Voici quelques jours encore, le plus vieil ADN non conservé par le froid et ayant été séquencé avait 120.000 ans. Depuis, un nouveau record a été établi : 300.000 ans. Pour en arriver là, des chercheurs ont amélioré une technique d’extraction du matériel génétique profitant mieux des petits fragments. Elle a ensuite été testée sur les restes d’un ours des cavernes découverts sur le site préhistorique d’Atapuerca, en Espagne.

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    Les choses sont ainsi faites, l'ADN se dégrade progressivement dès la mort d'un organisme, même si le corps est conservé dans des conditions limitant sa décomposition. Ainsi, il arrive nécessairement un moment où le patrimoine génétiquegénétique ne peut plus être séquencé. Cette échéance dépend de nombreux facteurs, comme la température de conservation du cadavre. Dans ce contexte, le froid se révèle être un excellent allié. Pour preuve, des plantes et des invertébrés morts voici 800.000 ans, mais conservés dans le pergélisol arctique, ont déjà fait l'objet de séquençagesséquençages complets.

    Encore récemment, le record du plus vieil ADN séquencé sans avoir été congelé en permanence était détenu par un ours découvert en Norvège, pays où il vivait il y a 120.000 ans. Une autre contrainte limite également l'âge des ADN fossiles qui peuvent être analysés : le protocole dprotocole d'extraction du patrimoine génétique. En effet, les méthodes conventionnelles provoquent souvent la perte des fragments dont la taille est inférieure à 40.000 paires de bases nucléotidiques, ce qui conduit immanquablement à une perte d'information.

    C'est justement à ce problème que se sont attaqués, avec succès, les chercheurs menés par Jesse Dabney, du Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology (Allemagne). En améliorant un protocole d'extraction basé sur l'utilisation de silicates, ils sont parvenus à récupérer des morceaux d'ADNADN de moins de 40 paires de bases. Ainsi, ils ont reculé l'âge du matériel génétiquematériel génétique pouvant être séquencé. Un test s'est montré concluant, puisque l'ADN mitochondrial d'un ours des cavernes mort voici plus de 300.000 ans a été totalement séquencé. L'information, dont les répercussions sont importantes, a été dévoilée dans la revue Pnas.

    Les grottes du site préhistorique de la sierra d’Atapuerca sont inscrites à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000. Elles constituent une réserve exceptionnelle de données sur les premiers Hommes à s’être installés en Europe. © Mario Modesto Mata, Wikimedia commons, DP

    Les grottes du site préhistorique de la sierra d’Atapuerca sont inscrites à la liste du patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2000. Elles constituent une réserve exceptionnelle de données sur les premiers Hommes à s’être installés en Europe. © Mario Modesto Mata, Wikimedia commons, DP

    Après les ours des cavernes, place aux Hommes préhistoriques

    L'ours des cavernes (Ursus deningeri) a été mis au jour dans la « grotte des os » (Sima de los huesos), un lieu situé dans la sierra d'Atapuerca (Espagne) particulièrement bien connu des anthropologues. En effet, une trentaine de squelettes d'Homo heidelbergensisHomo heidelbergensis ayant vécu durant le Pléistocène moyen y ont été trouvés depuis le début des fouilles, en 1978. En cette année 2013, le site préhistorique d'Atapuerca a une nouvelle fois fait parler de lui, suite à la découverte d'un silex taillé datant de 1,4 million d'années.

    Connaissant en détail le génome mitochondrial de l'Ursus deningeri, les chercheurs ont pu étudier ses liens de parenté avec les ours des cavernes qui vivaient en Europe de l'ouest à la fin du Pléistocène. Parmi eux figure notamment l'Ursus spelaeus, un mammifère carnivore qui a disparu voilà 28.000 ans. Vraisemblablement, Ursus deningeri serait un très proche parent de l'ancêtre de ces espècesespèces plus jeunes, voire l'ancêtre direct en question.

    Quoi qu'il en soit, cette étude démontre que l'ADN peut se maintenir durant des centaines de milliers d'années, tout en restant désormais exploitable dans le cadre d'analyses génétiques. Le nouveau protocole devrait bientôt être utilisé pour séquencer le génome d'Homo heidelbergensis, à partir des restes humains mis au jour sur le site préhistorique d'Atapuerca. Quelles surprises va-t-il nous réserver ?