Les tardigrades sont connus pour leurs incroyables capacités à vivre dans des conditions hostiles. Pourtant, des chercheurs nous apprennent aujourd’hui que certains de ces animaux microscopiques sont vulnérables à une exposition à long terme à de hautes températures. Survivront-ils au réchauffement climatique ?


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    Ils sont réputés être presque invulnérables. Ce que les scientifiques appellent extrêmophiles. Pourtant les tardigrades viennent de dévoiler un talon d’Achille. Du moins pour ceux étudiés par des chercheurs de l'université de Copenhague (Danemark), des Ramazzottius varieornatus, des tardigrades d'eau douce. On les pensait jusqu'alors capables de supporter allègrement une large gamme de températures, allant presque du zéro absoluzéro absolu à plus de 150 °C. Mais ce superpouvoir semble devoir être à reconsidérer.

    Les scientifiques ont en effet observé que pour un groupe de tardigrades actif, mais non acclimaté, la température létale médiane - celle pour laquelle on observe la mort de la moitié des individus -s'établit... à seulement 37,1 °C ! Fait du hasard ou adaptation ? La température maximale mesurée actuellement au Danemark, où les spécimens étudiés ont été prélevés, est de 36,4 °C.

    En 2006, une étude avait montré que les tardigrades en dormance pouvaient survivre à des températures allant jusqu’à 151 °C pendant une demi-heure. Les travaux des chercheurs de l’université de Copenhague (Danemark) montrent que le taux de survie des tardigrades diminue fortement plus la température est maintenue longtemps à un niveau élevé. L’été dernier, ceux qu’ils ont étudiés n’auraient probablement pas survécu aux épisodes de canicule que nous avons connus. © Korn V., Adobe Stock
    En 2006, une étude avait montré que les tardigrades en dormance pouvaient survivre à des températures allant jusqu’à 151 °C pendant une demi-heure. Les travaux des chercheurs de l’université de Copenhague (Danemark) montrent que le taux de survie des tardigrades diminue fortement plus la température est maintenue longtemps à un niveau élevé. L’été dernier, ceux qu’ils ont étudiés n’auraient probablement pas survécu aux épisodes de canicule que nous avons connus. © Korn V., Adobe Stock

    Un indispensable temps d’acclimatation

    Les chercheurs signalent toutefois qu'une période d'acclimatation - de quelques heures à 30 °C puis à 35 °C - permet de légèrement augmenter la valeur de la température létale médiane à 37,6 °C. Et que, chez les tardigrades en dormance, ceux qui ont mis leur métabolismemétabolisme en pause pour justement résister à des conditions difficiles, cette température atteint 82,7 °C après une exposition d'une heure. Mais retombe à 63,1 °C après une exposition de 24 heures.

    Conclusion de cette étude : l'endurance des tardigrades aux températures élevées est clairement limitée et liée aux températures habituelles du milieu dans lequel ils évoluent. Une conclusion qui pousse les chercheurs à craindre les effets du réchauffement climatique sur ces animaux microscopiques qui ont pourtant déjà survécu à cinq extinctions de masse.


    Les tardigrades seront les derniers survivants sur Terre

    Alors que des bactériesbactéries vivantes auraient été trouvées à l'extérieur de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale, la question de la résistancerésistance d'organismes à des conditions difficiles se pose de nouveau. Au cours de l'été 2017, des chercheurs ont voulu savoir ce qu'il se passerait dans le cas où de grands cataclysmes d'origine cosmique survenaient sur Terre. Résultat : là où l'Homme ne survivrait pas, les tardigrades, connus pour leur incroyable résistance lorsqu'ils sont soumis à des conditions extrêmes, resteraient invaincus. Ils seraient probablement les derniers habitants sur Terre.

    Article Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 17/07/2017

    Les tardigrades survivront bien plus longtemps que l'essentiel des formes de vie sur Terre. C'est ce que montre une étude réalisée par trois chercheurs de l'université d'Oxford et du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics. Celle-ci vient de paraître dans Scientific Reports. En effet, pour les rayer de notre monde, il faudrait un évènement capable de faire bouillir les océans -- ce qui devrait se produire dans environ un milliard d'années, voire plus, sous le joug de notre soleilsoleil en déclin.

    Autrement, ces petites créatures à huit pattes d'un demi-millimètre de long et surnommées oursons d'eauoursons d'eau n'ont pas de soucis à se faire. Pour les trois auteurs, David Sloan, Rafael Alves Batista et Abraham Loeb, Milnesium tardigradum n'a pas à trembler devant d'éventuels cataclysmes venus du ciel, que ce soit des astéroïdesastéroïdes, l'explosion d'une supernova ou des sursautssursauts gamma. D'après leurs recherches, aucun de ces phénomènes ne représente une menace suffisante pour annihiler cette espèce quasi indestructible et, de fait, stériliser la Terre.

    Le saviez-vous ?

    Les tardigrades (dont le nom signifie « marcheurs lents ») sont les formes de vie les plus résistantes sur Terre. Par exemple, récemment des chercheurs ont pu réveiller deux individus et un œuf après 30 ans passé à -30 °C en état de « vie arrêtée », ou cryptobiose. Ils sont capables d’endurer des températures supérieures à 150 °C, des pressions élevées jusqu’à 300 fois celle de l'atmosphère terrestre, de résister à des doses mortelles de rayons ultraviolets, ou encore de survivre au vide spatial. Cette incroyable petite créature de 0,5 mm de long est capable de vivre jusqu’à 60 ans. Les chercheurs n’ont pas fini de découvrir ses prouesses.

    Ces trois sources astrophysiquesastrophysiques sont les seules considérées comme capables d'éradiquer totalement la vie sur une planète de type terrestre. Or, d'après leurs modèles et les données dont les astronomesastronomes disposent, aucune d'entre elles ne menace directement notre biosphère.

    Astéroïdes, supernovae et sursauts gamma

    Pour le cas des astéroïdes, même si nous en connaissons plusieurs milliers qui sont potentiellement dangereux et croisent régulièrement l'orbiteorbite de notre planète, aucun ne possède une massemasse suffisante pour faire bouillir les océans en cas d'impact. En réalité, seuls douze objets dans notre Système solaireSystème solaire ont été identifiés comme capables d'un tel cataclysme : des astéroïdes comme VestaVesta, le plus gros de tous, dans la ceinture principale, ou des planètes nainesplanètes naines comme PlutonPluton. Les tardigrades, et nous avec, n'ont pas à s'inquiéter : pas un seul de ces corps célestes n'empruntera un jour une trajectoire de collision avec la Terre. (Quoique, si une étoileétoile venait à traverser notre Système solaire, comme par exemple Gliese 710 dans un million d'années, celle-ci pourrait semer la zizanie et précipiter plusieurs astéroïdes et comètescomètes dans le système interne ; toutefois, ce ne serait vraisemblablement pas un corps de l'acabit de Pluton ou CérèsCérès...)

    En ce qui concerne d'éventuelles menaces de supernovae, d'autres évènements astronomiques puissants qui seraient en mesure de stériliser la Terre, que l'on se rassure aussi : il faudrait que l'étoile qui explose soit à moins de 0,14 année-lumièreannée-lumière, autrement dit à l'intérieur de notre Système solaire, à quelque 1.300 milliards de km. Rien de tel ne risque d'arriver. Notre voisine, Proxima du CentaureProxima du Centaure, est à plus de 4 années-lumière, et il n'y a aucun risque que cette petite naine rougenaine rouge termine sa vie prochainement, encore moins aussi violemment. Il n'y a donc pas une supernova à l'horizon qui menace de nous exterminer. Le risque que cela se produise d'ici la mort du soleil, dans 5 milliards d'années, est négligeable.

    Voir aussi

    La Terre frappée par les pluies radioactives d'une supernova

    Enfin, la probabilité que des sursauts gamma nous anéantissent est, elle aussi, très faible. Ces phénomènes très brefs sont plus rares encore que les supernovaesupernovae. Il faudrait qu'il y en ait un qui survienne à environ 40 années-lumière pour détruire toute forme de vie sur Terre jusqu'aux derniers, les tardigrades... Et, là aussi, rien de tel ne se profile à de si petites distances.

    <em>« Bien que les supernovae proches ou les gros impacts d'astéroïdes soient catastrophiques pour les êtres humains, les tardigrades pourraient ne pas être affectés. »</em> © Sebastian Kaulitzki, Fotolia
    « Bien que les supernovae proches ou les gros impacts d'astéroïdes soient catastrophiques pour les êtres humains, les tardigrades pourraient ne pas être affectés. » © Sebastian Kaulitzki, Fotolia

    Difficile d'éliminer toutes les formes de vie d'une planète habitable

    À l'origine de cette étude, les trois chercheurs déploraient que, dans la littérature scientifique, nombre de travaux s'intéressaient exclusivement aux effets de ces cataclysmes cosmiques sur l'espèce humaine, voire sur l'ensemble des espèces terrestres, et si peu sur la résiliencerésilience de la vie elle-même.

    Il y a beaucoup d'espèces plus résistantes [que l'Homme] sur Terre. La vie est susceptible de se poursuivre bien après notre disparition.

    Dans cette perspective, cette nouvelle étude montre, certes, que l'Homme est fragile : « De petits changements dans notre environnement peuvent avoir des conséquences dramatiques pour nous », souligne le coauteur Rafael Alves Batista. Mais qu'en réalité, « il y a beaucoup d'espèces plus résistantes [que l'Homme] sur Terre. La vie est susceptible de se poursuivre bien après notre disparition ».

    C'est une mauvaise nouvelle pour nous mais, dans le fond, c'est une bonne nouvelle pour la recherche de la vie ailleurs. L'anéantir complètement semble donc plus difficile qu'on ne l'imagine ! « Les tardigrades sont presque indestructibles sur Terre. Il est possible qu'il y ait d'autres exemples d'espèces résilientes ailleurs dans l'universunivers, s'enthousiasme le chercheur. Dans ce contexte, il existe un cas réel pour rechercher la vie sur Mars et dans d'autres domaines du Système solaire en général. Si les tardigrades sont les espèces les plus résistantes sur Terre, qui sait ce qu'il y a d'autre ailleurs. »

    « À notre grande surprise, nous avons constaté que, bien que les supernovae proches ou les gros impacts d'astéroïdes soient catastrophiques pour les êtres humains, les tardigrades pourraient ne pas être affectés. Par conséquent, il semble que la vie, une fois qu'elle se déroule, soit difficile à effacer entièrement, conclut David Sloan, coauteur et postdoc au département de physiquephysique de l'université d'Oxford. Un nombre énorme d'espèces, ou même des genres entiers, peuvent disparaître, mais la vie dans son ensemble continue. En fait, il est difficile d'éliminer toutes les formes de vie d'une planète habitable ».

    Les trois chercheurs ont bon espoir que des formes de vie aussi résistantes que ces incroyables oursons d’eau aux super-pouvoirs sommeillent dans le sous-sol de Mars, attendant qu'un jour des conditions soient de nouveau réunies pour qu'ils puissent s'alimenter. « Les organismes ayant des tolérances aux rayonnements et à la température semblables à celles des tardigrades pourraient survivre à long terme sous la surface dans ces conditions, relève le professeur Abraham Loeb, coauteur. En outre, les océans souterrains que l'on suppose exister sur Europe et Encelade [des luneslunes en orbite respectivement autour de JupiterJupiter et de SaturneSaturne, NDLRNDLR] pourraient avoir des conditions similaires à celles des océans profonds sur Terre où l'on trouve des tardigrades, avec des évents volcaniques fournissant de la chaleurchaleur dans un environnement dépourvu de lumière, explique-t-il. La découverte d'extrémophiles dans de tels endroits serait un grand pas en avant sur la gamme des conditions de vie existant sur les planètes autour d'autres étoiles ».