La découverte de roches âgées de 4,1 milliards d’années remet en cause la date de formation des océans. Il se pourrait que l’eau, et donc peut-être aussi la vie, se soient développées beaucoup plus tôt que l’on ne le pensait.

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    La planète Terre pourrait-elle avoir été habitable dès 200 millions d'années après sa naissance ? L'idée globalement admise par la communauté scientifique veut qu'entre sa formation et l'apparition de la vie sur la Terre, il se soit écoulé près de 700 millions d'années. La vie serait en effet apparue à la fin du premier éon géologique, l'Hadéen, soit voilà 3,8 milliards d'années. Durant cette première ère géologique, la Terre s'est formée, refroidie et solidifiée. On associe communément cette période à une ère hostile, où aucune forme de vie ne pouvait se développer.

    Mais voilà qu'une équipe, menée par la chercheuse allemande Judith Coggon, révèle que la Terre pourrait bien avoir été habitable dès 200 millions d'années après sa formation. Du moins, les conditions de vie étaient probablement moins rudes que ce que l'on pensait jusqu'alors, ressemblant davantage à ce que l'on connaît aujourd'hui qu'à un enfer invivable.

    L’ « apport tardif » (<em>Late Veneer</em> en anglais) fait référence à la fin de l'accrétion de matière astéroïdes ou comètes vers les planètes terrestres. Fer et nickel ont coulé vers le noyau, quittant le manteau, qui s'est donc appauvri en éléments sidérophiles, notamment les éléments du groupe du platine. Pourtant, les abondances modernes de ces éléments dans le manteau terrestre dépassent largement le niveau attendu. Il est donc supposé que 0,5 à 1,5 % de matière chondritique ou cométaire est arrivé sur Terre durant cet apport tardif, après la formation du noyau. © <em>Astronomical Illustrations and Space Art</em>, Fahad Sulehria

    L’ « apport tardif » (Late Veneer en anglais) fait référence à la fin de l'accrétion de matière astéroïdes ou comètes vers les planètes terrestres. Fer et nickel ont coulé vers le noyau, quittant le manteau, qui s'est donc appauvri en éléments sidérophiles, notamment les éléments du groupe du platine. Pourtant, les abondances modernes de ces éléments dans le manteau terrestre dépassent largement le niveau attendu. Il est donc supposé que 0,5 à 1,5 % de matière chondritique ou cométaire est arrivé sur Terre durant cet apport tardif, après la formation du noyau. © Astronomical Illustrations and Space Art, Fahad Sulehria

    L'étude, dont les résultats ont été publiés dans la revue Nature Geoscience, est basée sur la découverte de roches au Groenland qui appartenaient au manteau terrestre il y a 4,1 milliards d'années, soit seulement 400 millions d'années après que la Terre se soit formée. C'est précisément la signature chimique de ces roches qui suggère que les conditions de l'époque n'étaient peut-être pas si rudes.

    Le Late Veneer serait survenu plus tôt que prévu

    Durant l'Hadéen, la structure profonde de la Terre s'est mise en place. Les éléments tels que l'or ou l'argentargent auraient été dissous par le noyau de ferfer, et la Terre primitive n'avaient quasiment plus d'éléments de ce type. Une théorie pour expliquer la présence d'or et d'argent dans le manteau terrestre actuel est que comètescomètes et météorites auraient bombardé notre planète il y a 3,9 milliards d'années. Cet événement, connu sous le nom d' « apport tardif » (Late Veneer en anglais) aurait apporté l'essentiel de notre eau actuelle, et les éléments attirés par le fer, tels que l'or et l'argent.

    C'est aujourd'hui la seule théorie qui permette d'expliquer comment le manteau terrestre peut être chargé d'éléments qui auraient dû se dissoudre dans le fer en fusionfusion. Mais la datation des roches découvertes dans l'intrusion Ujaragssuit Nunât, dans le sud-ouest du Groenland, remettent clairement en cause la temporalité de l'événement. Il faut que l' « apport tardif » ait eu lieu plus tôt que ce que l'on pensait pour que ces roches, datées de 4,1 milliards d'années soient déjà chargées de métauxmétaux, qui auraient été dissous par le fer en fusion quelques millions d'années plus tôt.

    Reculer la date du Late Veneer renvoie également plus loin dans le passé l'apport en eau, sous forme de glace. Si on va plus loin dans le raisonnement, cette découverte pourrait bien impliquer que la formation des océans, probablement initiée par cet apport en eau, aurait eu lieu, elle aussi plus tôt que prévue. Difficile de statuer avec certitude, l'érosion et surtout la tectonique des plaques, l'érosion empêchent les géologuesgéologues de mettre la main sur des roches primitives, datant de la formation de la Terre. Sur Mars, Curiosity découvre actuellement des roches presque aussi vieilles que la planète elle-même, mais comme le disait l'astronomeastronome Sylvestre Maurice, « la Terre est une planète qui n'a pas de mémoire ». Les roches se recyclent sans cesse et trouver des indices datant de 4 milliards d'années est très rare. Avec cette connaissance fragmentaire de la prime jeunesse de la Terre, il n'est pas étonnant que la découverte d'une nouvelle roche ancienne nous apporte son lot de surprises...