Depuis les années 1990, l'hypothèse de la Terre « boule de neige » tient la corde : pendant longtemps, notre planète a été presque entièrement recouverte de glace et de neige. Mais une récente étude affirme que c'est impossible car la quantité de gaz à effet de serre alors disponible n'aurait jamais suffi à faire fondre cette calotte glaciaire géante.

au sommaire


    Affleurement de la carrière de Terconi, Mato Grosso, Brésil. La partie inférieure montre une couche dolomitique rose surmontée de calcaires gris, plus riche en matière organique. Ces carbonates reposent directement au-dessus des sédiments glaciaires marinoens. © Pierre Sans-Jofre

    Affleurement de la carrière de Terconi, Mato Grosso, Brésil. La partie inférieure montre une couche dolomitique rose surmontée de calcaires gris, plus riche en matière organique. Ces carbonates reposent directement au-dessus des sédiments glaciaires marinoens. © Pierre Sans-Jofre

    L'hypothèse selon laquelle, il y a 635 millions d'années, la Terre aurait été entièrement recouverte de glace, vient de prendre un coup de chaud. La concentration atmosphérique en CO2 durant cette période est beaucoup plus faible que prévu, c'est ce que révèle une équipe de chercheurs français de l'Institut de physiquephysique du Globe de Paris (CNRS/IPGP/Université Paris Diderot), en collaboration avec le laboratoire Géologie et gestion des ressources minérales et énergétiques ainsi qu'avec des scientifiques brésiliens et américains. Leur étude, parue dans la revue Nature du 6 octobre 2011, remet en cause une partie de cette hypothèse dite de la Terre « boule de neige » et relance le débat sur l'origine du mécanisme de déglaciation.

    La Terre a traversé plusieurs épisodes glaciaires extrêmes, dont deux durant la période géologique bien nommée du Cryogénien (il y a 710-630 millions d'années). En 1992 et en 1998, des scientifiques ont émis l'hypothèse qu'il y a environ 635 millions d'années, notre planète aurait connu un épisode glaciaire majeur, laissant le Globe entièrement recouvert de glace. Encore aujourd'hui, la question de la sortie d'un tel épisode reste en suspens. La glace, en effet, renvoie vers le ciel une plus grande partie du rayonnement solaire que les roches (on dit qu'elle présente un fort albédo). Une couverture glaciaire intégrale ou presque limite donc le réchauffement et devrait être assez stable.

    Dans cette hypothèse de la Terre « boule de neige », on supposait que du CO2 d'origine volcanique s'était accumulé dans l'atmosphèreatmosphère en quantité suffisante pour que ce gaz à effet de serregaz à effet de serre ait pu réchauffer la surface de la planète et provoquer la fonte des glaces. Théoriquement, les teneurs en CO2 proposées dans le cadre de cette hypothèse devaient varier autour de 120.000 ppmv (partie par million en volumevolume) (soit 12 %), un taux 300 fois supérieur aux teneurs actuelles.

    La théorie de la Terre « boule de neige » semble présenter des failles. © Nasa

    La théorie de la Terre « boule de neige » semble présenter des failles. © Nasa

    Trop peu de CO2 pour sortir de la glaciation ?

    Afin d'estimer la teneur en CO2 atmosphérique pour cette période, les chercheurs français, brésiliens et américains ont étudié des carbonates déposés il y a 635 millions d'années (glaciationglaciation Marinoenne). Ces premiers sédimentssédiments recouvrent les dépôts glaciaires de cette période, considérée comme le témoin d'une glaciation globale, la fameuse Terre « boule de neige ». Cette étude se base sur la différence des compositions isotopiques du carbone entre les carbonates et la matièrematière organique d'organismes fossilisés, reliée à la teneur en CO2 atmosphérique. Les résultats montrent une concentration très proche de l'actuelle (et inférieure à 3.200 ppmv), soit une teneur très insuffisante pour sortir d'un épisode glaciaire d'une telle importance.

    Cette étude non seulement remet en cause une partie de l'hypothèse Terre « boule de neige », mais elle implique également que ces épisodes glaciaires n'ont pas été aussi intenses que précédemment proposé. En outre, ces mêmes données s'accordent avec l'idée qu'à la même période, l'atmosphère aurait été beaucoup plus pauvre en oxygène, autour de 1 %, alors qu'aujourd'hui, elle est de l'ordre de 20 %. Dès lors, les scientifiques doivent se pencher sur d'autres mécanismes de déglaciation ou bien sur d'autres gaz que le CO2, tel que le méthane, également avancé dans le cadre de cette hypothèse.