Curieux phénomène, connu depuis peu et mal expliqué, les éclairs ascendants partent du sommet des nuages d'orage en direction de l'ionosphère. Par hasard, une équipe américaine a pu en photographier un et en mesurer la charge électrique.

au sommaire


    Capturées du sol, à plus de 250 kilomètres de distance, ces trois images montrent un jet, sorte d'éclair ascendant, grimpant depuis le sommet d'un cumulonimbus jusque vers l'ionosphère. © Steven Cummer

    Capturées du sol, à plus de 250 kilomètres de distance, ces trois images montrent un jet, sorte d'éclair ascendant, grimpant depuis le sommet d'un cumulonimbus jusque vers l'ionosphère. © Steven Cummer

    D'ordinaire, lors d'un orage, les éclairs zèbrent le ciel entre la base des gros nuages d'orage, les cumulonimbus, et le sol. C'est ainsi que les hommes les ont vus jusqu'au vingtième siècle. Mais il en est parfois d'autres, beaucoup plus élevés, qui naissent au sommet de ces grands nuages et filent vers le haut, jusqu'à atteindre l'ionosphèreionosphère.

    Ces gigantesques jets, comme on les appellent souvent, sont très rarement observés, parfois depuis le sol, plus souvent depuis l'orbiteorbite terrestre, et n'ont été photographiés que cinq fois depuis 2001. Ils ne semblent pas systématiquement associés aux éclairs et le peu de choses que l'on sait d'eux est qu'ils grimpent très haut, jusque vers 90 kilomètres d'altitude, avec une vitessevitesse bien supérieure à celle des éclairs descendants qui nous sont familiers, car ils voyagent dans une atmosphère plus ténue. Cet échange de charges réalise ainsi un couplage électrique entre la troposphèretroposphère et l'ionosphère, une interaction que l'on connaît très mal.

    On connaît d'autres phénomènes de ce genre, notamment les jets bleus, qui eux aussi s'élèvent depuis le sommet des nuages orageux mais montent bien moins haut. En juillet 2008, au moment de la tempête tropicaletempête tropicale Cristobal, une équipe de la Duke University, dirigée par Steven Cummer, avait préparé une installation sophistiquée pour observer une classe particulière de ces phénomènes lumineux éphémères, les sylphes rouges, également appelés farfadets, ou encore sprites en anglais. A 250 kilomètres de la côte, une caméra ultrarapide scrutait la haute atmosphère, au-dessus des nuages de la tempête, tandis qu'un appareil mesurait le champ magnétiquechamp magnétique ambiant.

    Du sommet d'un nuage d'orage (visible en bas de l'image), un éclair s'élance vers l'espace, aux confins de la mésosphère. © Steven Cummer

    Du sommet d'un nuage d'orage (visible en bas de l'image), un éclair s'élance vers l'espace, aux confins de la mésosphère. © Steven Cummer

    Un bon coup de chance

    Un signal à basse fréquence a bien été détecté dans le champ magnétique. La caméra, elle, n'a pas vu de sylphes rouges mais, malgré la pleine Lunepleine Lune et une mauvaise visibilité, elle a en revanche détecté un de ces gigantesques jets. Les images et les détails des mesures viennent d'être publiés dans la revue Nature Geoscience. Les photographiesphotographies montrent des éclairs lumineux hauts de 40 kilomètres qui, depuis le sommet des nuages, atteignent l'ionosphère, à la limite de l'espace officiel. Les chercheurs ont pu estimer la charge électrique transportée par ce jet, environ 144 coulombscoulombs, comparable à celle des éclairs traditionnels.

    Mais ces jets ascendants sont bien plus longs à se former. Comme la vitesse plus rapide, la raison en est la faible pression atmosphériquepression atmosphérique. Alors qu'un éclair classique se forme en environ une microseconde, il faut un temps 30.000 fois plus long pour créer un jet montant jusqu'à l'ionosphère.

    Avec les elfes (des disques apparaissant à la base de l'ionosphère), les jets bleus, les jets gigantesques et les sylphes rouges forment un ensemble de phénomènes mettant en jeu des énergiesénergies colossales entre 50 et 80 kilomètres, au sein de la mésosphèremésosphère, cette couche située entre la stratosphèrestratosphère et l'espace.

    Ces altitudes sont difficilement accessibles aux instruments. Les scientifiques les étudient d'en bas, avec beaucoup de difficultés, ou d'en haut, depuis les satellites ou l'ISS (Station spatiale internationaleStation spatiale internationale), mais avec des moyens et des temps d'observation limités. Voilà pourquoi ces quelques images monochromes et de qualité médiocre ont rencontré un beau succès au sein de la communauté des météorologistes...