Quels sont les effets de l’activité humaine sur les poissons coralliens ? En étudiant cette question, des chercheurs français dévoilent la triste réalité : au-delà de la disparition de certaines espèces, l’Homme réduit considérablement la diversité des fonctions assurées par les communautés de poissons.

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    L’activité humaine réduit peu à peu la biodiversité des poissons ainsi que l’intensité des activités au sein des écosystèmes coralliens. © Jean-Michel Boré, IRD

    L’activité humaine réduit peu à peu la biodiversité des poissons ainsi que l’intensité des activités au sein des écosystèmes coralliens. © Jean-Michel Boré, IRD

    Véritables réservoirs de biodiversité, les récifs coralliens et les écosystèmes associés sont fortement menacés par les perturbations d'origine naturelle ou anthropique. Le dernier bilan du World Resources Institute est alarmant : à l'échelle planétaire, 75 % des récifs coralliens seraient en danger, un taux qui devrait atteindre 100 % à l'horizon 2050. Ces chiffres inquiètent d'autant plus que ces récifs subviennent directement aux besoins alimentaires et économiques de nombreux pays en développement. En effet, la biodiversité exceptionnelle des poissons sur les récifs coralliens détermine en partie la biomasse directement consommable par l'Homme.

    Si la diversité phylogénétiquephylogénétique des communautés est reconnue pour sa valeur patrimoniale incontournable, car elle illustre une partie de l'arbre de vie, la diversité fonctionnelle des écosystèmes a longtemps été négligée dans les études d'impact. Or, la richesse d'un écosystème se mesure aussi bien en termes de diversité taxonomique, c'est-à-dire du nombre d'espècesespèces différentes présentes, que de diversité de fonctions. Cependant, jusqu'à aujourd'hui, aucune étude ne s'était intéressée à l'impact des activités anthropiques sur l'érosion des diversités taxonomiques, fonctionnelles et phylogénétiques des communautés de poissons coralliens. Des chercheurs de l'IRDIRD et du CNRS se sont attelés à cette tâche. Leurs résultats, publiés dans la revue Current Biology, ne sont pas rassurants.

    Le lagon calédonien s'étend sur environ 24.000 km<sup>2</sup>. Sa barrière de corail mesure près de 1.600 km de long. Elle abriterait approximativement 300 espèces de coraux et 1.200 espèces de poissons, une biodiversité en déclin. © <em>Nasa Goddard Photo and Video</em>, cc by 2.0

    Le lagon calédonien s'étend sur environ 24.000 km2. Sa barrière de corail mesure près de 1.600 km de long. Elle abriterait approximativement 300 espèces de coraux et 1.200 espèces de poissons, une biodiversité en déclin. © Nasa Goddard Photo and Video, cc by 2.0

    Moins de poissons coralliens et de fonctions accomplies

    Grâce à un échantillonnageéchantillonnage de 1.553 communautés de poissonspoissons réalisé en comptages sous-marinssous-marins dans 17 pays de l'océan Pacifique sud, les chercheurs ont évalué les niveaux de diversité taxonomique, fonctionnelle et phylogénétique d'un groupe d'espèces exploitées le long d'un gradientgradient de densité humaine allant de 1,3 à 1.705 habitants au kilomètre carré de récif. Ces données socioécologiques ont été collectées dans le cadre des projets ProcFish et CoFish.

    Les résultats montrent la chute très importante des niveaux de diversité fonctionnelle et phylogénétique, notamment au-delà de 20 habitants au kilomètre carré de récif, alors que la richesse en espèces reste très peu affectée le long de ce gradient. Ainsi, lorsque la densité de population humaine atteint 1.700 habitants au kilomètre carré de récif, l'impact sur les niveaux de diversité fonctionnelle et phylogénétique, respectivement de 46 % et de 36 %, est plus important que sur la richesse en espèces, qui est de 12 %.

    Ces travaux soulignent que le nombre d'espèces est un indicateur peu sensible à la pressionpression anthropique, alors que deux autres composantes de la biodiversité se trouvent bien plus affectées par la densité humaine. Ces composantes constituent l'arbre de vie, c'est-à-dire la diversité en traits biologiques et en lignées phylogénétiques, essentielles au fonctionnement des systèmes coralliens. Les chercheurs attirent ainsi l'attention sur l'importance de conserver l'ensemble des composantes de la biodiversité. Ils préconisent également d'utiliser la diversité en traits et en lignées comme indicateurs fiables et sensibles de la dégradation des communautés d'espèces.