Ce qui se passe en Antarctique… ne reste pas en Antarctique ! Parce qu'un peu comme notre cœur fait circuler le sang et tout ce qu’il transporte dans notre corps entier, les courants océaniques autour de l’Antarctique distribuent les eaux, la chaleur, le carbone, l’oxygène et les nutriments à travers le monde. Mais sous l’effet du changement climatique, ces courants ralentissent.


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    Le Salto Angel (Vénézuéla), les chutes de la Tugela (Afrique du Sud), les chutes du Niagara (États-Unis et Canada), les chutes d'Iguaçu (Argentine et Brésil) ou encore les chutes Victoria (Zambie et Zimbabwe). Un peu partout dans le monde, il y a de l'eau qui tombe. Et même jusqu'en Antarctique. C'est un peu plus confidentiel, forcément. L'endroit est pour le moins hostile. Pourtant, le pôle Sud abrite bel et bien la plus grande chute d'eau au monde !

    Des milliers de milliards de tonnes d'une eau froide, dense et riche en oxygène pour celle qui est définitivement la plus grande chute d’eau au monde. Le tout s'écoulant du plateau continental jusque dans les profondeurs de l'océan, pour constituer ce que les scientifiques appellent l'eau de fond de l'Antarctique - AABW pour Antarctic Bottom Water. Cette eau nouvellement formée, c'est jusqu'à 40 % du volumevolume total de l'océan mondial.

    Elle est transportée par des courants océaniques vers le nord. En remontant lentement jusqu'à la surface. Des milliers de kilomètres plus loin. Et c'est ainsi, nous disent les scientifiques, que l'Antarctique entraîne un réseau mondial de courants océaniques qu'ils appellent la « circulation de retournement ». Celle-ci distribue la chaleurchaleur, le carbonecarbone et les nutrimentsnutriments dans le monde entier. Elle permet aussi à l'oxygène d'atteindre le fond de l'océan, tout en maintenant la stabilité climatique de l'ensemble de la planète.

    La glace fond, le courant s’effondre

    L'ennui - des chercheurs avaient déjà alerté à ce sujet -, c'est que le réchauffement climatique pourrait bien ralentir, voire interrompre, cette circulation de retournement si importante pour l'équilibre de notre Planète. Pourrait bien ? « Ralentit déjà », corrigent aujourd'hui des chercheurs de la Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation (CSIRO, Australie). Selon leurs observations, sur les trois dernières décennies, la circulation de retournement a ralenti de pas moins de 30 %. Résultat, les niveaux d'oxygène dans les profondeurs des océans sont en baisse. Le tout, bien plus tôt dans l'histoire du réchauffement que le prévoyaient les modèles climatiques.

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    Un méga-courant marin au bord de l’effondrement

    Cette conclusion, les chercheurs la fondent sur différents types d'observations : les données de profondeur qui renvoient la densité de l'océan, mais seulement une fois par décennie, les enregistrements d'instruments ancrés qui mesurent la densité et la vitessevitesse en continu, mais seulement sur un temps et une zone limités et une simulation numériquesimulation numérique haute résolutionrésolution qui calcule la force du flux d'eau du fond de l'Antarctique et la quantité d'oxygène qu'il transporte vers l'océan profond.

    En se concentrant sur une région particulière de l'Antarctique - au sud de l'Australie -, une région considérée comme susceptible de fournir une alerte précoce, les chercheurs ont également confirmé l'origine du ralentissement de la circulation de retournement : la fontefonte des glaces. Car l'eau de fonte a tendance à rafraîchir les eaux de surface. À en réduire la salinitésalinité et donc, la densité aussi. Elles coulent moins facilement. Ce qui ralentit la circulation. L'inquiétant, c'est que les niveaux de ces changements que les modèles annonçaient pour 2050 sont déjà presque atteints !

    À quoi faut-il s’attendre ?

    C'est inquiétant pour plusieurs raisons. Parce que le phénomène a tendance à réduire la quantité d'oxygène présente dans les eaux. Or les scientifiques savent qu'en la matièrematière, les animaux marins sont sensibles à de tout petits changements qui peuvent les pousser à se réfugier dans d'autres régions, notamment.

    Le phénomène pose aussi problème aux animaux de surface. Car une circulation ralentie a tendance à garder les nutriments dans les profondeurs.

    Une circulation de retournement qui faiblit, c'est aussi un niveau de la mer qui monte. Parce que l'eau normalement fraîche du fond de l'océan est remplacée par une eau plus chaude. Or l'eau chaude occupe plus d'espace que l'eau froide. Sous l'effet de la dilatationdilatation thermique.

    Le pire, c'est peut-être encore que le ralentissement de la circulation de retournement peut également avoir un effet plus général de renforcement du changement climatique. Parce qu'en principe, les courants océaniques piègent le dioxyde de carbone (CO2) et la chaleur dans les profondeurs de l'océan. S'ils le font moins, cette chaleur et ce CO2 se retrouveront dans l'atmosphère. Et ils réchaufferont d'autant plus notre Planète.


    La fonte de l’Antarctique est en train de ralentir la circulation océanique « pour des siècles »

    La fonte rapide des glaces de l'Antarctique menace de ralentir considérablement les courants d'eau profonde dans les océans, limitant la diffusiondiffusion de l'eau douceeau douce, de l'oxygène et des nutriments pour des siècles.

    Article de Futura avec l'AFP paru le 04/04/2023

    Fonte de la banquise en Antarctique. Image générée par une IA. © imfrom, Adobe Stock
    Fonte de la banquise en Antarctique. Image générée par une IA. © imfrom, Adobe Stock

    Selon une nouvelle modélisationmodélisation, l'accélération de la fonte des glaces de l'Antarctique est susceptible d'entraîner un « ralentissement substantiel » de la circulation de l'eau dans les profondeurs de l'océan si les émissionsémissions mondiales de CO2 restent élevées, ont indiqué des chercheurs dans leur étude publiée en une dans Nature, le 29 mars 2023.

    La « circulation de retournement » des eaux dans les profondeurs des océans ralentirait de 40 % d'ici 2050 dans un scénario de fortes émissions, selon l'étude, qui met en garde contre des impacts qui dureraient « pendant des siècles ».

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    Le Gulf Stream montre des signes d’effondrement

    Si le modèle se vérifie, le courant océanique profond sera « sur une trajectoire qui semble aller vers l'effondrementeffondrement », a déclaré Matthew England, professeur de climatologieclimatologie à l'université de Nouvelle-GallesGalles du Sud (UNSW), qui a coordonné l'étude.

    Des conséquences sur le climat mondial et sur la faune

    Selon leurs recherches, des milliards de tonnes d'eau froide, très salée et riche en oxygène coulent chaque année autour de l'Antarctique, envoyant un courant d'eau profonde vers le nord, dans les océans Indien, Pacifique et Atlantique. Toutefois, les volumes plus importants de glace fondante rendent les eaux antarctiques moins denses et moins salées, ce qui ralentit la circulation des eaux profondes et a des conséquences sur le climatclimat, le niveau de la mer et les écosystèmesécosystèmes marins. « Si les océans avaient des poumonspoumons, ce serait l'un d'entre eux », illustre M. England. Et si la circulation stagne en dessous de 4.000 mètres, « les nutriments seront piégés dans les eaux profondes, ce qui réduira leur quantité disponible pour la vie marine près de la surface de l'océan », a-t-il ajouté.

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    Comment discuter du réchauffement climatique avec des personnes réticentes ?

    John Church, professeur émérite de l'UNSW, qui n'a pas participé à l'étude, a déclaré qu'il existait de nombreuses incertitudes quant à l'impact d'une diminution de la circulation océanique profonde. « Mais il semble presque certain que le maintien d'un niveau élevé d'émissions de gaz à effet de serre aura des effets encore plus profonds sur l'océan et le système climatique, a-t-il expliqué. Il est urgent que le monde réduise radicalement ses émissions pour sortir de la voie des fortes émissions que nous suivons actuellement ».


    Antarctique : un courant océanique ralentit à chaque seconde

    Article de Quantin Mauguit publié le 25 mars 2012

    Les courants océaniques profonds sont mis en mouvementmouvement par l'arrivée d'eau froide et dense à de grandes profondeurs, notamment aux pôles. Or, 8,2 millions de mètres cubes d'eau de fond de l'Antarctique disparaîtraient à chaque seconde depuis au moins trente ans. Reste à savoir si ce phénomène est cyclique ou pas...

    Les courants marins influencent notre climat et jouent un rôle crucial dans le cycle du carbonecycle du carbone. Certains sont dits « de surface », ils naissent sous l'action des ventsvents. D'autres s'écoulent à de grandes profondeurs, sous la majorité de nos mers et océans, grâce à la circulation thermohalinecirculation thermohaline. Les principaux moteurs de ces courants sont des variations de température et de salinité, deux paramètres qui influencent directement la densité de l'eau.

    En Europe, les termes « courant marin » et  « climat » font souvent penser au Gulf Stream. Bien que sa vitesse n'ait pas beaucoup varié ces dernières années, de nombreuses hypothèses prévoient son arrêt si la température moyenne de la TerreTerre continue d'augmenter. Nous sommes même tellement focalisés sur ce sujet que nous en avons oublié un point important : les courants de l’Atlantique nord ne sont pas les seuls à conditionner notre climat !

    D'autres courants moins célèbres sous nos latitudeslatitudes font également l'objet d'études scientifiques depuis de nombreuses années. En Antarctique, les eaux de fond, dont la formation en surface participe activement à la mise en mouvement des courants marins profonds, sont suivies depuis 1980. Sarah Purkey, de l'université de Washington, et Gregory Johnson, de la NOAA, viennent de publier des résultats étonnants dans la revue Journal of Climate. L'épaisseur de la couche d'eau froide circulant sur le plancherplancher océanique chute de manière importante à chaque seconde.

    La circulation thermohaline dans le monde. Les traits bleus et rouges représentent respectivement les courants profonds d'eaux froides (<em>deep current</em>) et les courants chauds de surface (<em>surface current</em>). Les deux zones où l'eau froide plonge sont également indiquées (<em>deep water formation</em>). Elles se situent dans la mer de Wedell et dans l'océan Antarctique. © AVSA, <em>Wikimedia commons</em>, CC by-sa 3.0
    La circulation thermohaline dans le monde. Les traits bleus et rouges représentent respectivement les courants profonds d'eaux froides (deep current) et les courants chauds de surface (surface current). Les deux zones où l'eau froide plonge sont également indiquées (deep water formation). Elles se situent dans la mer de Wedell et dans l'océan Antarctique. © AVSA, Wikimedia commons, CC by-sa 3.0

     

    Antarctique : les eaux froides coulent de moins en moins

    Ces eaux de fond naissent principalement dans la mer de Weddell. Des masses d'airmasses d'air froides abaissent progressivement la température des eaux de surface qui se transforment alors en glace, libérant de grandes quantités de sel et provoquant une augmentation de la densité des eaux environnantes. Celles-ci se mettent alors à couler, à s'accumuler sur le fond puis à se diriger vers le nord. 

    Les scientifiques ont pu quantifier le volume d'eau froide perdu à chaque seconde par le courant marin le plus profond du monde. Le chiffre est impressionnant : 8,2 millions de m3. Par comparaison, cette valeur représente 500 fois le débitdébit du Mississippi ou un quart du flux du Gulf Stream au niveau de la Floride. Par conséquent, l'épaisseur de la couche d'eau froide recouvrant le fond des mers diminue de plus en plus. 

    Les mesures ont été prises à un intervalle de dix ans, durant quatre campagnes océanographiques menées dans le cadre d'un programme de surveillance  international (Go-Ship). Les mêmes résultats ont été obtenus à chaque reprise. Les deux scientifiques ne tirent cependant pas la sonnettesonnette d'alarme. Selon eux, les études doivent se poursuivre dans le temps pour confirmer la tendance. Ils n'excluent pas la possibilité que ces variations soient cycliques.

    D'autres études ont déjà montré que les eaux profondes se réchauffaient progressivement et étaient de moins en moins salées. Ces nouveaux résultats traduisent ces deux découvertes d'une autre manière : les eaux de fond disparaissent. Quoi qu'il en soit, ce phénomène aurait déjà contribué à hauteur de 10 % à l'augmentation de la température des océans.