Le gel participe à l’érosion des sommets rocheux, mais il n’est pas responsable de tous les maux pour autant. Une nouvelle étude vient de quantifier l’effet d’un agent d'érosion trop longtemps sous-estimé : la foudre. En effet, chaque fois qu’elle tombe sur un substrat dur en altitude, elle peut briser plusieurs mètres cubes de roches. Le phénomène vient d’être estimé en Afrique du Sud.

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    Les plus hauts sommets rocheux de la planète sont régulièrement couverts de cailloux aux arêtes anguleuses. Le gel est souvent désigné comme étant le responsable de leur formation, et donc de l'érosion progressive des montagnes. Leurs substratssubstrats durs sont régulièrement parcourus par des fissures dans lesquelles l'eau peut pénétrer. Or, ce liquideliquide se dilate en présence de températures négatives, ce qui signifie que son volumevolume augmente. Lorsque cela survient dans une anfractuosité rocheuse, les forces en jeu sont alors en mesure de briser la roche.

    Il semble que quelques raccourcis aient été pris lorsque l'eau, ou parfois la chaleurchaleur, sont directement accusés d'être les principaux agents responsables de l'érosion des sommets rocheux. À l'aide d'une carte et d'une boussole, Jasper Knight et Stefan Grab de l'université du Witwatersrand (dite Wits University) en Afrique du Sud, viennent de montrer que la foudre joue un rôle non négligeable dans cette problématique. Les géologuesgéologues s'en doutaient déjà, mais les deux chercheurs ont confirmé ce fait en présentant des chiffres dans la revue Geomorphology.

    Qui peut dire si ces pierres situées au sommet d'une montagne ont été brisées par le gel ou par la foudre ? La réponse se trouve dans leurs minéraux magnétosensibles. © edmaphar, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Qui peut dire si ces pierres situées au sommet d'une montagne ont été brisées par le gel ou par la foudre ? La réponse se trouve dans leurs minéraux magnétosensibles. © edmaphar, Flickr, cc by nc sa 2.0

    Une machine à produire des cailloux anguleux

    Lorsque la foudre s'abat, la chaleur peut atteindre 8.000 à 30.000 °C au point d'impact, c'est dire si l'apport en énergieénergie est important. Elle est en grande partie absorbée si l'éclair touche un sol meuble ou un arbre... mais pas lorsqu'il tombe sur de la roche ! Dans ce cas de figure, il peut s'en suivre une puissante explosion qui brise alors le substrat en une myriademyriade de cailloux aux arêtes anguleuses. Pour déterminer le volume touché, les scientifiques ont recherché des points d’impact sur de hauts sommets de la chaîne de montagnes du Drakensberg, en Afrique du Sud.

    Il est particulièrement difficile de dire si une roche a été brisée par le gel ou par la foudre. Difficile, mais pas impossible. Lorsqu'un tel substrat se forme, il peut intégrer des minérauxminéraux orientés vers le Nord magnétique. C'est précisément ce qui est survenu voici 180 millions d'années, lorsque les montagnes du Drakensberg se sont formées. Seulement voilà, le pôle Nord magnétique a depuis changé de position, ce qui signifie que les minéraux magnétosensibles ont perdu leur alignement. Ce détail est crucial pour la suite des explications.

    Des minéraux magnétosensibles qui retrouvent le Nord

    Voici l'astuce : lorsqu'elle s'abat sur un sol rocheux, la foudre provoque une réorientation des minéraux magnétosensibles en direction du Nord magnétique dans le voisinage du point d'impact. Or, ce changement perturbe par la suite le comportement des boussoles qui passent à proximité des sites concernés. C'est donc en randonnant avec cet outil à la main que les deux chercheurs ont pu cartographier des points d’impact, puis mesurer le volume de pierres brisées par les « explosions électriques ». Résultat : entre 3 et 10 mpar impact.

    Ces chiffres sont loin d'être négligeables. Ils démontrent que des changements géomorphologiques peuvent survenir bien plus rapidement qu'on ne le pense au sommet de certaines montagnes. N'oublions pas que les chaînes montagneuses sont quasi quotidiennement frappées par des orages en été. À chacune de ces occasions, elles peuvent alors être touchées par plusieurs dizaines d'éclairs par km2. Selon les auteurs, ce facteur aurait dans certains cas davantage de conséquences que le gel sur l'érosion d'un relief déterminé. Ainsi, le climat ne doit plus être le seul facteur pris en compte pour prévoir le devenir d'un édifice géologique.