A l’issue d’une longue expédition dans les îles Aléoutiennes, une équipe de scientifiques a analysé la flore et la faune sous-marines, notamment pour mesurer l’impact des activités humaines. Dans les filets, ou plutôt dans les images recueillies : une nouvelle espèce d’algue et deux nouvelles espèces d’anémones de mer, dont une nageuse et une marcheuse…

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    L'expédition s'est étalée sur deux étés, en 2006 et 2007. A bord du Norseman, un navire de trente mètres, les plongeurs de l'université d'Alaska Fairbanks ont exploré près de deux mille kilomètres de côtes le long des îles Aléoutiennes, au nord du Pacifique, entre l'Alaska et le Kamtchatka. Cette ambitieuse opération avait pour objectif d'effectuer un inventaire de la faune et de la flore de ces eaux mal connues mais aussi de détecter la présence de polluants d'origine humaine dans l'eau et dans les tissus des organismes vivants. Les analyses visaient notamment d'éventuels restes radioactifs provenant des essais nucléaires effectués par les Etats-Unis sur l'île Amchitka entre 1965 et 1971.

    L’algue au V d’or vit dans une mer froide mais se réchauffe près de sources chaudes  © Max Hoberg

    L’algue au V d’or vit dans une mer froide mais se réchauffe près de sources chaudes  © Max Hoberg

    Le dépouillement des résultats ne fait que commencer mais trois nouvelles espèces sont déjà à ajouter au bilan de ce beau travail. Une grande algue de trois mètres de long pourrait bien être rangée dans un nouveau genre voire une nouvelle famille. Observée près d'une remontée d'eau thermale chaude, elle a surpris ses visiteurs par une sorte de nervure dorée en V qui soutient un thalle fin en forme de feuille. Cette disposition lui a valu d'être surnommée Golden V KelpKelp, Algue à V d'or puis, en latin, Aureophycus aleuticus, une appellation provisoire.

    Manger en joggant

    Les plongeurs ont également surpris deux anémones de mer très mobilesmobiles. Ce n'est pas une découverte. Les anémones savent se détacher et certaines sont capables de progresser facilement. Mais les deux bolidesbolides des îles Aléoutiennes ont étonné les observateurs qui ont croisé leur chemin. L'une d'elles est franchement nageuse. En se tortillant, elle parvient à survoler le fond. L'autre serait plutôt marcheuse, progressant à même le sol. Ces deux anémones se déplacent pour se nourrir alors que la plupart de leurs consœurs préfèrent rester accrochées au fond (voire à un mollusque ou à la coquille hébergeant un Bernard-l'hermite).

    Elle n’a pas encore de nom. Mais ça ne l’empêche pas de marcher, une habitude plutôt rare chez l’anémone de mer… © Stephen Jewett

    Elle n’a pas encore de nom. Mais ça ne l’empêche pas de marcher, une habitude plutôt rare chez l’anémone de mer… © Stephen Jewett

    Ces deux espèces n'ont pas encore été nommées. On ne sait pas très bien où les classer pour l'instant. Stephen Jewett, le biologiste marin responsable scientifique de l'expédition, ne se dit pas surpris d'une telle découverte, tant cette partie de l'océan a été peu visitée jusqu'à présent. Selon lui, d'autres nouvelles espèces pourraient d'ailleurs bien se cacher dans les milliers de données récoltées par les équipes de plongeurs, qui n'ont pas ménager leur peine. En tout, ils seront restés 300 heures sous la surface, effectuant 440 plongées.

    Il faudra des années d'analyse pour tirer tout le suc de ce travail, à la fois sur la quantificationquantification des espèces et sur les mesures de polluants éventuels. « A mon avis, c'est le meilleur site de plongée en eaux froides de tout l'hémisphère nordhémisphère nord, conclut Stephen Jewett, avec une visibilité exceptionnelle et une vie sous-marine diversifiée et colorée. » Message transmis à celles et ceux qui cherchent un lieu original pour leurs prochaines vacances...