Le satellite Jason 2 fête ses 10 ans. Discrètement. Pourtant, en surveillant quotidiennement le niveau des océans, les missions altimétriques ont changé notre perception du changement climatique en cours. Les explications d'un spécialiste sur le travail précieux de ce satellite, de ses frères et de ses ancêtres.

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    Parmi les nombreux satellites d'observation de la Terreobservation de la Terre utilisés pour suivre et comprendre le changement climatique, les satellites altimétriques sont à part. Ils mesurent la topographie de la surface des océans et surveillent la montée du niveau des mers causée notamment par la fonte des glaces et la dilatationdilatation de l'eau chauffée ; ils sont, en quelque sorte, la vigie des modifications du climatclimat de la Planète.

    En effet, le niveau moyen des océans est un des « paramètres très suivis car il est le résultat du réchauffement climatiqueréchauffement climatique causé par l'Homme et un indicateur majeur du changement climatique », nous explique Pascal Bonnefond, chercheur à l'Observatoire de Paris (Syrte) et scientifique de projet pour les missions Jason 2 et Jason 3.

    C'est pourquoi, depuis Topex-PoséidonTopex-Poséidon en 1992, puis les satellites Jason, le Cnes et la Nasa (mais aussi les agences opérationnelles NOAA et Eumetsat) garantissent la « continuité de cette mesure, essentielle pour assurer un suivi précis et sur la durée des phénomènes océaniques et de la montée du niveau moyen des mers ». Il faut comprendre qu'une rupture dans la continuité et la disponibilité des données crée, pour les scientifiques, des incertitudes qui nuisent aux résultats et pénalisent fortement les modèles de prédiction du changement climatique.

    Graphique représentant le niveau moyen des océans calculé depuis janvier 1993 à partir des données de Topex-Poséidon, Jason 1 et Jason 2. Si la tendance globale est à l'élévation, il existe des différences régionales marquées variant entre -10 et +10 mm/an. Ces variations fluctuent dans l'espace et le temps. © Cnes, Legos, CLS

    Graphique représentant le niveau moyen des océans calculé depuis janvier 1993 à partir des données de Topex-Poséidon, Jason 1 et Jason 2. Si la tendance globale est à l'élévation, il existe des différences régionales marquées variant entre -10 et +10 mm/an. Ces variations fluctuent dans l'espace et le temps. © Cnes, Legos, CLS

    Des scénarios alarmants

    Depuis 1992, la montée du niveau moyen de l'océan est de 3,2 mm par an, avec une nette accélération depuis 2004 en lien avec la fonte des glaces du Groenland, de l'AntarctiqueAntarctique et de celles des continents. Malgré les avertissements des scientifiques, la « hausse de la température des océans s'accélère aussi depuis 2004 ». Les prévisions effectuées il y a dix ans d'une augmentation linéaire et « sur lesquelles se sont appuyées les décisions prises lors de la COP 21COP 21 ne sont déjà plus en phase avec la réalité du terrain ».

    Les nouvelles prédictions montrent une accélération de la hausse du niveau des océans qui conduirait à une élévation bien supérieure à celle prévue dans le dernier rapport du GiecGiec (environ 50-100 cm à la fin du siècle), avec, à la clé, des « conséquences bien plus catastrophiques qu'envisagées il y a seulement une décennie ». Les effets négatifs de l'élévation du niveau de la mer dans les zones côtières (inondationinondation, érosion des rivages, inondations accrues pendant les ondes de tempêtetempête, salinisation des zones humideszones humides et aquifèresaquifères, etc.) sont « généralement considérés comme une menace majeure », étant donné que les zones côtières sont les régions du monde les plus « densément peuplées et économiquement actives ».

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    Quotidiennement, cette mesure du niveau des océans est utile à tout un tas d'applications maritimes à usage scientifique ou commercial. Elle permet de modéliser la « circulation océanique à grande échelle, les grands courants océaniques et de tracer des cartes topographiques des calottes polairescalottes polaires par exemple ». Pour les professionnels, les usagers de la mer et les populations côtières, cette mesure sert à « anticiper l'intensité des cyclonescyclones et des ouragans tropicaux ainsi qu'à plus généralement prévoir les états de la mer afin d'améliorer notamment la sécurité des transports maritimes ». Elle est aussi très utile pour « l'appréciation et la gestion du changement climatique, dont l'impact s'avère catastrophique dans certaines zones littorales ou systèmes insulaires ».

    Jason 2 : une précision inégalée

    Il y a quelques jours, le satellite Jason 2 a fêté ses dix ans en orbite. Avec plus de 47.000 révolutions autour de notre Planète et des mesures d'une précision toujours inégalée sur plus de 300 millions d'impulsions radar, ce satellite a permis à de nombreux « chercheurs du monde entier d'étudier et de comprendre les phénomènes océaniques qui jouent un rôle fondamental dans l'évolution du climat de notre Planète ». Il a prouvé et quantifié une élévation du niveau des océans de 3 mm/an, « dont les deux tiers sont liés à la fonte des glaces et le tiers restant est la conséquence de la hausse de la température de l'eau ».

    Hauteur moyenne de l'océan par rapport à l'ellipsoïde de référence T/P. Cette surface est fournie sur une grille régulière (1/60° x 1/60°). La surface moyenne océanique est la forme moyenne prise par la surface des océans durant la période de mesure. © Cnes, CLS

    Hauteur moyenne de l'océan par rapport à l'ellipsoïde de référence T/P. Cette surface est fournie sur une grille régulière (1/60° x 1/60°). La surface moyenne océanique est la forme moyenne prise par la surface des océans durant la période de mesure. © Cnes, CLS

    Afin de garantir la continuité de la mesure de la hauteur des océans, le satellite Jason 3, lancé en janvier 2016, a pris la relève de Jason 2. Après avoir terminé l'étalonnage des instruments de Jason 3, de façon à « s'assurer qu'il n'y aura pas de biais dans ses observations futures par rapport à celles de ses prédécesseurs », Jason 2 a changé d'objectif scientifique et devient une « mission géodésique de cartographie de la surface des océans ».

    Il a pour objectif de cartographier le fond des océans à un niveau de détail jusqu'ici non atteint. Comme la surface des océans reflète les fonds marins de sorte que « toute variation de la gravitégravité influe sur la surface des océans », la mesure de la topographie de surface des océans et une parfaite connaissance du géoïdegéoïde terrestre doit permettre à Jason 2 de discerner la « topographie des planchersplanchers océaniques ainsi que leurs structures géologiques comme les canyons, les failles ou les volcans sous-marinsvolcans sous-marins, par exemple ». En juillet 2018, un premier cycle de mesures de l'ensemble du globe terrestre selon un maillage espacé de seulement 8 kilomètres sera terminé et Jason 2 entamera alors un deuxième cycle, qui devrait augmenter cette résolutionrésolution à 4 kilomètres.


    Jason 2 débute sa mission de cartographie océanique

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 02/08/2008

    Digne successeur d'une lignée de satellites d'observation des océans, Jason-2 vient de réaliser ses premières cartes complètes de topographie du niveau de la mer, de la hauteur et de la distribution des vaguesvagues et de la vitessevitesse des ventsvents.

    Lancé le 20 juin dernier par une fuséefusée DeltaDelta II depuis la base de l'US AirAir Force à Vandenberg (Californie), Jason 2 a atteint son orbite définitive à 1.336 kilomètres au-dessus du niveau de la mer et inclinée à 60°. Cela l'amène à suivre très exactement son prédécesseur Jason 1Jason 1 à 57 secondes d'intervalle, et lui permet d'effectuer les mêmes observations.

    Cette phase d'étalonnage et de validation, nommée CalVal, qui devrait durer environ quatre mois, est extrêmement importante car elle permet d'étalonner les instruments du nouveau satellite de façon à assurer une parfaite continuité des mesures avec le précédent, permettant ainsi de mieux cerner les variations, même minimes, se produisant dans l'évolution du climat et de la situation océanique. Les données reçues depuis les deux satellites montrent, pour le moment, une très forte corrélation indiquant le parfait fonctionnement de Jason 2.

    Jason 2. © Cnes

    Jason 2. © Cnes

    Ce cycle de topographie en tandem a démarré le 4 juillet, et les relevés ont été immédiatement répercutés aux chercheurs du Groupe scientifique de topographie de la surface des océans (OSTST) qui contribue aussi activement à l'opération CalVal.

    En assurant la continuité non seulement de Jason 1, mais aussi avec d'autres satellites comme Topex-Poséidon, lancé en 1992, Jason 2 apportera une précieuse contribution à la météorologiemétéorologie et à l'océanographie, ainsi que dans le domaine des prévisions saisonnières ou à long terme. L'étude de la modification du climat rentre aussi dans ses compétences et y occupe même une place de choix, sachant que Jason 2 est le premier satellite du futur système d'observation mondial OSTM (Ocean Surface Topography Mission).

    Lors des précédentes missions, il avait été clairement démontré que le niveau médian de la surface des océans avait monté d'environ 3 millimètres par an depuis 1993, soit le double de ce qui avait été constaté durant le 20e siècle. Le réchauffement climatique, qui réduit la densité de l'eau de mer, ainsi que la fonte des glaces qui en résulte, en sont les principaux responsables.

    Le traitement des données

    Sept fois par jour, Jason 2 passe au-dessus de la station réceptrice d'Usingen (Allemagne), où sont sélectionnées les données qui seront utilisées pour les opérations d'étalonnage et de validation. Depuis le 28 juillet, les données brutes sont aussi acquises par les stations de Wallops et de Fairbanks et transmises à la NOAA (National Oceanic and Atmospheric AdministrationNational Oceanic and Atmospheric Administration). Le traitement des informations est effectué par le Cnes, la NOAA et Eumetsat en fonction de leur nature, ce dernier assurant leur diffusiondiffusion en temps quasi-réel aux clients européens.

    Jason 2 est aussi la concrétisation d'un effort international entre le Cnes, qui a fourni le satellite, et la Nasa qui en a assuré le lancement, les deux agences en ayant fourni conjointement la charge utile.