Jusqu’à récemment, on pensait que le changement climatique intensifiait les alizés, et donc favorisait les remontées océaniques d’eau froide de certaines régions côtières. Pourtant, une nouvelle étude montre aujourd’hui que l’inverse serait en train de se produire.

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    Ngor se situe dans l'ouest du Sénégal, au bord de l'Atlantique. Le régime de vent y est tel qu'il existe un upwelling dans cette zone. © C. Costantini, IRD

    Ngor se situe dans l'ouest du Sénégal, au bord de l'Atlantique. Le régime de vent y est tel qu'il existe un upwelling dans cette zone. © C. Costantini, IRD                 

    Évaluer l'impact du changement global sur les écosystèmes dits d'« upwelling » est essentiel pour prévoir l'avenir des ressources marines. En effet, les zones concernées par ces résurgences d'eaux profondes froides et très riches en nutrimentsnutriments fournissent à elles seules jusqu'à 20 % de la production mondiale en poissons marins.

    Depuis les années 1990, la thèse adoptée par une grande partie de la communauté scientifique affirmait que ces phénomènes s'intensifiaient. La différence de réchauffement entre le continent et l'océan accélérerait les alizés, qui à leur tour renforceraient les upwellings, refroidissant ainsi les eaux de surface. Une théorie mise à mal par les récents travaux des chercheurs de l'IRD et de ses partenaires publiés dans la revue Progress in Oceanography. Dans leur nouvelle étude, menée au large de l'Afrique du Nord et de l'Ouest, les scientifiques ont passé en revue les relevés de vents des 40 dernières années et les données des modèles météorologiquesmodèles météorologiques le long du littoral ibérique et ouest-africain.

    Un upwelling caractérise la remontée d'eau froide depuis les profondeurs océaniques vers la surface, induite par le vent. L'eau froide apporte des nutriments et favorise les blooms phytoplanctoniques. © Lichtspiel, IRD

    Un upwelling caractérise la remontée d'eau froide depuis les profondeurs océaniques vers la surface, induite par le vent. L'eau froide apporte des nutriments et favorise les blooms phytoplanctoniques. © Lichtspiel, IRD

    Ces résultats ne montrent pas d'accélération éolienneéolienne à l'échelle régionale susceptible de refroidir significativement les eaux côtières. Bien au contraire, les images satellitaires et les mesures in situ de la température des eaux de surface montrent une tendance nette à la hausse dans l'ensemble de la zone, au rythme de 1 °C par siècle. Ce nouveau jeu de données infirme donc l'hypothèse d'un renforcement de l'upwelling du courant des îles Canaries.

    Les upwellings révisés avec des données paléoclimatiques

    Jusqu'à présent, les travaux sur cet écosystème se fondaient notamment sur des reconstructions paléoclimatiques à partir de carottescarottes de sédimentssédiments marins, prélevées à proximité des côtes du Maroc. D'après l'analyse géochimique de celles-ci, les organismes planctoniques ont évolué dans un environnement de plus en plus froid au cours des dernières décennies. Ce qui conduisait à conclure à une baisse de la température de surface. À la lumièrelumière de leurs nouveaux résultats, les océanographes avancent une autre explication : le signal thermique déduit des données paléoclimatiques résulte d'une migration progressive du plancton plus en profondeur du fait, au contraire, du réchauffement des eaux de surface !

    Le devenir des écosystèmes côtiers face au changement climatique reste une question ouverte, car il est fortement influencé par des spécificités locales. D'autres systèmes d'upwelling, comme celui du courant de Californie, montrent bien une tendance à l'intensification et au refroidissement des eaux au cours des dernières décennies. À l'échelle de l'écosystème lui-même, le réchauffement des eaux de surface peut avoir des effets antagonistes : il peut par exemple favoriser la croissance des larveslarves de poissonspoissons, mais également augmenter le gradientgradient de température entre eaux de surface et eaux plus profondes et modifier la chaîne alimentaire. Autant de questions auxquelles doivent désormais s'atteler les chercheurs.