Découverte en juillet, une poche d'eau sous le glacier de la Tête Rousse doit être vidée pour éviter le risque d'une catastrophe. En 1892, le même phénomène avait dévasté la vallée.

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    Le tunnel de drainage creusé sous le glacier en 1904 pour faciliter l'évacuation de l'eau de fonte. © DR

    Le tunnel de drainage creusé sous le glacier en 1904 pour faciliter l'évacuation de l'eau de fonte. © DR

    Une imposante opération de pompage vient de commencer sur le glacier de la Tête Rousse, au pied du Mont-Blanc, au-dessus de la ville de Saint-Gervais. A 3.200 mètres d'altitude, des ouvriers forent actuellement un puits vertical de 25 centimètres de diamètre qui devra atteindre, à 40 mètres sous la glace, une énorme poche d'eau, dont le volumevolume est estimé à 65.000 mètres cubes.

    Ce genre de poche d'eau sous-glaciaire est bien connu et, en été, il arrive que la glace qui les contient se brise, conduisant à une vidange brutale d'eau et de glace. On parle de lave torrentielle pour désigner ce mélange dangereux qui, en général, s'enrichit dans la descente des roches qu'il rompt au passage.

    C'est justement ce qui est arrivé dans la nuit du 11 au 12 juillet 1892 dans ce glacier de la Tête Rousse. La rupture d'une poche d'eau à 3.150 mètres a libéré un volume d'eau estimé à 200.000 mètres cubes, lesté de 9.000 mètres cubes de glace. Cette lave torrentielle aurait ensuite arraché 800.000 mètres cubes de roches avant d'atteindre l'établissement thermal, faisant 175 victimes.

    Schéma en coupe du glacier de la Tête Rousse avant la catastrophe de juillet 1892. De l'eau liquide est emprisonnée sous la glace, creusée de deux cavités communicantes. En aval (à droite), un seuil rocheux réduit l'écoulement du glacier, générant une augmentation de pression en amont. La partie supérieure de la première cavité s'effondre, augmentant brutalement la pression dans l'eau liquide, conduisant à la rupture du front du glacier, ce qui libère l'eau. Emportant la glace et chargé de roches, cet écoulement devient de la lave torrentielle. La même chaîne d'événements semble enclenchée aujourd'hui et la seule solution envisageable est de vidanger la cavité sous-glaciaire. © DR

    Schéma en coupe du glacier de la Tête Rousse avant la catastrophe de juillet 1892. De l'eau liquide est emprisonnée sous la glace, creusée de deux cavités communicantes. En aval (à droite), un seuil rocheux réduit l'écoulement du glacier, générant une augmentation de pression en amont. La partie supérieure de la première cavité s'effondre, augmentant brutalement la pression dans l'eau liquide, conduisant à la rupture du front du glacier, ce qui libère l'eau. Emportant la glace et chargé de roches, cet écoulement devient de la lave torrentielle. La même chaîne d'événements semble enclenchée aujourd'hui et la seule solution envisageable est de vidanger la cavité sous-glaciaire. © DR

    Glacier sous surveillance

    Les études entreprises alors, notamment par Joseph Vallot (du même nom qu'une collection de guides de montagne toujours célèbre chez les Chamoniards), ont montré que l'écroulementécroulement du plafond de la cavité a initié la catastrophe en provoquant une rupture en contrebas.

    Après cette étude minutieuse, il a été décidé de drainer l'eau sous-glaciaire par deux galeries creusées dans la glace. Depuis, des équipes surveillent régulièrement ce glacier et les écoulements d'eau libre. Depuis 1892, la vallée de Saint-Gervais s'est généreusement peuplée et ce sont aujourd'hui 9.000 personnes qui vivent directement sur le chemin possible de lave torrentielle venue du glacier de la Tête Rousse.

    Une étude récente, menée pour vérifier l'utilité du tunnel de drainage de 1904 (dans lequel l'eau ne coule plus depuis longtemps), a montré grâce à des mesures par radar qu'une poche d'eau s'était sans doute formée au sein du glacier. En septembre 2009, une équipe du Laboratoire d'étude des transferts en hydrologie et environnement (LTHE) a sondé la glace par résonance magnétique des protons. Remis en juillet, le rapport final conclut sans ambiguïté à la présence d'une massemasse d'eau dangereuse et indique la meilleure solution possible : une ambitieuse opération de pompage, estimée à 2,5 millions d'euros pour environ trois mois de travail.

    Une fois le puits terminé, une pompe sera descendue dans la cavité et l'eau sera lentement extraite puis envoyée vers les écoulements naturels existant déjà. Pendant ces travaux, le glacier reste sous surveillance étroite, notamment par relevés au GPSGPS et, au cas où surviendrait une rupture, l'alerte sera donnée rapidement, permettant à la population en danger de rejoindre des zones considérées comme sûres. La surveillance devra se poursuivre ensuite car cette cavité aura sans doute tendance à se remplir à nouveau...