Carmala Garzione, de l’université de Rochester, revient, dans Science, sur la vitesse d’élévation des Andes. Cette chaîne de montagne aurait bien subi une phase d’orogenèse très rapide, concentrée sur quelques millions d’années seulement. Cette explication accréditerait une hypothèse encore débattue sur l'érection des massifs montagneux : la délamination.

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    Paléosol avec des sédiments carbonatés du bassin Alto Tunuyán. Crédit : Gregory D. Hoke

    Paléosol avec des sédiments carbonatés du bassin Alto Tunuyán. Crédit : Gregory D. Hoke

    La vision que les géologuesgéologues ont de l'orogenèse, la formation des chaînes de montagne, est peut-être sur le point de changer. Depuis quelques années, ils suspectent que l'image simple donnée par la tectonique des plaques ne suffit pas pour expliquer les données recueillies sur le terrain. Selon la théorie, ce serait le choc entre deux plaques tectoniques, qu'elles soient continentales ou océaniques, qui provoquerait le plissement lent et quasi continu des couches de roches de la croûte terrestre. Il faudrait ainsi des dizaines de millions d'années pour que des montagnes telles que nous en observons actuellement aient atteint leur altitude.

    D'après la théorie de la délamination, il existerait une alternance de phases conformes à cette image avec d'autres, durant lesquelles une brusque et importante élévation du relief se produirait en quelques millions d'années seulement. Ainsi, lorsque les plaques comme celle du Pacifique (océanique) et celle de l'Amérique du Sud sont entrées en collision, des racines profondes ont commencé à se former en même temps que les premières montagnes des Andes.

    Les conditions de pressionpression et de température résultant de ces mouvementsmouvements auraient déformé ces racines qui se seraient alors mises à pendre un peu comme une goutte d'eau d'un robinet mal fermé. Il arriverait un moment où cette goutte se détache et plonge dans le manteaumanteau entraînant une brusque remontée des couches plissées de la chaîne de montagne, à la manière d'une montgolfière qui vient de lâcher son lest. Ainsi, en quatre millions d'années, les Andes seraient passées d'une hauteur de 2 km à une hauteur de 4 km, ce qui est très rapide à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques.

    Cette théorie, proposée au début des années 1980, était controversée du fait des difficultés rencontrées pour les modèles analogiquesmodèles analogiques en laboratoire ou ceux purement théoriques, lorsqu'on essaie de comprendre et de reproduire le phénomène.

    La preuve par la géochimie

    Dans le journal Science de Juin Carmala Garzione et ses collègues John M. Eiler et Gregory D. Hoke publient un nouvel article sur le sujet. En 2006, certains de ces chercheurs avaient déjà rendu publiques dans ce journal les analyses effectuées sur plusieurs échantillons de sédiments provenant entre autres de l'Altiplano bolivien.

    L'idée était simple. En fonction de l'altitude, la composition isotopiques des eaux de pluies n'est pas la même et les températures diffèrent. L'érosion des montagnes et la formation des sédiments conduits ainsi à des cristaux carbonatés bien spécifiques. Il est donc possible, à l'aide des isotopesisotopes de l'oxygène et du carbonecarbone, d'obtenir des sortes de paléo-altimètres associés à des chronomètreschronomètres géologiques. C'est en les comparant qu'il est possible de reconstituer l'histoire du soulèvement des Andes.

    Ainsi, l'étude de certains bassins sédimentairesbassins sédimentaires montre que les Andes se sont élevées lentement pendant des dizaines de millions d'années mais qu'un soulèvement brusque s'est produit pendant une période comprise entre -10 et -6 millions d'années.

    Il doit être possible d'étendre cette méthode à d'autres régions de la planète. En tout cas, il semblerait bien que la tectonique des plaques n'ait pas livré tous ses secrets et que bien des processus fondamentaux en géodynamique restent encore à découvrir. Pour l'apprenti géologue, c'est heureux !