La tomographie sismique a révélé des structures au sein du manteau de la Terre, comme ces deux grandes régions, aux propriétés atypiques, qui s'étendent sur des milliers de kilomètres. Ces « cryptocontinents », comme ils sont parfois appelés, sont d'origine inconnue mais ils pourraient porter de précieuses informations sur l'histoire et la géodynamique de notre planète.


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    La Terre est tout à la fois une usine chimique et une machine thermique, et même électrodynamique puisque le noyau génère un champ magnétiquechamp magnétique. À partir de la fin des années 1970, alors que la théorie de la tectonique des plaques venait de s'imposer, les géophysiciens spécialisés en sismologie ont développé des méthodes inspirées de l'imagerie médicale. Lentement mais sûrement, la tomographie sismique leur a permis de voir avec une précision grandissante les mouvementsmouvements de convectionconvection au sein du manteau, ainsi que les morceaux de plaques lithosphériquesplaques lithosphériques qui s'y engloutissent.

    Des anomaliesanomalies dans les vitessesvitesses des ondes sismiques ont notamment été découvertes, indiquant la présence dans le manteaumanteau inférieur, au voisinage de l'interface entre le noyau et le manteau, de deux massesmasses importantes dont la température est plus élevée que celle des roches environnantes. Situées sous l'Afrique et le Pacifique, à environ 2.900 kilomètre de profondeur, elles s'étendent sur plusieurs milliers de kilomètres. Comme les ondes sismiques s'y propagent plus lentement, elles ont reçu le nom de Grandes provinces d'anomalies des vitesses sismiques d'ondes de cisaillement, ou LLSP, pour Large Low Shear Velocity Provinces (LLSVP).


    Entretiens avec Jean-Paul Montagner, professeur à l'université Paris-Diderot, et des membres de l'équipe sismologie de l'IPGP. © Chaîne IPGP, YouTube

    Les cryptocontinents, des restes d'un océan magmatique ?

    La physiquephysique nous dit que ces vitesses d'ondes plus faibles impliquent une température plus élevée. On pourrait donc penser que ces zones du manteau ne sont pas stables et qu'elles devraient s'élever, tel des panaches mantelliques. Mais ce n'est pas le cas, ce qui impliquerait qu'elles sont plus denses que le manteau environnant. Depuis un certain nombre d'années, l'hypothèse avancée pour expliquer cette surdensité est donc celle d'une différence de composition chimique.

    Leur origine reste inconnue et les chercheurs étudient avec attention ces régions que certains ont appelées des « cryptocontinents », même s'il ne faut pas prendre cette expression au pied de la lettre. Il pourrait s'agir de zones dans lesquelles se sont accumulés des restes de plaques océaniques subductées depuis des centaines de millions, voire des milliards, d'années. Ces masses pourraient aussi être des restes du manteau datant d'il y a presque 4,5 milliards d'années, juste après la formation de la Terre, plus exactement d'une portion cristallisée de son ancien océan magmatique. Il semble en tout cas que la stabilité de ces cryptocontinents en font des points d'ancrage de certains panaches mantelliques à l'origine de points chaudspoints chauds, tels ceux d'Hawaï ou de Tahiti.

    Un bilan des connaissances sur ces cryptocontinents vient d'être publié par des chercheurs américains dans un article de Nature Geoscience, sans que le mystère soit définitivement résolu.