C’est peut-être le début de la fin d’un vieux conflit entre géochimistes et sismologues. De nouvelles simulations sur la convection thermochimique à l’intérieur de la Terre indiquent que des vestiges du manteau primitif peuvent exister à sa base tout en étant suffisamment instables pour alimenter les volcans formant certaines îles basaltiques.

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    On sait que la tectonique des plaques a démarré assez tôt dans l'histoire de notre planète et c'est elle qui fait de la Terre une planète vivante, selon le titre d'un excellent ouvrage de Maurice et Katia Krafft qui nous ont quittés il y a vingt ans cette année. Si l'on connaît assez bien dans les grandes lignes les mécanismes impliqués dans la dérive des continents et responsables de l'expansion océanique au niveau des rifts, comme celui de l'Afar exploré par Haroun Tazieff et ses collègues, il reste de nombreuses zones d'ombre en ce qui concerne plusieurs questions liées à la géochimie et à la géophysique de la Terre lorsque l'on cherche des réponses précises.

    Ainsi, depuis longtemps, les géochimistes analysant les basaltes récents des îles océaniques y ont-ils souvent trouvé des signatures indiquant que ces laves refroidies provenaient d'un magmamagma résultant de la fusion partiellefusion partielle d'un manteaumanteau très primitif. Or, on a de bonnes raisons de penser que le manteau supérieur de la Terre a subi un dégazagedégazage et ne peut donc pas ressembler au manteau initial de la planète d'un point de vue géochimique, juste après sa différentiationdifférentiation.

    Cela ne serait pas problématique si les géophysiciens n'avaient pas des preuves convaincantes que le manteau est le siège d'une convectionconvection générale très ancienne, avec des plaques tectoniques subductées plongeant profondément dans les entrailles de la planète. En clair, la convection régnant dans le manteau doit le rendre homogène, en contradiction avec les données des basaltes des volcansvolcans océaniques.


    Lors de l'expédition en Polynésie française, les plongeurs de l'équipe Cousteau partent à la découverte du mont Mac Donald, Tamari en polynésien, un volcan sous-marin de l'archipel des îles Australes. Les laves émises durant ses éruptions proviennent du point chaud qui a donné naissance aux îles Australes. Les plongeurs de la Calypso découvrent une cheminée du volcan et assistent aux premières manifestations d'une violente éruption qui éclatera trois jours plus tard. © Cousteau Society 2010, YouTube

    Cette énigme trouble depuis longtemps la communauté des géologuesgéologues et plusieurs tentatives pour la résoudre ont été proposées. La dernière provient d'un article publié dans Nature Geosciences par une équipe de chercheurs suisses de l'Institut fédéral de technologie de Zurich et français de l'Institut de physiquephysique du Globe de Paris (CNRS, université Paris Diderot).

    Une convection thermochimique expliquant des points chauds

    Les chercheurs ont fait tourner sur un ordinateurordinateur une simulation numériquesimulation numérique 3D réaliste de l'intérieur de la Terre prenant en compte l'effet dynamique des anomaliesanomalies de densité (liées au gradientgradient de température du manteau et celles liées à la composition chimique) ainsi que le changement de phase entre le manteau supérieur et le manteau inférieur.

    Selon les paramètres régissant la convection thermochimique du manteau, sa stabilité et sa composition chimique ne sont pas les mêmes. En particulier, il existe un jeu de ces paramètres qui autorisent la persistance à la base du manteau de zones dont la composition chimique reste celle du manteau primitif et qui ne participent pas à la convection générale du manteau actuel de la Terre.

    Toutefois, contrairement à la situation décrite par un autre jeu de paramètres, ces réservoirs denses de matièrematière primitive ne sont pas complètement stables. Ce qui veut dire que des panaches mantelliquespanaches mantelliques peuvent parfois s'y former et remonter vers la croûtecroûte pour donner naissance à un volcanismevolcanisme de point chaudpoint chaud.

    Quantitativement, la simulation de l'équipe franco-suisse produit un spectrespectre d'anomalies de densité chimique et thermique en très bon accord avec les observations sismologiques, les observations des géophysiciens et des géochimistes sont donc complètement conciliées dans ce modèle.