« La vie trouve toujours un chemin. » La réplique est célèbre. C’est celle du docteur Malcolm, dans Jurassic Park. Mais à en croire les chercheurs du Field Museum, la vie pourrait même avoir trouvé deux chemins. Deux façons différentes de faire grandir les dinosaures.


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    Le T-Rex est peut-être le plus mythique de tous les dinosaures. Mais les chercheurs n'ont pas encore fini d'en apprendre à son sujet. Récemment, ils ont découvert qu'il devait sa grande taille à de brusques poussées de croissance. Seulement à cela ? La question se pose de nouveau aujourd'hui. Car des chercheurs du Field Museum (États-Unis) montrent que la courbe de croissance de ses cousins, les autres dinosaures carnivores à deux pattes - ceux que l'on classe parmi les théropodes -, même les plus grands, était bien plus régulière.

    Rappelons que les théropodes comme le T-Rex sont liés à la fois aux oiseaux modernes et aux reptiles. Aujourd'hui, les premiers atteignent leur taille adulte très rapidement, grâce à des poussées brutales de croissance. Les seconds grandissent de manière plus étalée dans le temps. Et ces différents modes de croissance influent sur la manière dont l'animal s'intègre à son écosystème.

    Grandir rapidement peut représenter un avantage : cela permet de chasser plus facilement et vous rend, en revanche, plus difficiles à chasser. Mais cela demande une énergie et des ressources colossales. Des paléontologues ont échantillonné des os de dinosaures pour comprendre comment ils grandissaient. Ici, les os de Sue, le plus grand et le mieux conservé des squelettes de T-Rex à disposition des chercheurs. © David Evans, <em>Field Museum</em>
    Grandir rapidement peut représenter un avantage : cela permet de chasser plus facilement et vous rend, en revanche, plus difficiles à chasser. Mais cela demande une énergie et des ressources colossales. Des paléontologues ont échantillonné des os de dinosaures pour comprendre comment ils grandissaient. Ici, les os de Sue, le plus grand et le mieux conservé des squelettes de T-Rex à disposition des chercheurs. © David Evans, Field Museum

    Des os comme les cernes d’un arbre

    Pour arriver à leur conclusion, les chercheurs ont échantillonné des os de dinosaures. Un peu comme les cernes des arbresarbres renseignent sur leur histoire, des marques sur les os peuvent apporter des informations sur la croissance des dinosaures. De petits théropodes à Sue, le célèbre T-Rex géant, en passant par la nouvelle espèceespèce de carcharodontosauridé géant découverte en Argentine.

    Les T-Rex et leurs parents cœlurosaures se révèlent être ceux qui connaissaient la croissance la plus rapide. À l'adolescenceadolescence, ils pouvaient grossir de 15 à 20 kilos par semaine. À l'âge adulte, des cousins plus éloignés des T-Rex, les allosauroïdes, rivalisaient de taille avec eux. Mais leur croissance s'était étalée sur une période bien plus longue. Pourquoi une telle différence ? Peut-être parce que les proies des cœlurosaures grandissaient elles-mêmes rapidement poussant les prédateurs à les imiter ou parce qu'au contraire, les proies des allosauroïdes grandissaient longtemps poussant les prédateurs à continuer eux aussi à augmenter leur taille.


    En bref : des dinosaures avaient une croissance continue

    Les os de la plupart des dinosaures adultes s'épaississaient en permanence jusqu'à la mort de leur propriétaire. Cette conclusion est tirée de l'analyse des couches externes d'os fossilisés de différents reptiles, parmi lesquels figuraient six TyrannosaurusTyrannosaurus rex. Elle a été présentée à la rencontre annuelleannuelle de la Société de paléontologiepaléontologie des vertébrésvertébrés

    Article de Quentin Mauguit paru le 05/11/2013

    Des paléontologues ont déjà mis au jour des squelettes forts ressemblants d'un point de vue morphologique, mais dont l’apparence générale différait (l’un était gracile et l’autre massif, par exemple). Ils ont alors été attribués à des espèces différentes, ou à un mâle et à une femelle. Or, selon les résultats de John Horner, ils pourraient appartenir à des individus de la même espèce et du même sexe, mais dont les âges différaient au moment de leur mort. © Steve Richmond, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
    Des paléontologues ont déjà mis au jour des squelettes forts ressemblants d'un point de vue morphologique, mais dont l’apparence générale différait (l’un était gracile et l’autre massif, par exemple). Ils ont alors été attribués à des espèces différentes, ou à un mâle et à une femelle. Or, selon les résultats de John Horner, ils pourraient appartenir à des individus de la même espèce et du même sexe, mais dont les âges différaient au moment de leur mort. © Steve Richmond, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0

    L'étude des os se révèle être une redoutable alliée pour déterminer la maturité d'un individu. Les os longs des vertébrés juvéniles sont par exemple caractérisés, dans leurs couches externes, par la présence de canaux permettant le passage de vaisseaux sanguins, qui sont eux-mêmes bordés par des amas d'ostéocytesostéocytes. Il s'agit de cellules impliquées dans la croissance de l'os. Pour leur part, les adultes arborent plutôt des couches externes compactes dépourvues de canaux et d'ostéocytes, preuve s'il en est que la croissance de l'os s'est arrêtée.

    D'après John Horner, du Museum of the Rockies à Bozeman (Montana, États-Unis), les dinosaures juvéniles ne font pas exception à la règle. Pour le montrer, le chercheur n'a pas hésité à sectionner des os fossilisés conservés dans les collections de son institution, avant de scrupuleusement les passer à la loupe, ou plutôt au microscopemicroscope. Cependant, il ne s'est pas arrêté là, puisque des os d'individus adultes ont également subi le même sort... avant de fournir une surprise : la majorité d'entre eux a présenté des caractéristiques identiques à celles observées chez les jeunes.

    Qu'est-ce que cela signifie ? Les adultes, parmi lesquels figuraient six Tyrannosaurus rex et un AllosaurusAllosaurus de 10 m de long, présentaient des os en cours de développement lorsqu'ils étaient morts. Ce résultat suggère ainsi que les dinosaures avaient une croissance continue, à quelques exceptions près (des cas de croissances arrêtées ont été observés en faible quantité). Cette découverte a été présentée à la rencontre annuelle de la Société de paléontologie des vertébrés (SVP 2013) qui s'est tenue jusqu'au 2 novembre à Los Angeles (États-Unis). John Horner a néanmoins précisé que cette croissance ne se faisait pas en longueur, mais bien en diamètre. Ainsi, le squelette des dinosaures devenait de plus en plus massif avec l'âge.