Une série de mesures indiquent que l’Atlantique nord remplit deux fois moins bien qu’il y a dix ans son rôle de puits à dioxyde de carbone. De quoi, peut-être, revoir à la baisse l’efficacité de l’océan mondial à modérer le renforcement de l’effet de serre dû aux activités humaines.

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    Le Santa Maria, un transporteur de bananes devenu assistant océanographe. © The Geest Line

    Le Santa Maria, un transporteur de bananes devenu assistant océanographe. © The Geest Line

    On compte beaucoup sur l'océan pour absorber une partie du dioxyde de carbone (le CO2, ou gazgaz carbonique) que les hommes émettent en abondance. En effet, ce puits à carbone planétaire (comme l'est aussi l'ensemble de la végétation terrestre) réduit obligeamment l'effet de serre en incorporant ce gaz par dissolution dans l'eau de mer puis par recyclage par le plancton végétal. Mais comment a évolué cette capacité de pompage face à l'augmentation du taux de dioxyde de carbone dans l'atmosphère ? L'océan en absorbe-t-il gentiment davantage ou n'a-t-il rien changé à ses habitudes ?

    Une étude britannique, d'une ampleur exceptionnelle, menée à dix ans d'intervalle dans l'Atlantique nord, indique une réponse désagréable : cette absorptionabsorption s'est fortement réduite. Entre les deux périodes de mesures, dans le milieu des années 1990 puis entre 2002 et 2005, elle aurait diminué de moitié !

    Les résultats sont en passe d'être publiés dans l'édition de novembre du Journal of Geophysical Research mais l'université de l'East Anglia, où travaillent les auteurs (Ute Schuster et Andrew Watson), en publie déjà une synthèse. En France, à l'heure où se clôt le débat sur les moyens à envisager pour protéger l'environnement, la diffusiondiffusion de la nouvelle n'est sans doute pas inutile...

    Ute Schuster, entourée de Pete Brown et Gareth Lee, en plein travail de mesure du de la quantité de carbone dissous dans l’Atlantique nord, à bord du navire océanographique Charles Darwin (aujourd’hui retiré du service) © UEA

    Ute Schuster, entourée de Pete Brown et Gareth Lee, en plein travail de mesure du de la quantité de carbone dissous dans l’Atlantique nord, à bord du navire océanographique Charles Darwin (aujourd’hui retiré du service) © UEA

    L'océan n'est peut-être pas un puits sans fond

    Pour estimer la réalité de l'absorption, les océanographes britanniques ont mesuré la quantité de dioxyde de carbone dissous dans les couches superficielles de l'océan. Afin d'assurer un nombre de mesures suffisamment grand, des instruments ont été installés sur des navires marchands sillonnant l'Atlantique nord. Le document de l'université indique que le plus productif d'entre eux, le Santa Mariaria, un cargo transportant des bananesbananes, a effectué à lui seul 90.000 mesures, soit un travail dont on pourrait être fier pour un véritable navire océanographique...

    « Des changements d'une telle ampleur constituent une surprise énorme, avoue Ute Schuster. Nous pensions que ces modifications ne pourraient survenir que lentement à cause du volumevolume de l'océan ». Quelle est la cause de cette réduction de la dissolution du dioxyde de carbone dans l'eau de mer alors que sa teneur dans l'atmosphère augmente ?

    Les scientifiques se gardent bien de conclure et n'excluent pas l'existence de variations naturelles, dont nous ne connaissons rien. « De telles mesures n'ont jamais été faites auparavant, rapporte la chercheuse britannique. Nous n'avons donc aucune base de comparaison. » Autrement dit, l'absorption océanique du dioxyde de carbone peut très bien repartir à la hausse dans les années à venir. Mais en tout cas, conclut Ute Schuster, « la vitessevitesse et l'ampleur de ces changements montrent que l'on peut pas tenir pour garanti que l'océan soit un puits sans fond pour le carbone ».