâle. L'œuf est bien visible sur l'image en haut à droite. © De gauche à droite en descendant Science/AAAS, Mark Witton/University of Portsmouth, Junchang Lu

    Mrs T et son œuf 

    Dénommée Mrs T par les premiers découvreurs chinois en référence à  Mrs Pterodactyl dans un anglais mal maîtrisé, le spécimen découvert a en effet été retrouvé avec un œuf. En effet, la structure en forme d'œuf a été retrouvée juste sous le pelvis et sa largeur correspond précisément à celle de ce dernier, des éléments renforçant l'idée d'une femelle sur le point de pondre. En outre, la largeur des hanches est plus grande pour les spécimens dépourvus de crête dans les quelque 40 fossiles de Darwinopterus (avec crête) retrouvés à ce jour depuis la découverte de l'espèce en 2009.

    Dans l'article publié dans Science par David Unwin et ses collègues chinois, les chercheurs indiquent que la coquillecoquille de l'œuf n'est pas composée de carbonate de calciumcarbonate de calcium. Or, la taphonomie (la discipline de la paléontologiepaléontologie qui étudie tous les processus qui interviennent après la mort d'un organisme jusqu'à sa fossilisationfossilisation ainsi que la formation des gisementsgisements fossiles) appliquée à l'étude des sédimentssédiments dans lesquels se trouve le fossile montre que la conservation d'une coquille calcairecalcaire pouvait se produire. On n'est donc pas en présence d'un œuf ressemblant à celui d'un oiseauoiseau mais bien plutôt au type d'œuf flexible associé aux reptiles.

    Le paléontologuepaléontologue Kevin Padian de l'Université de Berkeley n'est cependant pas convaincu. Pour lui, l'absence de crête chez certains des fossiles de Darwinopterus n'est peut-être pas due à un dimorphisme sexuel mais tout simplement à une différence d'âge. Il rappelle que l'on trouve chez les dinosaures, mais pas seulement eux, une modification de la forme du crânecrâne avec l'âge. En outre, l'œuf trouvé n'en est peut-être pas un selon lui. Les reptiles pondent plusieurs œufs à la fois et dans le cas présent, l'œuf est tellement gros qu'il ne peut qu'indiquer que la ponte chez ce ptérosaure se faisait avec un seul œuf.

    Il faudra probablement attendre d'autres découvertes pour écarter tous les doutes. Pour le moment, seul quatre cas de pontes d'œufs sont connus pour les ptérosaures, qui comptaient au moins 130 espèces.