Les récifs coralliens hébergent parfois plusieurs centaines d'espèces de poissons. Sachant que chacun d'eux abrite une dizaine d’espèces de parasites, leur disparition pourrait donc causer une perte non négligeable de la biodiversité, un phénomène jusque-là sous-estimé. Problème, les milieux coralliens ont besoin de ces êtres peu aimés.

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    Les récifs coralliens sont considérés comme des points chauds de la biodiversité. Souvent négligés, les parasites des poissons peuplant ces milieux jouent néanmoins un rôle majeur dans l'évolution des espèces, le maintien des populations et l'écologie en général. Mais ils restent encore mal connus.

    La Nouvelle-Calédonie abrite le deuxième plus grand récif corallienrécif corallien de la planète. Cependant, son lagon est le plus étendu du monde. Pendant huit ans, des parasites de poissons coralliens y ont été récoltés par une équipe de scientifiques dirigée par Jean-Lou Justine du laboratoire Systématique, Adaptation, Évolution (SAE, UPMC, MNHNMNHN). Des études de systématique (essentiellement morphologiques) ont été réalisées sur les isopodes, les copépodes, les monogènes, les digènes (tous étant des petits vers plathelminthesplathelminthes), les cestodes et les nématodesnématodes récoltés, en partenariat avec le centre IRDIRD de Nouméa.

    Les parasites sont généralement petits et invisibles à l'œil nu. Exception ici, ce gros isopode parasite (<em>Anilocra gigantea</em>) photographié vivant sur le poisson <em>Pristipomoides filamentosus</em>. Il est maintenant dans les collections du Muséum national d'histoire naturelle. © Jean-Lou Justine / Muséum national d'Histoire naturelle

    Les parasites sont généralement petits et invisibles à l'œil nu. Exception ici, ce gros isopode parasite (Anilocra gigantea) photographié vivant sur le poisson Pristipomoides filamentosus. Il est maintenant dans les collections du Muséum national d'histoire naturelle. © Jean-Lou Justine / Muséum national d'Histoire naturelle

    Un travail pionnier dans l’étude des parasites récifaux

    Sur 24 espècesespèces de poissons appartenant aux familles des lutjanidés et némiptéridés, un total de 207 combinaisons possibles entre les hôtes et leurs parasites a pu être recensé. Près de 58 espèces de parasites ont été identifiées, dont 27 nouvelles mentions d'hôtes. Les groupes de poissons représentés par plus de 30 individus capturés, un seuil significatif, ont présenté un nombre de combinaisons hôtes-parasites compris entre 20 et 25, le nombre de profiteurs identifiés par espèce de poisson variant alors de 9 à 13 (moyenne de 10).

    L'ensemble du matériel étudié a été déposé dans plusieurs collections de muséums d'histoire naturelle du monde (Australie, France, République tchèque, Royaume-Uni) afin d'être mis à la disposition de la communauté scientifique. Cela rappelle l'importance de conserver et d'enrichir encore aujourd'hui les collections de ces institutions. La présente étude, une pionnière dans le domaine, pourrait servir de référence lors de la réalisation de travaux similaires en d'autres points du globe.

    Dix fois plus de parasites que de poissons

    Grâce à cette étude publiée dans Aquatic Biosystems, les scientifiques peuvent affirmer que le nombre de parasites de poissons vaut au moins dix fois celui de leurs hôtes, quand ceux-ci ont une taille similaire ou supérieure à celles des individus des quatre familles étudiées (lutjans, némipteridés, mérous et bossus).

    La disparition de l'un des représentants de ces groupes entraînerait donc très vraisemblablement la coextinction des dix espèces de parasites, en moyenne, qui lui sont associées. L'élimination de ces organismes peu sympathiques en apparence pourrait donc causer une perte de biodiversité dix fois supérieure à ce que l'on pourrait attendre. Ce phénomène n'est pas sans conséquence pour l'équilibre des récifs coralliens et sur l'évolution de leurs habitants.

    Les données de cette étude permettent donc aux scientifiques de proposer une généralisation de la biodiversité parasitaire pour quatre familles majeures de poissons des récifs coralliens. Le travail sur ces 4 taxonstaxons a nécessité l'examen de près d'un millier de poissons et de tous leurs parasites, parfois jusqu'à une centaine par hôte.