Passera ou passera pas ? Voilà en somme la question que se pose actuellement l’équipage de la goélette Tara, à l’heure où elle navigue en direction du mythique passage du Nord-Ouest, symbolisé par le détroit de Bellot. Son franchissement, s’il a lieu, puisqu’il y a davantage de glace et qu’il fait plus froid que prévu, constituera alors un nouveau moment fort de l’expédition Tara Ocean Polar Circle.

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    En quittant le village inuit de Tuktoyaktuk (Canada), la goélette Tara a repris sa navigation circumpolaire de 25.000 km autour de l'Arctique. © V. Hilaire, Tara Expéditions

    En quittant le village inuit de Tuktoyaktuk (Canada), la goélette Tara a repris sa navigation circumpolaire de 25.000 km autour de l'Arctique. © V. Hilaire, Tara Expéditions

    Dans la nuit du 25 au 26 août dernier, la goélette Tara a franchi le cap Tchéliouskine, c'est-à-dire le point le plus septentrional de l'Asie (Sibérie) qui marque la fin du détroit de Vilkitski, et donc du passage du Nord-Est. Depuis ce moment fort, le navire a poursuivi sa route, toujours sous les ordres du capitaine Loïc Vallette, faisant ensuite escale à Pevek (Russie) puis à Tuktoyaktuk (Canada), où il est arrivé de nuit ce 20 septembre. C'est donc depuis ce petit village inuit de 870 habitants qu'a débuté une nouvelle phase cruciale de l'expédition Tara Ocean Polar Circle : le franchissement du passage du Nord-Ouest.

    La goélette a repris la mer le 21 septembre, non sans d'abord avoir accueilli de nouveaux passagers, tandis que d'autres s'en sont allés. Ce mardi 24 septembre, Tara s'apprêtait à quitter le golfe d'Amundsen au moteur à la vitessevitesse de 8 nœudsnœuds (environ 15 km/h), sous un épais brouillard, filant droit vers le détroit de Bellot qui représente un point stratégique du passage du Nord-Ouest. Si tout se passe bien, l'équipage devrait arriver sur zone ce vendredi dans la soirée, mais... sans être certain de pouvoir la franchir. Il s'agit pourtant de la seule route accessible qui leur permettrait de rejoindre le détroit de Lancaster, puis la mer de Baffin et enfin le Groenland.

    Cet ours polaire a été photographié depuis la goélette <em>Tara</em> deux jours avant son arrivée au village inuit de Tuktoyaktuk (Canada). © F. Aurat, Tara Expéditions

    Cet ours polaire a été photographié depuis la goélette Tara deux jours avant son arrivée au village inuit de Tuktoyaktuk (Canada). © F. Aurat, Tara Expéditions

    Des températures négatives dans le détroit de Bellot

    Pourquoi ces inquiétudes ? Le détroit de Bellot mesure 35 km de long, pour une largeur minimale en certains points de 1 km. Or, cette année n'a pas été marquée par une fonte record des glaces. Les dernières cartes indiquent qu'il y a beaucoup plus de plaques de banquise sur la route que prévu, davantage, notamment, qu'en 2012. Par endroit, ces morceaux de glace de 15 cm d'épaisseur environ recouvriraient même entre 50 % et 90 % de la surface du passage. Un autre facteur n'arrange rien à la situation : les températures sont déjà négatives dans le détroit. Ainsi, de la glace peut s'y former et s'épaissir, sachant que l'eau de mer gèle à -1,8 °C, au risque de fermer la route.

    Nous saurons donc dans les prochains jours si l'expédition poursuit son itinéraire initial, ou si le navire aura fait demi-tour en vue de revenir à Tuktoyaktuk (ou de rejoindre un autre port canadien). Étant donné la course engagée, Tara ne s'arrête plus en mer pour réaliser différents échantillonnageséchantillonnages, mais la mission scientifique n'est pour autant en pause. De nombreux capteurscapteurs placés sur la coque de la goélette réalisent en permanence des mesures physico-chimiques, biologiques, climatiques et océanographiques. En attendant les prochains arrêts, les scientifiques à bord vérifient, réparent et entretiennent leurs instruments.

    Pour rappel, l'expédition Tara Ocean Polar Circle est à la fois scientifique et pédagogique. Elle a pour principal objectif d'inventorier et d'étudier en détail la diversité planctonique arctique et ses interactions avec le milieu, tout en sensibilisant le public et les autorités à diverses problématiques environnementales. Espérons donc qu'elle puisse poursuivre son œuvre, et ainsi passer entre la péninsule Boothia et l'île Somerset sans encombre.